
vendredi 31 janvier 2025
Un peu de politique batracienne ... (21)

mercredi 29 janvier 2025
La circularité des sphères arrondies...
vendredi 24 janvier 2025
Si Nathan avait su (18)
- Non, c’est exact. On a surtout de la difficulté avec Thompson, mon nom de famille.
- Je suis certain que vous serez très bien ici. C’est situé en plein cœur du village, mais surtout face à votre lieu de travail.
-Ça répond parfaitement à mon besoin, merci.
- Est-ce que la personne que vous me donnez pour référence demeure dans la province ?
- À Montréal.
La nouvelle locataire et le propriétaire se saluèrent amicalement ; il apparaissait toutefois dans la physionomie de ce dernier, non pas de la méfiance mais plutôt quelque chose comme s’il restait sur son appétit. Sachant parfaitement qu’on allait l’interroger sur ce nouveau personnage s’installant dans le village et qui prendrait charge d’une classe à l’école primaire, il n’aurait que trop peu de choses à raconter sauf qu’elle lui a semblé gentille, peu bavarde et d’origine étrangère, probablement de descendance anglophone s’il en jugeait par son patronyme. À son tour, le président de la commission scolaire sera certainement lui aussi bombardé de questions.
Abigaelle fit une dernière fois le tour de cette petite maison toute de bois construite. Le bleu domine alors qu'autour des fenêtres un blanc aussi pur que la neige les encadre, tout cela lui donnant un joli cachet vieillot. Au rez-de-chaussée, un foyer attire l’attention du fait qu’on l’ait placé entre le salon et la salle à manger qui s’étire jusqu’à la cuisinette. Le plain-pied se déploie entre de grandes fenêtres dont une donne effectivement sur la façade de l’école primaire, une autre sur un magnifique jardin qui n’attend qu’à être réaménagé au goût de la nouvelle occupante. La minuscule salle de bain se trouve un peu en retrait. À l’étage, un loft qu'elle aménagera à son goût et répondant à ses besoins, sachant qu’elle y passerait la majorité de son temps. Un duo de fenêtres donnant sur l'est, l'autre sur l'ouest laissant ainsi entrer une belle lumière sur les murs en bois et un plafond anguleux. La chaleur confortable qui irradie l’endroit est sans doute due au fait que l’ensemble répond de la même essence de bois qu’on a utilisée pour construire la maisonnette et qu'un léger courant d'air se faufile au travers toute la pièce. La nouvelle locataire s’y sentit déjà confortable. Un sourire de satisfaction apparût pour disparaître aussitôt.
Abigaelle avait rendez-vous avec la directrice de l’école primaire, madame Saint-Gelais. Dans la localité de Saints-Innocents, la paroisse porte le même nom ainsi que l’école qui fut longtemps présentée comme un joyau architectural, selon le président de la commission scolaire. À l’époque de la création du village, on ne s’est pas creuser les méninges et chercher l’originalité, le même nom serait attribué à l'église, à la municipalité et finalement à l'école. Cela convenait à tout le monde. Une tradition quasiment ancestrale veut que marguilliers, commissaires de l’école ainsi que les conseillers municipaux soient tous les mêmes. Ils représentaient plusieurs familles locales transmettant entre eux leurs rôles - les femmes n'ayant pas droit d'occuper des fonctions administratives officielles -comme s’il s’agissait d’une oligarchie. Les disputes s'engageaient seulement lors des élections provinciales et fédérales, à ce moment-là les couteaux volaient bas.
À quelques jours de l’ouverture des classes, la directrice avait exigé du président de la commission scolaire que tout son personnel fût nommé et en place pour le vendredi 29 août. Un changement important dans l’horaire survenu cette année puisque, depuis toujours, les élèves se présentent pour le début des classes le lendemain de la Fête du travail, le premier lundi du mois de septembre. Cela modifia son organisation qui, depuis des lustres, respecte le même horaire, mêmes activités d’entrée et exige que toutes ses enseignantes soient en place. En effet, à l’école primaire Saints-Innocents - le scénario devait sans doute être le même partout dans la province - seulement deux hommes font partie de l’équipe, soit le concierge et le curé de la paroisse.
- Mademoiselle Thompson ?
- Bonjour madame Saint-Gelais.
- Monsieur le président de la commission scolaire m’a annoncé votre venue dans notre école. Avez-vous rencontré monsieur Champigny pour une location ?
