Combien
de voix perdues
contre un seul cri inlassablement étouffé
celui qui remonte le cours du temps
qui impétueusement se lance
dans l’espace des mots nomades
contre un seul sentier qui péniblement se tord
tous ces pas menant au pied des potences
suppliciées crevassées fermées
contre un seul adieu détaché au bout de soi
dans le perpétuel recommencement des siècles
qui frileusement puiseront encore
à la chiromancie des plantes vertes
de cœurs ouverts
contre la haine qui transfigure les hommes du Yémen
de Lybie de Syrie d’Algérie de Tunisie
ils déambulent sur des chemins ensanglantés
en quête d’une impossible liberté
de regards fermés
contre un seul espoir annonçant au-delà des saisons passagères
le début d’un renouveau au cœur des icebergs
qui se vengeront à coup d’ours polaires des traîtres
gauchement engoncés dans leurs principes surannés
à ce siècle sourd pour qu’armés des pinceaux de l’urgence
il grafigne les socles griffe les piédestaux tague aux murs
les couleurs de l’irrémédiable cri éraillé des mouettes
hurlant aux océans leur cruelle mélancolie
orchestre matinal
les oiseaux dansent
barbouillant les nuages d’icônes multicolores
un peu en retard une voix enrouée l’accompagne
la rosée chante
sur laquelle s’octavient huit gouttes de nuit
à l’est du soleil aux branches endormies
le vent s’entortille
les notes blanches du matin doucement s’harmonisent
le violoncelle de l’aurore joue un prélude de Bach
les hommes marchent
redressant à peine leur tête engourdie
entre si et sol un cri désespérant
reste là immobile dans l’herbe humide
à demi enfoui sous les feuilles d’un capharnaüm
la sonate en fleur majeure improvise
un air de jazz délicatement orchestré
par les musiciens d’un orphéon disparu
le violoncelle de l’aurore joue un prélude de Bach
alors que le ciel bleu harnache le brouillard
qui enrobe le clocher de l’église
de fines pellicules de pluie pianotent finement
sur la brise matinale
puis s’évaporent tels de légers coups de cymbale
au coin de la rue longue comme un air d’opéra
une triste chanson triste
s’inscrit dans le libretto du jour
s’arrachait tels des lambeaux desséchés
aux mains tendues déchirées
torrentielle course
en d’indélébiles lettres de feu
tracent le mot liberté