Mon ami Daniel Cyr, celui qui, déjà, m'a autorisé à publier quelques-uns de ses textes sur LE CRAPAUD, en envoie un aujourd'hui particulièrement remarquable.
De sa plume aiguisée, avec des mots si personnels et combien seyants, admirablement affinés par une sensibilité toujours poétique, toujours à point, Daniel aborde le sujet de «l'amitié», sujet mille fois traités au point qu'il est devenu non pas banal mais trivial ; dans ce texte, il renaît, rejaillit tant que sa beauté nous éclabousse.
Merci Ami Daniel
L'amitié
Grâce à eux, je me découvre meilleur ; je sens croître
en moi une noblesse insoupçonnée. Sans mes amis,
la vie pâlirait, se traînerait, se voilerait de cendre.
Ce sont eux qui, d’un pinceau invisible,
colorent mes jours monotones et dorent
mes heures glaciales.
L’amitié demeure inébranlable et pudique,
tel un chêne centenaire faisant face aux orages.
En elle, je puise une clarté apaisante, une braise
qui console sans consumer. Elle ne réclame rien,
elle prodigue. Elle ne contraint pas, elle enveloppe.
Plus qu’un sentiment, elle est un pacte sans paroles,
un trésor que je garde au plus secret de moi.
À leurs côtés, je traverse les saisons de l’existence,
le miel des joies comme le fiel des peines,
les sommets lumineux et les ravins obscurs.
Ils sont l’aube qui me réveille et le crépuscule
qui me berce. Parfois, une seule syllabe murmurée
suffit à ressouder les fils du temps, à réveiller
la tendresse endormie sous l’épaisseur des jours.
L’amitié, pour moi, n’a rien de ces liens fragiles
qu’un souffle disperse. Elle est solennelle, radieuse,
aride parfois. Elle exige de moi vérité, loyauté,
persévérance. Mais en échange, elle m’offre la sérénité
d’un port, la douceur des chemins parcourus,
et cette conviction mystérieuse que, même dans la
solitude, un autre quelque part me porte.
Je ne demande pas à mes amis de me servir de miroir.
Je les aime pour leurs dissonances, pour les paysages
inconnus qu’ils déplient devant moi. Ils sont l’harmonie
qui contredit ma mélodie, la note imprévue qui achève
la partition. Ils ne tentent pas de me remodeler,
mais de me lire à livre ouvert.
Et lorsque je pense à eux, lorsque je contemple l’édifice
invisible que nos rencontres ont bâti, une gratitude
sans voix m’envahit. Mon cœur, comme une voile
captant le vent, se remplit d’une quiétude vibrante.
J’ai alors soif de leur dire merci — non avec des mots
sonores, mais par des silences partagés,
des présences tissées d’attention, des instants donnés
comme des offrandes.
Car l’amitié, dans son essence, est cette lueur tenace
qui persiste même lorsque la nuit s’épaissit.
Cette fleur dont les pétales ne fanent pas sous les
gelées du temps. Ce diamant brut que je polis jour
après jour, car il incarne, à mes yeux, l’une des plus
pures expressions de notre humanité partagée.
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Daniel CYR |