- C’est fait depuis une heure.
- Et vous emménagez bientôt ?
- Le temps de ramasser mes affaires à Montréal puis de m’installer. Ça sera fait d’ici deux ou trois jours.
L’entretien demeurait formel, ce qui ne ressemble aucunement au tempérament de la directrice pour qui tout connaître de son personnel fait partie intégrante de sa gestion, l'amenant parfois à se montrer intrusive. Elle épluchait du regard sa nouvelle enseignante alors que mille et une questions l’attaquaient de front autant sur la jeune fille, son passé et principalement les raisons l’ayant incitée à appliquer sur un poste aussi éloigné de la grande ville. Pour le moment, elle préférait établir une relation professionnelle basée sur la hiérarchie.
- J’ai lu votre curriculum vitae. Vous en êtes à votre première année d’enseignement et vous possédez, ce qui est assez rare chez nous, une maîtrise en éducation avec spécialisation auprès des élèves des classes de maternelle.
- Du pré-scolaire. En effet, d’ailleurs j’entreprends dès cet automne un doctorat.
- Permettez-moi de vous aviser que la majorité de nos enseignantes, très compétentes d'ailleurs, ne possèdent que le brevet «C», ce qui les rend légalement qualifiées à enseigner auprès de la clientèle du primaire.
- Je ne vois aucun problème puisque tout est conforme aux exigences.
- Sans doute ne retrouverez-vous pas dans nos discussions pédagogiques la même… comment dire ? … la même rigueur à laquelle vous êtes sans doute habituée.
- Il n’est pas dans mon habitude d'apprécier les gens à partir de leur feuille de route.
- Bien. Alors, je vous souhaite une bonne arrivée parmi nous, espérant que vous vous adaptiez à notre petit village de campagne.
- Aucun doute dans mon esprit.
Abigaelle se leva, tendit la main à madame Saint-Gelais qui demeura assise dans son fauteuil roulant. Elle s’arrêta au bureau de la secrétaire afin de récupérer les documents relatifs à sa tâche dont principalement la liste des élèves. Un bref coup d’oeil lui permit de constater que son groupe serait composé de huit (8) élèves parmi lesquels se trouvait une seule fille qui, cela la surprit, ne possédait qu’un prénom. Les garçons avaient tous six (6) ans, sauf un (1) dont elle retint le prénom, Benjamin, âgé de cinq (5) ans. Pour le nom de famille, il comportait, rare à l’époque, les deux noms de ses parents.
Une fois complété le document dans lequel on colligeait les informations personnelles exigées par la commission scolaire, la jeune institutrice s’enquit auprès de la secrétaire de l’endroit où se situait le bureau postal.
mardi 21 janvier 2025
Projet entre nostalgie et fantaisie... (14)
l’écho d’un violoncelle suffoque dans les montagnes
la nostalgie se cueille sur un banc de métro
alors que la mélancolie les berce, berce encore…
l’écho éteint le son hystérique des téléphones,
l’odeur des voix, le chuintement des pas élastiques
dans les rebours d’une tête effarouchée
la nostalgie, c’est l’écho du temps qui se fait mélancolique…
la pire vengeance de l’amour est l’amour impossible
une main refroidie qui claque la porte
s’en allant paver la ruelle du supplice des heures
l’écho naît nostalgie… meurt mélancolie
un banc de métro, mur de silence sur lequel, infatigablement,
la solitude y creuse de grands trous d’isolement
n’empêchera pas les fous de hurler de joie…
et passe l’archange aux ailes brûlées d’étoiles
des souvenirs incognitos ruisselant de ses bras
s’assèchent ainsi qu’une tache de café roidie
avec trois cordes de violon, le bleu délavé du ciel
désamorce l’écho sous les nuages gris du métro
puis, mélancoliquement, arpente le chemin de l’oubli
368
les pas reculent quand s’avance la nuit
s’installe la peur au ventre, ses serpents
minutieusement, interminablement
abreuvent les remords du jour
la peur - coup de tonnerre à l’estomac -
- épée de Damoclès plantée dans le ventre -
étend froidement sur le vaste autel des croyances
un chapelet dépecé aux nœuds des serpents
crier du silence à tue-tête
se lover autour des algues d’un ruisseau
y voir un océan déchaîné
avaler des poissons aux yeux creux
les redoutables serpents de la peur
comme des odeurs volées à la nuit
s’enroulent langoureusement autour de soi
pour accoucher de leurs faux diktats
les serpents de la peur
ces dictateurs atrophiés aux mains étouffantes
s’attaquent d’abord et férocement à la gorge
y déposant la gangrène arrachée à un dernier souffle
les serpents de la peur
étourdissent de leurs dissonantes symphonies
la quiétude des fleurs qui tomberont des arbres
quand les frissons auront vrillé leur dernière chaleur
blancs devenus noirs, écarlates dans l’ombre
ils regardent, muettement, avec des certitudes d’évangile
fondre les os calcinés des témoins perdus
cherchant à s’évader du cercle perpétuel
ce que serine les serpents de la peur
rappelle ces éblouissements géographiques
venus des longues terres inconnues
qu’un marcheur surpris découvrirait par hasard…
… où il y croiserait des serpents
377
samedi 18 janvier 2025
S P L E E N
SPLEEN
Éveillant ma mémoire à tous ces vivaces après,
Ceux de la pluie incessante, du vent saïgonnais,
De cette lune qui s’écrase derrière les buildings.
