Déjà un bon moment sans nouvelles du
CRAPAUD. Il s’en excuse, mais le va-vite de la vie à Saigon y est pour
beaucoup. À peine le temps de se préparer pour la mousson qui tout doucement
s’annonce. Cortège de chaleurs torrides, de pluies, d’humidité, tout cela
rendra la vie vietnamienne moins confortable.
Je reçois souvent
cette question : comment organises-tu tes journées, le temps ne te semble
pas long ?
Voici un synopsis
d’une journée-type :
1)
Lever 6 heures 30 et
salutation au soleil; comme ma fenêtre donne sur l’Est, j’ai droit à une
chaleureuse réponse de sa part.
2)
J’allume mes bâtonnets
d’encens devant la photo de mon frère Jacques et en hommage à ceux qui l’ont
rejoint ; un peu comme les Vietnamiens font sur l’autel des ancêtres.
3)
Café et lecture du DEVOIR
sur internet, après bien sûr avoir ingurgiter mon Immunocal, ce produit santé
qui me tient en super forme.
4)
Petit déjeuner très
fruiteux…
5)
Écriture et cela jusque vers 11 heures.
6)
Marche dans le quartier
qui s’achève par le lunch dans un de ces restaurants de rue si populaires
ici : habituellement ça sera un cơm tấm avec
poisson.
7)
Sieste d’une heure.
8)
Travail jusqu’à 15
heures : préparation de mes cours d’anglais.
9)
Les lundi, mardi, jeudi et
vendredi je pars vers le Café Xôm, là où se donnent mes leçons d’anglais – de 6
heures à 10 selon les jours.
10) Dîner
dans un restaurant de la rue Pham Ngu Lao où les
serveuses sont si gentilles et la cuisine, variée.
11) Retour
à la maison avec mon chauffeur Grab, toujours disponible et surtout, hyper
prudent.
12) Je
fais le tour des dernières nouvelles avant le dodo aux alentours de minuit
trente.
Le mercredi, c’est ma journée
‘’off’’. J’en profite pour une bonne séance de farniente ou encore de voir
quelques endroits de Saigon que je ne connais pas. J’ai le privilège d’avoir un
guide qui connaît bien les lieux que je souhaite voir et qui sont toujours
en-dehors de ce que les guides proposent. Ciel ! les découvertes que l’on
me propose sont tellement intéressantes qu’il me faudrait une vie entière pour
tout voir.
Bien sûr, il y a Piero et
Linh, le restaurant Olé et tous ces amis avec qui je partage du temps
d’agréable compagnie.
Mon regard sur le Vietnam
change. Si je le compare à celui de 2011, j’avoue que cela n’a plus rien à
voir. Certain, je ne maîtrise pas la langue – je me demande si cela est
possible pour un étranger – malgré l’immersion totale dans laquelle je vis.
Tout se passe en vietnamien ou en anglais autour de moi. Le langage corporel et
une certaine habitude des comportements me permettent de voguer allègrement
dans cet univers rempli de contradictions et de gestes
qu’un bon occidental qualifieraient d’illogiques. J’évite de parler de la
circulation qui dit beaucoup sur cette civilisation : chaotique au plus
haut point. J’évite de parler des rêves vietnamiens qui s’alimentent toujours
de pensées magiques et d’illusions puisées au fait que l’argent règle tout.
Sans se complaire dans la misérabilité, ils ont cette tendance quelque
peu agaçante d’être toujours à la recherche d’un lendemain meilleur. Ils
courbent le dos facilement, mais le réajustent spontanément lorsque l’on
s’attaque à certaines causes endémiques comme celle de vouloir s’américaniser
afin d’accéder au bonheur.
Leur eldorado, c’est
l’Amérique. C’est là que tout se passe sans pour autant imaginer à quel point
la vie vietnamienne dans sa simplicité, je dirais dans sa quotidienneté, peut
être l’objectif visé par une foule d’occidentaux. Manger tous les jours, être en
famille et se respecter mutuellement, vouer aux ancêtres un culte tel qu’il est
impossible de le comparer avec nos mœurs qui nous poussent au deuil comme étant
une route vers l’oubli, avoir un toit et s’assurer que les autres bénéficient
d’un endroit sûr pour passer la nuit : voilà ce qui les nourrit. Je
n’oublie pas leur prédisposition naturelle à l’entraide, de celle qui les
incite à s’assurer du bien-être de chacun.
Chaque société recèle ses
propres caractéristiques. Chaque société croit en ses choix, ses us et
coutumes. Certaines souhaitent les exporter vers d’autres contrées, parfois à des prix élevés. Ce que j’apprends, ici, c’est combien l’ancrage dans la
tradition est important. Combien les personnes âgées s’avèrent des atouts
essentiels dans l’évolution de la famille, le pivot de la collectivité vietnamienne.
Combien la Patrie, celle que Hô Chi Minh a su rendre digne, libre et
indépendante, combien c’est important. Le 30 avril, journée de Fête nationale
depuis 1975, sera l’occasion de manifester leur patriotisme. Loin d’être sectaire,
cet amour du pays, du Nord au Sud, le 30 avril dira au monde et à tous les
Vietnamiens, que la lutte fut dure, pénible et si longue, mais qu’à la fin et
malgré les difficultés toujours présentes, le choix de la Liberté et de
l’Indépendance fut le bon choix.
J’ai beaucoup d’admiration
pour cet Oncle Hô dont je lis les ouvrages avec intérêt. Les jeunes qui n’ont
pas vécu la guerre, qui ont perdu plusieurs membres de leur famille, ne
souhaitent pas retourner en arrière. Ils veulent s’arroger l’avenir, le faire à
la hauteur de leurs espérances. Ils voient un Vietnam en paix, à jamais éloigné
de conflits tels à ceux qui depuis plus de deux mille ans se sont acharnés sur
lui. De moins en moins d’habitants ici voient dans la venue d’étrangers le
visage d’un envahisseur, mais conservent en mémoire les aléas du passé.
Je souhaite à tous mes amis,
mes frères et sœurs vietnamiens une excellente Fête nationale.