samedi 30 janvier 2016

QUATRE (4) CENT-SOIXANTE-TREIZE (73)

Merci mille fois, cher Jean pour ce magnifique poème inscrit dans mon coeur pour l'éternité...

Merci de m'avoir permis de découvrir ton monde imaginaire si magique, si tendre, si chaleureux...

Ton poème m'a amené dans un monde inconnu où j'ai trouvé des mots plein de colère, d'amour, d'espoir, de tendresse, de vérité.

Je l'adore et je t'adore toi aussi.

À mon tour de t'offrir ce modeste poème.
Monique




Poème pour hier et pour demain

Il y a peu de lumière dans la pièce
Le reflet sombre dans le miroir accentue les cernes mauves sous mes yeux
Il n'y a pas assez de mots pour me voir

Petite, j'allais parfois aux mûres avec un récipient en fer blanc
Le temps a passé
Les mûres, chaque automne, reviennent sans moi
Elles ont laissé leur couleur sous mes yeux vieillissants

Avec mon long manteau noir je marche d'un pas hésitant
comme une femme entrant dans sa dernière tranche d'âge
Des corneilles, deux par deux, croassent, 
juchées sur les fils électriques
Je ne suis plus sur la rue Principale

Journée chaude de septembre
Fillettes marchant en rangs deux par deux,
Robe noire sévère, collet romain
On dirait des corneilles
Je suis dans le rang sur la rue Principale

Dans ma crinoline sous ma robe soleil
celle que je porte parfois le dimanche pour aller à l'église
Je marche vers mon destin
Escarpins fous à talons hauts
Lèvres peintes rouge vermeille, yeux brillants d'espoir
de lumière inconnue
Je ne sais pas encore... lui non plus...

Une longue correspondance s'échange
J'ai lu quelque part d'un auteur dont le nom m'échappe
''Les hommes regardent les femmes
et ils perdent la vue
Les femmes regardent les mots d'amour
et elles y trouvent leur âme...''

Mon père, cet homme qui a passé sa vie
Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles
et le coeur serré pour ne pas trop souffrir
Mon père aime les hirondelles
Il leur construit plein de cabanes.
Avec lui, dans la balançoire, je les regarde voler
Moments de bonheur partagé

Dans la rue où j'ai grandi, de la fenêtre de ma chambre
j'entends des claquements de talons hauts sur le trottoir tout fissuré
Ce sont les femmes de nuit  qui entrent furtivement chez elle

Je rêve
Je rêve d'une lumière volage
Je ne sais d'où elle viendra

Que faire avec ce que l'on sait des gens
À quoi ça sert de savoir quelque chose
au sujet de quelqu'un?

Peut-être faut-il croire aux miracles  quotidiens
comme à l'éclosion d'une fleur aussi belle que des millions galaxies
Ou savoir avec incertitude que quelque part dans une forêt
il existe une maison qui n'existe pas
construite par personne sur un sol jonché de feuilles 
craquant sous les pas de celle qui la cherche
inutilement

Ma mère...
Où sont les mots pour vous parler de ce qu'elle était?
A quatre-vingt-neuf ans, c'était une jeune femme
Sa lumière nous réchauffait plus fortement que le soleil
Son amour nous enveloppait dans un nuage de tendresse
Son sourire continuait à nous faire croire 
que la vie est une merveilleuse aventure où tout est permis
pour qui le veut

Moi qui vis une histoire sans histoire
je me questionne, je cherche
Quand devient-on une vieille femme?
Quand n'est-on plus de celles qui donnent?
Quand nos lèvres ne savent-elles plus embrasser avec passion
ni même avec tendresse?
Quand nos yeux  ne parlent-ils plus du coeur?
Quand le chant des oiseaux n'est-il plus une musique de Schumann?
Quand cherche-t-on les mots pour dire tout ce que l'on a vaincu?
Quand notre sourire n'est-il plus une excuse pour être sublime?

Pourtant, il y a plus de mille ans,
j'ai  souvenir d'une forêt d'arbres colorés
dans lesquels traînaient des arcs-en-ciel,
des tapis de fleurs et des maisons  qui n'existaient pas

J'ai souvenir de la mienne
celle que je recherche maintenant
celle qui n'a jamais existé
où j'allais écrire mes lettres d'amour
où le temps n'existait pas
où, par une fantaisie des Anges,
les mots sortaient de mon coeur 
comme une déchirure dans le ciel
pour venir se poser sur le papier bleu, parfumé
comme dans un rêve
quand on s'envole vers quelqu'un 
quelque chose qui n'existe pas.

Cette maison appelait la solitude,
celle qui apporte tant de bonheur
celle que l'on aime à la folie
parce qu'on l'a apprivoisée
minute après minute
où l'on se retrouve dans une zone de grand calme
de grand réconfort
Alors vieillir est beau, noble, grand
si cette solitude vient à nous dans toute sa splendeur.

Monique


Merci ma très unique Monique xx

mercredi 27 janvier 2016

QUATRE (4) CENT-SOIXANTE-DOUZE (72)

Monique Racine-Brouillette

Ce billet revêt à mes yeux un caractère tout à fait spécial. Écrire un poème, ça va puisqu'il vous vient à travers des méandres holographiques souvent bizarres. Il sait se faire attendre, désirer, maintes fois souhaite être couvé avant de trouver sa place parmi les images que l'on souhaite imprimer dans votre imaginaire. Puis, sans trop savoir comment ou, mieux encore, pourquoi, sa forme s'impose à vous comme une espèce d'inattendu que attendiez.

Celui que je vous offre aujourd'hui, entièrement écrit à Saïgon, a mûri longuement; mille ans. 