Un spleen vaste comme l’ennui, plein à ras bord,
Coloré de cette humidité qui hurle dans ma tête,
Invite aux airs de jazz, ceux de la rue Lé Loi,
Saxophones, chanteuses noires dansant avec mon âme.
Leurs racines découvertes à fleur de terre, de bitume
Le rouge fané du Mékong, le rouge sang du fleuve.
Mon spleen ressemble à de longs corridors
Que ce pays, jadis interdit, évoque maintenant
Qu’évoque le Morgon sur ma table de travail.
Ne traverse plus ces ponts innombrables
Ne m’arrête plus pour quelques roses
Ne me perd plus dans les silences des couvre-feux.
Pieds nus à marcher sur la grève de la Mer de l’Est
Le regard au-delà de tout horizon palpable
Puis me souvenir de là où je ne serai plus.
Et le Morgon est tout ce qui me reste…
mercredi 15 janvier 2025
Si Nathan avait su (17)
Depuis leur retour de la grande ville, de l’arrêt chez les amis oji-cris et dans l’attente du début des classes, Benjamin, lentement, s’habituait à dormir la nuit - il avait insisté pour que ce soit à la nuit tombée, le temps de saluer la lune les soirs où elle pointait son nez. Les parents avaient installé sa chambre à l’étage - celle qui plus tard, une fois les rénovations faites, deviendrait celle de Nathan - son lit disposé près de la fenêtre donnant sur l’ouest. La petite bibliothèque personnelle qu’il avait montée se partageait en deux parties : une pour ses livres, l’autre pour ses premiers écrits, ceux que Jésabelle lui avait proposé d’offrir à sa lune.
Sa mère notait que plus le temps avançait moins son fils lisait à voix haute. Devenu plus intérieur, plus contemplatif le décrirait mieux, il se plaçait, une fois le repas du soir achevé, dans la véranda, un recueil de poésie sur les genoux et dans un silence songeur presque méditatif, semblait écouter des sons provenant de son intérieur, surtout qu’il avait cessé d’actionner le haut-parleur qui diffusait de la musique.
- Vous savez comme j’aime mon Grandbois, dit Benjamin, un soir après souper, avant de regagner la véranda. Eh bien, Nelligan me parle beaucoup en ce moment. Voici le poème qui m’enchante. Si voulez, j’aimerais vous le lire.
- C’est toujours agréable de t’écouter nous dire ce que tu aimes de la voix de tes amis poètes, répondit Jésabelle.
- Voici, il a un titre, NUIT D’ÉTÉ, et c’est la première fois que j’en vois un organisé de cette façon.
- Comme c’est beau, surtout de la façon dont tu le lis. Pour l’organisation du poème, ça porte un nom bien à lui. Il s’agit d’un sonnet parce qu’il a quatre paragraphes qu’on appelle des strophes, deux de quatre vers et deux de trois vers.
- Et c’est quoi les Sylphes ?
- Va chercher ton dictionnaire, on va regarder ensemble.
