mercredi 15 février 2017

humeur vietnamienne



Oui, nous sommes racistes…

… oui, nous sommes sexistes… oui, nous sommes xénophobes… oui, nous sommes antisémites… oui, nous sommes… mais de qui est-ce que je parle lorsque j’utilise le pronom personnel NOUS? Qui sont ces êtres que je décris de manière si expéditive? Eh bien, je parle de nous. Nous, les humains de cette terre que nous habitons tels des extra-terrestres; comme des êtres venus d’un espace-temps actuel mais aux racines ancrées depuis des millénaires.

Le débat, pour une fois, est planétaire. La question également. Cette question que les armes et la haine propulsent au rang de l’actualité universelle. La réponse est plurielle. On s’interroge partout sur notre sectarisme qui commence par l’axiome suivant : il serait tellement plus simple si tous nous vivions chacun dans notre bulle close, celle qui éloigne ceux et celles qui ne nous ressemblent pas. Les couleurs, ensemble; les adeptes d’une même religion, ensemble; les végétariens, loin des animaux; les bien-pensants, loin des ignorants… et j’en passe.

Comme tout deviendrait simple, moins complexe si chacun ne s’intéressait qu’à ce qui l’intéresse.  Elle vient d’où cette idée qu’il faille absolument que les humains se mixent entre eux : ce n’est qu’une source de problèmes. Elle vient d’où cette idée que l’on doive absolument accepter ce que l’on ne connaît pas mais qui existe puisque d’autres la connaissent : ce n’est qu’une source de conflits. Elle vient d’où cette idée qu’un dieu aux noms multiples nous indique ce que l’on doit faire pour être heureux : ce n’est qu’une source d’incompréhensions.

Nous sommes racistes, même ceux qui hurlent contre ce barbarisme. Les races n’existent pas. Un sophisme. Les races existent puisqu’il y a des conflits raciaux, puisque les Blancs se croient supérieurs aux Noirs ainsi qu’à tout ce qui n’est pas de la même couleur qu’eux. Nous sommes racistes car les races existent. La fonction crée l’organe.

Nous sommes racistes car il y a des génocides. Un génocide, ce n’est pas arrivé avec la dernière pluie, c’est arrivé avec l’idée qui véhicule depuis des siècles et véhiculera encore de siècle en siècle, qu’un peuple doit en dominer un autre, qu’une race doit être hégémonique. Ne faut-il pas dans quelque jeu ou sport ou quelque activité humaine qui soit, que l’on couronne un gagnant et qu’on se moque du perdant?

Nous sommes racistes comme organisation sociale mais nous le sommes aussi à titre individuel. Nous marchons sur la rue, notre regard étonné se retournera seulement sur quelqu’un de différent de nous, Je me souviens qu’en 1976, pour la première fois de ma vie, j’ai croisé dans une rue de Londres, une femme entièrement voilée : ma réaction, au-delà de la curiosité, fut celle d’un Québécois de souche se demandant ce que cela pouvait bien signifier. Je ne savais pas si je manifestais du racisme ou sexisme ou purement de l’ignorance.

Nous sommes racistes – et cet argumentaire vaut pour le sexisme, l’antisémitisme, la xénophobie qui logent à la même enseigne – en raison de notre ignorance et surtout en raison de cette façon que l’on choisit de ne pas nous interroger sur la différence qui existe entre les gens. On n’enseigne pas le racisme, on maintient l’ignorance.

Tellement ridicule l’argument qui prévaut chez nous actuellement quant à la religion musulmane. Il dit : on a réussi à se défaire de la religion catholique qui nous a opprimés durant des décennies, on ne va pas nous imposer la charia et toutes ces croyances moyenâgeuses. J’entends ici que malgré le fait que la religion catholique ne fasse plus partie de nos pratiques nous avons pourtant conservé ses valeurs judéo-chrétiennes. Elles sont imprimées dans notre subconscient de manière telle que ce que nous utilisons pour dénigrer les autres provient exactement de ce que nous croyons avoir évacué. Nous souffrons d’une incohérence éhontée.

Il faut, nous dit-on, vivre ensemble. Parfois, on manifeste de la difficulté à vivre avec soi-même, alors imaginez… vivre avec les autres. L’autre c’est l’enfer, a dit un célèbre philosophe. On ne nous a jamais enseigné comment. Par le respect, répond-on. Ce mot galvaudé à gauche et à droite, comme il est facile de nous le braquer en pleine figure. Le problème est que ce sont les autres qui ne nous respectent pas. Ils veulent, les autres, que ce soit nous qui adoptions leur façon de voir le monde, la vie. Étrange dilemme!

Les autres qui viennent ici ont l’obligation au nom de nos droits ancestraux et territoriaux de se plier à notre manière de vivre, d’être. On parle de nos droits, jamais de nos devoirs. On le droit de… mais le devoir de… on en parle pas. Ici c’est chez nous, s’ils ne veulent pas de notre chez nous comme nous l’avons bâti, qu’ils demeurent chez eux ou qu’ils y retournent s’ils ne sont pas contents.

Rien de mieux et de plus facile que de trancher les questions complexes comme s'il s'agissait de vulgaires règles de multiplication. À quoi sert de rechercher un dénominateur commun puisque de toute façon il sera à notre désavantage. Nous sommes pacifistes, nous. Nous sommes contre la guerre, nous. Eux, ils sont tout le temps en guerre et ça semble être devenu une seconde nature. Ils ne la fuient pas, ils ont pour projet de l’importer ici. Voyez, on a des problèmes seulement depuis qu’ils sont là. Avant tout allait comme sur des roulettes.

Les clichés que nous servent ad nauseam les bien-pensants, connaisseurs en culture de chez nous, sur ce qui nous serions, tiennent la route tant et aussi longtemps que le flot d’étrangers ne se retrouve pas dans leur cour. Signons des pétitions, manifestons mais surtout, après, retournons dans notre logis regarder la télévision qui, par vagues déferlantes, nous ressert les images de ces pays où ça va si mal. Notre conscience en paix, on se dit que l’on est bien ici; alors, un petit doute s’installe sur le possible cahot qui pourrait survenir si jamais nos portes s’ouvraient encore plus à ceux qui fuient la guerre, la barbarie, l’oppression. Bon! J’ai fait ma part, maintenant aux autres d’agir.

Parler d’un monde sans frontières, rêver de rencontres avec des gens de la même humanité que soi, partager les surplus que nous possédons, ouvrir nos cerveaux et nos cœurs aux paroles de ces autres qui chantent leurs espoirs dans la vie avec des mots que notre âme pourrait comprendre, envisager, l’espace d’un court instant que les besoins primaires de tous sur cette planète puissent être comblés… nous nous retrouvons dans l’utopie.

Beaucoup plus facile de demeurer raciste, sexiste, antisémite, xénophobe car cela exige que peu d’efforts. De plus, nous sommes légion à penser de la même façon, on doit bien avoir un petit peu raison quelque part. Par nos blagues anodines, nos sourires en réponse à ces facéties, nous devenons complices, sans en être conscients, de la marche en bottes de cuir et aux talons bruyants de l’ignorance qui semble s’installer confortablement autour de nous.

Si Nathan avait su (12)

Émile NELLIGAN La grossesse de Jésabelle, débutée en juin, lui permettra de mieux se centrer sur elle-même. Fin août, Daniel conduira Benjam...