mercredi 12 novembre 2014

En altitude, en haute altitude


Un peu plus de vingt heures dans les airs, en altitude; franchir la moitié de la terre; traverser une douzaine de fuseaux horaires; pour certains, voilà un supplice. Je dirais que pour certaines oreilles cela l'est également.

L'altitude ne soumet pas les gens aux mêmes stress, aux mêmes inquiétudes. 

Je vous offre ce poème né dans un 747 de Qatar Airways quelque part entre Montréal et Doha ou Doha et Bangkok, lors de la dernière envolée ou peut-être avant.


en haute altitude

?qui empêchera la pluie de tomber sur les rues sèches de Saïgon
regards tournés vers le ciel
en altitude, bizarrement, tout se joue par oreille,
entre tympan et tambour ou plus creux encore
rien à voir avec le service de la jeune hôtesse, soliste
qui va qui vient puis revient encore,
colombe égarée titubant dans l’allée étroite


l’altitude cause en musique synchronisée
impulsions input output, simultanément
à plusieurs milliers de kilomètres au-dessus des nuages coagulés,
on croirait des volcans
à cent-quatre-vingts degrés d’el conda pasa, le bout de la terre en déséquilibre,
étendue noire artificielle, entre vide et néant, au milieu de rien,
ou, le rien reprenant son vol vide le néant de ses reliefs abyssaux


l’altitude englobe les distances,
au sol elles pourraient se déplier sur un, deux trois continents
galère aérienne voguant, électrique
que personne ne semble devoir pouvoir arracher
au plus pur, au plus insensible silence
d'un avion en mal de puissance
la jeune fille empile des verres plastique vert à vitesse tgv
cela étouffe les chocs supersoniques


à bout de bras, l’altitude, ce capitaine aux longs cours
galvanise ses harmonieuses éclaboussures jusqu’aux confins de l’espace,
au creux du trou noir rempli de navettes égarées, ellipses du temps
tel un port altier, au cœur du noyau de sable,
il se resserre avec la frénésie du soleil constricteur,
catapulté par-delà la porte de l’éternité,
sans fin, sans début, sans cible en son centre désorienté


le sarrau bourgogne de la stewardess et l’obscurité de la cabine se confondent,
tout dort encore
l’immobilité stagnante soumet la vitesse effrénée de l’appareil,
les vifs soubresauts inquiétants
l’ombre en état d’apesanteur, fantôme fugitif,
lentement traînasse tout en léchant les hublots,
son vif reflet  glisse
comme une masse terrifiante qui broie les dos ligotés aux camisoles factices


statue noctiluque, la jeune fille aux doigts graciles qu’elle a colorés du même rouge,
bourgogne,
depuis mille heures au moins, entre les longs sifflements saccadés, les lamentations énergiques,
ratisse autour du petit rai de lumière que les étoiles fugaces déposent à ses pieds,
des frissons et d’autres frissons encore,
involontaires, irréguliers, convulsifs…
elle a si peur en haute altitude

elle a peur
en altitude                  
elle a si peur
en altitude                  
elle a si peur en haute altitude


À la prochaine

l'oiseau

  L'OISEAU Un oiseau de proie patrouille sous les nuages effilochés plane aux abords du vent  oscille parfois puis se reprend agitant so...