Le gamin, déposant délicatement les POÉSIES COMPLÈTES d’Émile Nelligan, partit vers sa chambre d’où il revint rapidement. C’est Daniel qui lui lut la définition : « Des créatures imaginaires décrites comme des élémentaires de l’air. »
- Il y a donc des créatures dans l’air, énonça Benjamin dont le visage rayonnait au contact de cette nouvelle réalité invisible. C’est d’ailleurs ainsi que, plus tard, beaucoup plus tard, alors qu’à la fin de son cours secondaire la tradition étudiante voulant qu’on publie un cahier dans lequel les photos de chacun des élèves achevant leur parcours s’y retrouvent accompagnées d’une légende provenant souvent d’un autre élève. On pouvait y lire : « Benjamin, un gars à la réalité invisible! »
*****
De l’extérieur, sans connaître correctement les deux personnages, tout pouvait ressembler à un conflit verbal, à tout le moins une dispute, celle entre Don et son épouse oji-crie qui n’a pas encore officialisé le nom qu’elle portera jusqu’à la fin de ses jours, un droit provenant d’une tradition ancestrale et formulant qu’une jeune fille ayant donné naissance à deux enfants, qu’ils soient mâles ou femelles, issus d’un mari oji-cri, obtient le droit de se nommer sans obligatoirement consulter son époux ; si elle n’y parvenait pas, d’office on lui attribuait celui de l’ancêtre féminine du côté du père des enfants.
- Tu crains quoi exactement, femme ?
- Ses longs cheveux noirs seront un sujet de moquerie des autres enfants de sa classe, répondit-elle.
- Si ce n’est pas cela, on trouvera toujours un autre élément pour lui rappeler sa différence. Chelle est tellement timide, craintive que le risque qu’elle serve de bouc-émissaire persistera malgré tout ce qu’on peut faire. Je ne peux pas oublier les premiers jours à l’école des adultes quand mon père m’a confié la tâche d’intégrer la communauté du village, d’apprendre leur langue. Il m’aura fallu beaucoup de détermination pour résister aux humiliations provenant de tous les élèves. Je ne peux pas te répéter les affronts qu’on me lançait, les injures même, cela t'inquièterait encore plus.
- Voilà exactement ce que je redoute. Chelle ne sait pas comment se défendre et n’a eu que très peu de contacts avec les Blancs.
- Tu proposes quoi ?
- Lui couper les cheveux.
À ces mots, sortie de nulle part, l’ancêtre oji-crie hurla : il n’est pas question que ma petite-fille se fasse couper les cheveux, et cela par qui que ce soit. Cela jeta un embarras entre les deux parents de Chelle qui s’amusait à l’extérieur en compagnie de Ojibwée.
Un peu à l’image de Benjamin, le chien-loup, avec le temps, était devenu l’alter-ego de la petite fille. Leur complicité authentique se manifestait par le fait que du matin au soir, et même la nuit car la chienne dormait dans sa chambre, ils étaient continuellement ensemble. C’est à elle que l’enfant oji-crie parlait le plus. Manifestement, sans s’éloigner de ses parents et de l’ancêtre, elle vivait dans un autre monde, dans lequel ni la méchanceté ni la rancune n’avaient de place. Exactement l’opposé du climat qui enveloppait la maison de ses parents où l’adversité régnait, le non-dit, comme s’il s’agissait d’un combat viscéral entre les traditions que souhaite préserver l’ancêtre, voire même obliger sa petite-fille à les adopter et la réalité de Don qui avec le temps et les nombreux contacts que son emploi de garde-forestier provoquaient inévitablement. La mère de Chelle n’avait pas encore droit ni à la discussion avec sa belle-mère ni la possibilité de prendre quelque décision que ce soit. Tout devait émaner de l'ancêtre et du maître de la maison ; en cas de mésentente, voix prépondérante à l’homme.
Le ton n’a pas monté plus haut après les paroles sèchement lancées par l’ancêtre, mais la sentence était maintenant décrétée. Pour ne pas envenimer la situation, Don déclara que sa fille se présenterait à l’école du village avec ses cheveux noirs qui ne furent jamais coupés depuis sa naissance, mais que sa mère allait tresser. Un point c’est tout. La mère baissa les yeux. L’ancêtre retourna dans sa chambre. Le père sortit dehors apercevant Chelle discutant avec son chien.
