jeudi 31 janvier 2008

Le cent quatre-vingt-quatorzième saut de crapaud




En ce dernier jour de janvier, il me fait plaisir de vous offrir ces quelques citations éclectiques, j'aime bien ce mot signifiant« n'a pas de goût exclusif, ne se limite pas à une catégorie d'objets ».


Les deux premières citations proviennent de Bruno Bettleheim:
. Les sentiments de l'éducateur à l'égard de ce qu'il apprend ont une incidence plus grande sur la qualité de son travail que le fait de savoir ce qu'il faut faire.
. Un message symbolique qui ment, non conforme à la réalité est plus nocif que l'absence de messages.


La suivante provient d'Isaac Newton:
. Je m'imagine avoir été un jeune garçon qui a joué sur la plage, qui a trouvé un caillou mieux poli, une coquille plus grâcieuse, tandis que le grand océan des vérités étalait devant lui son mystère.


Dans L'ÉVOLUTION CRÉATRICE, Henri Bergson écrit:
. Partout où quelque chose vit, il y a, ouvert quelque part, un registre où le temps s'inscrit.


De Michel Serres:
. Tout le monde a une montre et personne n'a le temps; échangez l'une contre l'autre. Donnez votre montre et prenez votre temps.


Henry Ford, de son côté, disait:
. Un échec n'est qu'une occasion de renouveler une tentative avec plus de sagesse.


Andrew Lippman, du M.I.T. de Boston, a déclaré ce qui suit:
. Là où tout le monde pense la même chose, personne ne pense beaucoup.


Le philosophe du XVIIIième siècle, Wilhem Leibnitz, définissait le savant en ces mots:
. Le vrai savant n'est pas celui qui a le plus appris mais celui qui a le mieux compris.


William Blake, poète et graveur du XIXième siècle a dit:
. Je ne vois pas avec mon oeil, mais à travers lui.


De son côté, Goethe affirmait:
. Il reste toujours assez de force à chacun pour accomplir ce dont il est convaincu.


J'aime bien ces deux phrases qui, d'une certaine manière, peuvent se ressembler ou du moins se rejoindre. La première est du célèbre écrivain britannique C.K. Chesterton alors que la deuxième est tirée d'un important discours prononcé par Martin Luther King.
. Nous sommes tous dans le même bateau, sur une mer déchaînée. Et nous nous devons l'un à l'autre une terrible fidélité.
. Il nous faut apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots.


Cette citation d'une implacable logique vient de Lewis Carroll, écrivain, photographe et mathématicien britannique du XIXième siècle. Accrochez-vous, car il faut bien suivre.
. Si c'est le cas, ce l'est. Et si c'était le cas, ce le serait; mais comme ce n'est pas le cas, ce ne l'est pas. C'est logique.


Cette citation, je l'ai notée à partir d'un texte de Jean-Didier Vincent, biologiste français, professeur de physiologie à la Sorbone de Paris. Je ne puis vous dire s'il est décédé mais il est né en 1935.
. Dans le vivant, le singulier n'existe pas. Une molécule n'est pas vivante. Pour qu'elle accède à la vie, il faut qu'elle reconnaisse d'autres formes, et que de leur union naissent de nouvelles formes aux propriétés inattendues. Le caillou, lui, reste caillou, qu'il soit seul ou perdu dans un tas sur le bord du chemin.


Et je terminerai par cette merveilleuse réflexion de Dag Hammarskjöld qui fut Secrétaire Général de l'ONU, d'avril 1953 à septembre 1961. On se souviendra qu'il a reçu, à titre posthume, le Prix Nobel de la Paix de 1961.
. En rêve, j'ai arpenté, en compagnie de Dieu lui-même, les espaces les plus reculés de l'univers; de hauts murs se dérobaient à notre approche, des portes s'ouvrirent devant nous et nous enfilâmes des corridors et des antichambres baignés de silence, d'ombre et de fraîcheur - de toute apparence ces lieux bénis étaient ceux des âmes ayant retrouvé lumière et chaleur - jusqu'à ce que je me retrouve soudain en plein coeur de cet infini dans lequel il nous faut tous plonger si nous voulons revivre, à la manière de ces perles d'eau heurtant doucement la masse sombre et calme d'une mer infinie.




À la prochaine

mercredi 23 janvier 2008

Le cent quatre-vingt-treizième saut de crapaud



Il y a de ces matins... neige/froid. D'autres, asphalte.