Sur ma table, dans l'atelier du laboratoire où je me réfugie afin d'écouter venir les mots, seul nautonier à bord, je deviens ce guide menant, d'eau-forte en gravure, cet amalgame souvent incongru vers un destin qui lui sera propre. Unique.

Ce poème a donc longuement mijoté. Maintenant, prêt à être servi, il m'est apparu clairement qu'une personne devait le recevoir personnellement.

Monique Racine-Brouillette, amie de mille ans, cette âme riche à mon coeur, je te le remets, puisque maintenant, il est de toi, pour toi. À toi.

Tu auras été la première à l'accueillir. Et tu lui as répondu. 

Voici le poème, et au prochain billet, je publierai celui que tu m'as transmis pour lui faire écho.

Monique, je t'aime.



cette maison…

à mon amie de 1000 ans, Monique Racine-Brouillette  -

( lire en écoutant LES SCÈNES DE LA FORÊT  - Schumann )



cette maison n’existe pas, pire, elle n’a jamais existé
ni dans les rêves ni dans les mains d’une vieille dame 
-  longtemps on lui fit croire que si…

pourtant, toutes les nuits, cette maison agace ses rêves
sans jamais la reconnaître elle sait qu’il s’agit bien d’elle
-  toujours elle l’a entretenue…

les rideaux verts ont disparu, le carreau des fenêtres, souillé
ça ne peut pas être chez elle, pourtant sans cesse ça revient
-  comme une douloureuse obsession…

à l’intérieur, de froides couleurs, si irréelles à l’extérieur 
des abeilles grafignent la dentelle écrue de sa mémoire 
-  elle s’activent au-dessus d’une ruche vide…

les fleurs règnent sur des troncs d’arbre cachant aux regards insaisissables,
perché au balcon remuant, un chat doré que le soleil avale de ses mirages
-  visions et cauchemars confondus…

la vieille dame, celle de la maison pas à elle mais qui chaque nuit
ressuscite des mémentos périmés, la vieille dame se fait squatter
-  créatrice de la mesure du temps…

on aura transporté cette maison près de l’appontement, puis démolie
lancée madriers, poutres et chevrons au loin sous ses yeux engourdis
-  ses rêves s’endormiront au matin citron…

elle fera comme on le lui a dit, le lui a enseigné puis répété toujours
la vieille dame laissera fuir sur un radeau fragile ce qu’elle imaginait 
- une maison plus vieille qu’elle, que la nuit grêle…

ainsi iront ses rêves, chimères appâtées, réalités sibyllines,
vogueront telles des galères ancêtres, un jour, devant elle
- dans la vase des jours… la vase des jours…

sans doute ne rêvera-t-elle plus, la dame à la maison engloutie
sans doute jamais n’aura-t-elle vraiment rêvé de cette maison
- rêve-t-on lorsque nos pieds éloignent tout…

elle partira par de grands chemins, ceux qu’elle ne connaît pas
oubliera maison, nuit, rêves et frissons glacés de cauchemars
- tout près d’elle une volée de coquecigrues…

affamée, lycanthrope engouffrée dans le labyrinthe des forêts,
elle n’écoutera, n’entendra plus râler les séismes noctambules
- comme libérée de ces voix aiguës…

pour celle qui sort de rêves trompeurs, captieux et cauteleux
marcher sur des terres anonymes c’est charroyer de la liberté
-  c’est blanc et bleu et blond et blanc et bleu…

pour la vieille dame au pied léger, au talon ferme et à la jambe raide
c’est sa traversée de la Bérézina… moins les canons, moins la retenue
- tête haute sous la feuillée… 

ses yeux qui ne lui servaient plus qu’à endormir des rêves éveillés
ses yeux chinés de toute la duplicité du vent dans son dos, crèvent
-  alors qu’enfin elle voit…

elle voit dans un ruisseau aux couleurs de l’arc-en-ciel
ce que les autres voyaient d’elle, qu’elle ne voyait pas
- les yeux des autres sont des orages refoulés…

la vieille dame marche, marche encore, des traces la suivent
s’émiettent derrière elle, se coagulent à vitesse vertigineuse
- personne n’en percera l’ombre…

elle croisera dans les méandres de ses détours impromptus
tant d’images palpables, au bout de ses doigts tourmentés
- un grand florilège sur papier couleur sépia…

son cœur, celui qui à tout rompre battait la chamade 
que lui arrivera-t-il alors que là, elle se recommence
- naissance à nouveau et cri primal…

la vieille dame de la vieille maison, nue d’avant et nue d’après
couverte des rides de la fatigue, de l’imaginaire usé par la foi
- elle ne gémira pas, ne gémira plus…

plus jamais elle ne pleurera plus, ses larmes d’autrefois
n’ont de sens que l’envers du chemin qu’elle emprunte
- elle inverse le monde…

peur, crainte, angoisse auront été son pain quotidien, rassis
elle l’aura mangé ce pain, la bouche camouflée par sa main
- les dents noires d’Ordalie la ridiculisaient… 

repue ainsi qu’un enfant nourri la veille d’une mort annoncée
la vieille dame de la vieille maison s’immobilise, fragilisée
- parfois, souvent même, la léthargie est geste premier…

les mots qu’elle cherche ne sont plus actifs dans sa mémoire
si par mégarde elle les retrouvait, ils n’auraient aucun sens
- la grammaire du silence ne se devine pas…


au bout du sentier de feuilles vertes et salies
une vieille maison, vieille de vieillesse
vieille comme une somnambule
aspirée par des odeurs inconnues

 et
tout au bout de ce sentier
rien



* Le poème de Monique, celui que sa sensibilité fine a créé suite à celui-ci vous parviendra sous peu.



l'oiseau

  L'OISEAU Un oiseau de proie patrouille sous les nuages effilochés plane aux abords du vent  oscille parfois puis se reprend agitant so...