- On va moins se voir quand je serai à l’école. Tu vas m’attendre ? J’aimerais que tu sois près du chemin quand j’attendrai le bus. J’ai un peu peur. Mais dedans mon nouvel ami Benjamin y sera. Juste le temps que j’attende et que je monte, après tu pourras faire ce que tu veux. Ça va prendre quelques jours avant qu’on soit habitué, mais on y arrivera.
Don s’assit entre les deux et prit la parole : « Ma fille, l’école s’envient et tu passeras une bonne partie de tes journées loin de la maison, loin de tes parents et de Ojibwée, mais tu demeureras toujours une oji-crie. Autant dans ton âme que dans ton corps. Toute ta vie sera oji-crie. Cela veut dire que nos traditions tu auras à les respecter bien que tu seras en contact avec d’autres façons de vivre. Tes yeux sont ouverts de plus en plus ; tes oreilles entendent et comprennent différemment qu’auparavant ; tu verras et entendras de nouvelles choses, de nouvelles manières d’être et de parler, certaines te plairont, d’autres te surprendront. Ça sera la même chose pour les amis qui seront dans la classe que l’on te désignera. Déjà tu en as un, je pense à Benjamin. Ses parents et tes parents s’entendent bien, alors il n’y a pas de raisons pour que ce soit différent avec les autres qui seront avec toi. Mais sache que certains pourraient être surpris de te voir, peut-être la même chose pour Benjamin ; certains pourraient être méchants avec toi, la même chose pour Benjamin ; n’accepte jamais de qui que ce soit qu’on te traite mal ou encore te place dans des situations qui ne te conviennent pas. Ça sera la même chose pour Benjamin. Je sais que tous les deux vous ne participerez pas à certaines activités que les autres auront, il ne faut pas que cela devienne un drame, seulement un fait. C’est comme ça, un point c’est tout. »
- Crois-tu, papa, que je serai heureuse ?
- Le bonheur, c’est toi qui le crée. N’attends pas qu’il te vienne des autres, car il ne viendra pas. Garde toujours ouverts tes yeux, tes oreilles et ton cœur. Observe…
- Oui, je sais, Benjamin me l’a dit l’autre fois, qu’on doit observer avec tous nos sens.
- Et il a raison. Promets-moi ainsi qu’à ta mère de nous partager ce que tu vivras dans la nouvelle communauté ?
- À grand-mère aussi ?
- À grand-mère aussi… répondit le père après une courte hésitation.
Le chien-loup semblait avoir écouté la conversation et retournait lentement vers le ti-pi, tête baissée.
vendredi 10 janvier 2025
On entre dans l'année 2025 à cloche-pied.
Avez-vous souvenance qu’une nouvelle année s’annonça de manière positive, sous de bonnes augures ? Personnellement j’ai beau chercher mais la mémoire ne me renvoit rien.
Parmi les synonymes du mot «augure», on retrouve ceci : aruspice/haruspice.
Voici le sens que LE ROBERT nous en donne : « Dans l’Antiquité romaine, un devin qui examinait les entrailles des victimes (animales pour la plupart) pour en tirer des présages. »
Ne croyant pas plus qu’il ne le faut aux présages qu’ils proviennent d’entrailles animales, de soldats ennemis morts au combat et gisant sur un champ de bataille, de la courbure du vol des oiseaux, je préfère me tourner vers mon vieux cahier de lectures pour nourrir mon imaginaire de mots réconfortants.
Je vous les offre bien humblement.
*****
. Quand la passion vous rend esclave, elle devient dangereuse.
Alain Claude SULZER
. Les passions les plus dévorantes savent parfois se cacher comme les bêtes sauvages.
. On a beau savoir que, sous toute passion, il y a toujours la permanence d’un danger, lorsque ce danger survient et qu’il efface ainsi cette passion, on a beau savoir, la piqûre peut être mortelle. Mais puisqu’il ne s’est agi que d’une passion – et pas d’un amour -, on peut en guérir aussi rapidement qu’on a été atteint, à condition que la colère et la lucidité que provoque l’offense prennent le dessus sur le sentimentalisme et sur la nostalgie d’un bonheur déjà obsolète.
. Les jeux qui s’énoncent en une seule phrase sont les plus redoutables.
Tonino BENACQUISTA
. … il ne faut jamais sous-estimer les gens, il n’existe que peu de choses qu’ils soient incapables de détruire.
. Il faut, répondait-il aux insultes, laisser les autres avoir raison, puisque cela les console de n’avoir pas autre chose.