Combien loin se trouve la plage cubaine! Au point qu'elle nous appelle. Nous rappelle. Au point d'y répondre. Début avril.


Mais d'ici là, je vous offre ce petit poème (certains disent, et ils ont parfaitement raison, que le crapaud commence à moins présenter ses propres écrits, davantage ceux des autres...) en provenance des vagues de Varadero.


Il s'intitule LA VAGUE MOURANTE. Le voici.



la vague mourante...


… enveloppe les grains de sable
ceux que la plage emboîte sous les pieds du marcheur
marcheur aux jambes mouillées
au cœur léger
insoucieux


(la mer a mis sa tunique verte)


… mesure la distance entre l’univers
et l’envers des distances
avec, pour seul outil, des pieds
plus patients qu’Ulysse
tendus comme Achille


(la mer et sa tunique turquoise)


… lèche sournoisement
du marcheur les illusions
les rêves les songes les deuils
agglutinés au bout des pieds
comme des coquillages étourdis


(et l’émeraude de la mer)

une vague mourante devenue bave de crapaud…





À la prochaine.

mardi 15 janvier 2008

Le cent quatre-vingt-douzième saut de crapaud



Aujourd'hui, tirées de son oeuvre à la fois unique et gigantesque, quelques citations d'Anne Hébert qui est née le 1 août 1916 à Sainte-Catherine-de-Fossambault (maintenant Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier), un petit village situé à 40 kilomètres au nord-ouest de Québec.

Tout près, il y a le manoir de ses ancêtres Juchereau- Duchesnay où sa mère a passé une partie de son enfance, qu'habite alors la famille Garneau. Vers 1932, se développe une amitié entre Anne Hébert et Hector de Saint-Denys de quatre ans plus âgé.


C'est en 1942 qu'elle publie un premier recueil de poèmes, bien accueilli par la critique, et qui lui vaut le troisième prix au concours du prix Athanase- David 1943: Les songes en équilibre.


Publié en 1950, Le Torrent sera la deuxième oeuvre à paraître, puis en 1953, Le Tombeau des Rois, son oeuvre maîtresse, deuxième recueil de poèmes sur lequel elle travaillait depuis dix ans.


Anne Hébert obtient une bourse de la Société royale du Canada (1954) lui permettant alors de séjourner à Paris où elle y écrira Les Chambres de Bois. Son congé de l'Office national du Film n'étant que d'un an, elle décide néanmoins de prolonger son séjour de deux autres années.


Elle revient à Montréal en 1957 et y demeure deux ans. A partir de 1960, année de la mort de son père, elle habitera tour à tour en France et au Québec. Une bourse spéciale du Conseil des arts lui sert de soutien financier pour la période 1961-1962. A la mort de sa mère en 1965, Anne Hébert se fixe définitivement à Paris.


Après quatre ans de recherche et de rédaction pour son deuxième roman, elle connaît enfin le succès en 1970 avec Kamouraska. Reconnue surtout comme poétesse et nouvelliste, elle s'impose comme romancière à l'âge de 54 ans.


Paraît un troisième roman en 1975, Les Enfants du Sabbat.


En 1982, Anne Hébert devient la quatrième Canadienne-française et la deuxième Québécoise à obtenir un grand prix littéraire. Après Gabrielle Roy, prix Fémina 1947, Marie-Claire Blais, prix Médicis 1966, et Antonine Maillet, prix Goncourt 1979, Anne Hébert obtient, pour Les Fous de Bassan, le prix Fémina.


Anne Hébert décède à l'hôpital Notre-Dame de Montréal, le 22 janvier 2000, à l'âge de 83 ans.




. Une fois qu'on est engagé dans l'aventure du mystère, une fois qu'on a donné son consentement profond, rien n'est plus impossible. La réalité se trouve franchie, dépassée, et les choses les plus extraordinaires ne boulversent plus aucun ordre, ne provoquent plus d'étonnement.

. Malheur au rêveur qui franchit la zone interdite du passé.

. L'emploi de la force physique indique trop bien la défection de ma puissance spirituelle. La brutalité est le recours de ceux qui n'ont plus de pouvoir intérieur.

