Les chiens jamais ne se tairont
Les chiens de mon ancienne vie
jappent encore
Alors que la chaleur cuit les fenêtres
j’entends… distinctement, le roulis de la mer
qui n’est pas loin, elle est calme pour le moment
La vendeuse de fruits se fatigue
à sans cesse rabâcher les mêmes mots
que je ne comprends pas, les devinant toutefois
et traverse le parc vide où jaunissent les herbes
Et plus affamés encore reviennent les chiens
ils se saoulent du vent qui fouette leurs os
les chiens de mon ancienne vie
ceux qui jappent
réapparaissent, me hantent, me coupent le souffle
font glisser en gouttes de sueur sur le dos
toute la peur qui vacille dans mon ventre
comme mille métastases d’un cancer incurable
Les chiens jappent
et la nuit s'abaisse,
un arbre craque, un oiseau s’essouffle
et moi, obscur, titubant sur un toit pentu
écoute la lune accrocher sa nitescence
aux branches tordues et craintives
de grands arbres spectraux obombrant la mort
J’entends le sommeil de ceux qui paisiblement reposent
ils ne prêtent oreille qu’à des songes tartufes
ceux qui bouleversent les ténèbres de l’absence
ceux qui gomment les espoirs, nos espérances,
notre volonté à devenir
un chien qui jappe
celui que l’on craint sans savoir pourquoi
que l’on hait car il est chien sauvage
Le temps se répète, éternel clepsydre,
métronome boiteux installé dans la niche
des chiens qui jappent
et lorsqu’ils jappent
on se tait, se renfrogne dans nos abysses
Les chiens
lorsqu’ils jappent,
ils strident
et toujours…
toujours ils japperont
laissant une odeur de loup collée au cou
un loup,
derrière, me pousse à la porte des âmes
farcissant de bave infecte
les stigmates de mes angoisses