André GIDE
. Les êtres emplis d’une si haute idée d’eux-mêmes n’ont jamais envisagé de chuter un jour. Quand cela se produit, ces êtres se vident, effarés, impréparés, leur substance s’évapore dans la stupeur de l’échec. Pas de milieu, pas de nuances, pas d’anticipation. Ainsi sont-ils.
Fred VARGAS
. Il croyait qu’il avait ressuscité, une résurrection à l’envers, vers le passé.
Boa NINH
. Elles sont étranges les marques d’affection chez ces amis qui rêvent de vous passer les menottes...
Sylvain TESSON
. Un homme sage s’estime responsable de ses actes et de leurs conséquences : un homme dénué de sagesse ne se sent responsable que de ses intentions.
Amin MALOUF
Bonne année 2025 envers et contre...
mardi 7 janvier 2025
Un peu de politique à saveur batracienne... (20)
![]() |
Le numéro de janvier de CHARLIE HEBDO. |
dimanche 5 janvier 2025
Si Nathan avait su (16)
Jésabelle profita du trajet les ramenant à la maison au bout du rang pour partager avec Daniel les paroles que l’ancêtre oji-crie lui avait adressées relativement à sa grossesse.
- Particulier quand même que Benjamin et Chelle soient du même âge tout comme le seront les deux qui s’en viennent, dit Daniel.
- Une deuxième fille pour l’épouse de Don, ce qui a semblé tracasser l’ancêtre sans pour autant en dire plus. Sa bru devra maintenant adopter un prénom comme le veut la tradition des Oji-Cris. Elle m’a demandé de lui en suggérer quelques-uns pour ne pas se voir obligée de prendre celui de l’ancêtre, car… Un silence s’est installé entre nous à l’intérieur de cette maison qui dégage tellement de bonnes odeurs sans que je réussisse à toutes les nommer. Des odeurs d’herbes fraîchement coupées. Dans la cave aux murs en pierre et au plancher de terre dont il m’est difficile de dire la couleur, nous y sommes descendus afin d’être plus à l’aise pour jaser et ne pas réveiller l’ancêtre ; l’humidité ambiante dégage là aussi des senteurs multiples. Ça chasse les mauvais esprits, m’a-t-elle dit avec dans les yeux comme un doute assez flagrant.
La journée aura été longue pour Benjamin qui quittait rarement la maison au bout du rang. Walden avait couru autour de la camionnette lorsqu’ils partirent et maintenant il ne cessait de manifester sa joie de voir la famille revenue.
La fin du mois d’août s’installe alors que le début des classes approche à grands pas. Un document pendu à la boîte postale en précisait les modalités dont une principalement, à savoir qu’un bus se présentera chaque matin aux alentours de 7 heures 30 afin de prendre Benjamin pour le reconduire à l’école du village. Lorsque le service de transport scolaire sera interrompu, les responsables de l'école avertiront les parents à l'avance. Il sera inscrit dans la seule classe dite «maternelle» gérée par une éducatrice nouvellement engagée, une demoiselle Abigaelle - c’est ainsi qu’on pouvait le lire sur la feuille sans qu’il n’y soit précisé s’il s’agissait d’un prénom ou d’un nom de famille. La feuille contenait également la liste des fournitures scolaires qu’il devait se procurer avant la rentrée prévue pour le vendredi 29 août. Finalement, on y décrivait la liste des activités à l'horaire de la première journée ainsi qu’une invitation à tous les parents d’accompagner leur enfant.

Jésabelle, après avoir lu à voix haute les renseignements, demanda à Benjamin de faire de même. Lecture faite, il dit que l’école sera plus intéressante qu’il ne le croyait au départ puisque Chelle fera partie de son groupe. Cela le rassurait, mais davantage le fait que sa nouvelle amie oji-crie, craignant d’être seule dans le bus, allait l'y retrouver et qu’ils seraient complices dans la cour d’école. Ni la fillette ni le gamin n'ont manifesté un enthousiasme exagéré à l’idée de quitter leur environnement du bout du rang pour se retrouver en territoire inconnu que, sans le dire à haute voix, leurs parents qualifiaient d’hostile.
- Je serai dans le bus quand il ramassera Chelle ? demanda un Benjamin légèrement soucieux.
