mardi 14 octobre 2025

Un bijou...

 


Mon ami Daniel Cyr vient de publier sur son site Facebook un texte sur la grammaire. Je le classe dans la catégorie des bijoux et tiens absolument à vous le partager.

                                           La grammaire, cette reine capricieuse


La grammaire n’est pas toujours facile à suivre. C’est une reine exigeante qui se coiffe d’accents graves quand elle est de mauvaise humeur, se parfume de circonflexes pour paraître savante et s’habille de majuscules pour impressionner la cour. Elle règne d’une main ferme sur ses sujets — voyelles et consonnes, verbes et adjectifs, noms et pronoms, participes rêveurs, subjonctifs insoumis. Elle commande avec la rigueur d’un général et l’élégance d’un poète.

Je suis formé de consonnes et de voyelles. Petits soldats rangés en bataillons, nous formons des mots. Les mots, bout à bout, deviennent des phrases. Les phrases, unies comme une armée en marche, avancent dans le grand champ de la langue. Mais attention : dans ce champ, les batailles sont plus redoutables que celles de Waterloo. Bataille de l’accord du participe, duel sanglant entre « é » et « er », siège interminable du subjonctif. On croit sourire, mais la guerre est sérieuse.
 
                                           Le charivari des temps


Puis je découvre le temps. Le présent parade en place publique : « je suis, tu es, il est », tel un coq qui chante trop fort. Le futur, ce grandiose menteur, promet toujours : « je serai »… mais souvent ne tient pas parole. Et le passé, ah le passé ! Simple ? Composé ? Plus-que-parfait ? À force de se diviser, il finit par n’être plus qu’un puzzle.

Moi, pauvre verbe, j’essaie tant bien que mal d’être parfait. On me réclame l’imparfait, on m’exige le plus-que-parfait. Mais ce vœu pieux me laisse souvent dans le brouillard. Je compose un passé de toutes sortes de mots, je navigue à contre-courant dans un fleuve d’accords et me retrouve condamné à écrire au conditionnel passé plutôt qu’au présent.

Même la nuit, quand je voudrais me reposer, on m’assaille d’interrogations indirectes : comment dormir tranquille quand le doute grammatical cogne à la porte ?
 
                                        Quand les mots s’égarent
 

La grammaire englobe tout : la morphologie, cette science qui taille les mots comme un sculpteur taille la pierre ; la syntaxe, fragile charpente qui donne ordre et équilibre ; la phonologie, musique des sons qui résonne comme un orchestre.

Mais qu’un lecteur mal intentionné s’en mêle, et tout chavire. Il suffit d’une virgule déplacée pour faire chuter la pensée, d’un mot mal accordé pour transformer la paix en querelle. On voulait une déclaration d’amour, on obtient une déclaration de guerre.
La langue est une maison. Mais certains vandales déplacent les murs, ouvrent des fenêtres où il n’y a pas de lumière, changent les clefs des portes. Alors, ce qui devait éclairer devient poison. Les accords se changent en désaccords, la phrase devient arsenal et l’idée se fait boulet. Voilà la guerre des mots.

                                        La leçon

Ô lecteurs, souvenez-vous : la grammaire est une règle, oui, mais plus qu’une règle, elle est une morale. Elle enseigne l’ordre, l’harmonie, la vérité.

Qu’on rie des caprices de l’orthographe, qu’on s’amuse du passé simple qui jalouse le passé composé, qu’on ironise sur l’accent circonflexe qui se prend pour un général en chapeau pointu — soit ! Le rire est permis. Mais qu’on ne trahisse jamais le mot pour travestir l’idée.

Car une langue déformée devient une pensée enchaînée. Une syntaxe manipulée à des fins tordues n’est plus une architecture : c’est un piège.

La grammaire, malgré ses pièges et ses fantaisies, est un chemin. Suivie honnêtement, elle mène à la clarté.

Déformée sciemment, elle précipite dans le marécage du mensonge. Et alors, ce n’est plus la faute de la grammaire… mais bien celle de l’homme.
 

 

Un bijou...

  Mon ami Daniel Cyr vient de publier sur son site Facebook un texte sur la grammaire. Je le classe dans la catégorie des bijoux et tiens ab...