L'intérêt que je porte à ce « Projet entre nostalgie et fantaisie... » réside d'abord dans le fait de renouer avec des poèmes - bientôt j'élargirai le panorama en y greffant des textes - qui, pour certains, remontent à très loin. Y apporter des correctifs, ressentir encore l'inspiration et d'une certaine manière les rééxaminer en fonction de deux critères précis : le premier, le lieu de leur conception, le deuxième, la thématique. D'entrée de jeu il me serait facile de les cataloguer à partir du lieu où ils furent créés - Saint-Hyacinthe, Montréal, Vietnam - le climat les caractérisant, mais approfondissant davantage, je découvre - parfois je redécouvre - des atmosphères uniques pour chaque type de poèmes.
À titre d'exemple, celui-ci date de 2008, écrit à Montréal, certainement installé devant la grande fenêtre donnant sur la ruelle - les ruelles m'ont beaucoup inspiré dans la majesté montréalaise, les ayant marchées durant plus de sept ans - y attendant le gros chat jaune, le petit chien jappeur dont la propriétaire, continuellement, jappait plus fort que lui pour le rappeler alors qu'il ne cessait de s'éloigner ; les oiseaux, ces gros oiseaux noirs que craignaient les autres à qui je lançais des morceaux de pain qu'ils ne pouvaient rarement s'accaparer ; les écureuils, que j'ai continuellement collationnés à des rats diurnes, mais avec une queue frisée en permanente, s'amusant, par leurs habitudes dévastatrices, à tout ronger autour d'eux, auront réussi à me les faire détester.
Ce poème, donc, je me souviens très bien qu'il dissipa la neige dans ma ruelle, autorisa un astronaute à y déambuler suivi par deux corbeaux. Je le relis et retrouve à nouveau cette recherche qui m'habitait à l'époque, à savoir si au bout de la dernière ruelle existant en ce bas monde, il y avait autre chose, de plus... de moins... quelque chose comme autre chose !
un astronaute, des corbeaux… au loin
un astronaute marche dans la ruelle
il parle tout seul
dans sa main asséchée
une bouteille d’eau de l’au-delà
il bat la mesure… militaire
un pas appelant l’autre
au loin… deux corbeaux le suivent
l’apesanteur pèse lourd aux talons astronautes
se colle au bitume automnal
comme de la glue martienne
se colle au bitume automnal
comme de la glue martienne
du sable rouge accroché à sa ceinture scaphandre
aspire les trous noirs de l’univers
comme des aimants dépolarisés
au loin… deux corbeaux le poursuivent
au bruit qui taraude une clôture, sursaute l’astronaute,
de muettes comètes s’y pendent, accrochées à l’envers,
radieuses de leurs promesses aériennes
elles charrient des vents stellaires étourdissants
alors que s’enfuient deux oiseaux d’acétylène
de loin… deux corbeaux lui survivent
un télescope inversé dans son inutile bagage
tintinnabule aux talons de l’astronaute
au fond de la ruelle hébétée, il fixe des yeux
ces hordes désaccordées de corbeaux accumulés
ont embrouillé son chemin, long azimut perdu
deux corbeaux, pierres de lune,
s’immobilisèrent
deux corbeaux solaires
s’éclipséerent de la bande…
et de loin…
s’approchèrent de l’astronef
22 décembre 2008