- Sans être absolument certain, si je tiens compte de l’heure qu'on t'a donnée et du trajet à effectuer, ça serait logique que l’on vienne ici d’abord pour ensuite se rendre chez nos amis Oji-Cris, répondit Daniel.
- Ça serait idéal, Chelle craint de se retrouver seule dans le bus.
- Tu seras son protecteur, avança Daniel qui ne décelait aucune inquiétude dans les yeux de son fils qui déguerpissait avec Walden, ses livres bien tassés sur lui.
Le jour s’achevait, le soleil ayant pris l’habitude de se coucher plus tôt. Les parents entreprirent d’accélérer la transition de la nuit vers le jour pour qu’à l’entrée des classes Benjamin soit en mesure de bien vivre sa nouvelle routine. Ils se répétaient combien cet enfant répondait convenablement à leurs exigences et maintenait un rythme d’adaptation qu’ils s'expliquaient par ses contacts avec leur chien Walden, la lune, sa «perle fabuleuse» et son poète Alain Grandbois, devenu un fétiche. Maintenant, riche de plusieurs nouveaux livres, son esprit et son imagination allaient pouvoir vadrouiller dans plusieurs univers différents.
La vie allait changer en profondeur autant pour les deux 5 ans qui entreprendront leur parcours scolaire, elle et lui qui, jamais auparavant, ne furent mêlés à d’autres enfants, d’autres adultes sauf ceux formant une famille dans les deux cas on ne peut plus atypiques. Pour Jésabelle qui allait maintenant pouvoir se centrer davantage, tout comme son amie oji-crie, sur une grossesse d’automne et d’hiver pour éclore au début du printemps. Pour Daniel aussi, envahi de plus en plus par le travail, mais qui appréciait le contact avec d’autres excommuniés vivant en périphérie du village tout comme leurs demeures situées chacune au bout d’un rang parallèle, donnant sur un cul-de-sac. Pour la famille oji-crie, Chelle, nouvelle venue dans un milieu qui les maudissait, tête haute comme le lui suggérait son père Don, devra s’imposer dans un monde qu’elle ne connaissait absolument pas. Que dire de sa mère qui, un peu avant la naissance de sa seconde fille, aura à se nommer elle-même sinon le patronyme de l’ancêtre lui serait donné d’office. Elle comptait sur Jésabelle, cette femme totalement à l’opposé d’elle-même, mieux affranchie et qui élevait ce fils premier de manière originale, unique, nullement attachée à des traditions folkloriques comme celles dont l'avait assujettie l'ancêtre, la même qui avait banni la mère de son mari, l'éclipsant de l’éducation de sa fille, l'effaçant de la famille et l’obligeant à retourner vivre à Sault-Sainte-Marie au sein du groupe original oji-cri car elle avait tenté de dévier des coutumes ancestrales. Une fois partie, la mère de Don disparut, laissant dans la tête de sa belle-fille, mille et un doutes, mille et une interrogations, et peut-être de la rancœur dont elle ne réussissait pas à se débarrasser.
Tout cela nourrira ce mois d’août de moins en moins pluvieux, apportant des nuits plus fraîches, plus étoilées et une lune dont la présence réjouissait Benjamin malgré le fait que vers les 20 heures, le soleil s’étant caché, il pouvait, quelques minutes encore, s’installer dans cet enclos sur la véranda, la regarder et lui lire quelques vers d’Alain Grandbois:
De grands arbres d’ancêtres tombaient sur nous
Il y avait des moments solennels
Où nous étions portés par l’ombre
Où nous étions tous tués par les genoux
Notre douleur n’égalait pas
Les instances nourries de larmes involontaires
Les ombres voilaient nos visages
Nos pieds nus saignaient sur l’arête du rocher
Et le nouveau jour nous tendait son piège
Sous les ogives des hauts cèdres
- Bonjour, vous êtes bien mademoiselle Abigaelle ?
- Monsieur le Président de la Commission scolaire m’a suggéré de vous rencontrer pour louer un appartement dans le village.
- Oui, oui. J’ai justement quelque chose de libre qui pourrait vous plaire. De plus c’est juste en face de l’école primaire. C’est bien là que vous allez enseigner?
- Exactement. Allons-y.
Si Nathan avait su (22)
- Mademoiselle Thompson, je veux voir deux minutes ? - Madame Abigaelle Thompson est mon nom. Un cour...

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