. Je n'ai que des signes vides. J'ai porté trop longtemps mes chaînes. Elles ont eu le loisir de pousser des racines intérieures. Elles m'ont défait par le dedans. Je ne serai jamais un homme libre. J'ai voulu m'affranchir trop tard.

. Tout homme porte en soi un crime inconnu qui suinte et qu'il expie.

Et ce poème magnifique: LE TOMBEAU DES ROIS

J'ai mon coeur au poing.
Comme un faucon aveugle.
Le taciturne oiseau pris à mes doigts
Lampe gonflée de vin et de sang.
Je descends
Vers les tombeaux des rois
Étonnée
À peine née.

Quel fil d'Ariane me mène
Au long des dédales sourds?
L'écho des pas s'y mange à mesure.

(En quel songe
Cette enfant fut-elle liée par la cheville
Pareille à une esclave fascinée?)
L'auteur du songe
Presse le fil.
Et viennent les pas nus

Un à un
Comme les premières gouttes de pluie
Au fond du puits.
Déjà l'odeur bouge en des orages gonflés
Suinte sous le pas des portes
Aux chambres secrètes et rondes,
Là où sont dressés les lits clos.

L'immobile désir des gisants me tire.
Je regarde avec étonnement
À même les noirs ossements
Luire les pierres bleues incrustées.

Quelques tragédies patiemment travaillées,
Sur la poitrine des rois, couchées,
En guise de bijoux
Me sont offertes
Sans larmes ni regrets.

Sur une seule ligne rangés:
La fumée d'encens, le gâteau de riz séché
Et ma chair qui tremble:
Offrande rituelle et soumise.

Le masque d'or sur ma face absente
Des fleurs violettes en guise de prunelles,
L'ombre de l'amour me maquille à petits traits précis;
Et cet oiseau que j'ai
Respire
Et se plaint étrangement.

Un frisson long
Semblable au vent qui prend, d'arbre en arbre,
Agite sept grands pharaons d'ébène
En leurs étuis solennels et parés.

Ce n'est que la profondeur de la mort qui persiste,
Simulant le dernier tourment
Cherchant son apaisement
Et son éternité
En un cliquetis léger de bracelets
Cercles vains jeux d'ailleurs
Autour de la chair sacrifiée.

Avides de la source fraternelle du mal en moi
Ils me couchent et me boivent ;
Sept fois, je connais l'étau des os
Et la main sèche qui cherche le coeur pour le rompre.

Livide et repue de songe horrible
Les membres dénoués
Et les morts hors de moi, assassinés,
Quel reflet d'aube s'égare ici?
D'où vient donc que cet oiseau frémit
Et tourne vers le matin
Ses prunelles crevées?

À la prochaine.

samedi 5 janvier 2008

Le cent quatre-vingt-onzième saut de crapaud

Voilà. Il faut bien commencer. Bonne année. 2008. Heureuse, aussi. Santé.
Voilà. Pour les voeux.
LE CRAPAUD GÉANT DE FORILLON franchira d'ici quelques semaines le cap - astronomique - des deux cents sauts. Il y aura un bilan à faire à ce moment-là. On y reviendra.
Certains me disent que l'année 2007 aura été principalement marquée - sur le blogue - par des écrits autres que ceux du crapaud. Fallait-il qu'il en fût ainsi? Probablement. Un ressourcement, peut-être?
Ou une crainte de perdre ce qui traînait à gauche et à droite dans des cahiers de lecture, de notes et d'écriture. Je pense surtout aux deux romans - scolaires - que je m'étais promis de corriger, une fois arrivé à la retraite. Maintenant, c'est fait. Plusieurs citations d'auteurs - connus et inconnus - qui, au cours des années m'ont accompagné. Le plus étrange, c'est que je me souviens presque de l'instant où ils sont tombés dans lesdits cahiers.
2008 est vieille de cinq jours... En 2006, le premier saut de l'année, c'était un 4 janvier. En 2007, un 9. Cette fois-ci, un 5. Pour le mordu de numérologie que je suis, cela signifie beaucoup: le 5 étant le nombre du changement, de l'évolution. Le temps le dira...
En ce début 2008, je vous offre un magnifique poème - je sais, il est long, mais prendez le temps de vous l'approprier - un poème d'Alfred Desrochers, sans doute le plus important qu'il nous a laissé. Ce poème fut parmi mes premiers contacts avec la poésie canadienne-française disait-on à l'époque... aujourd'hui, on parle de poésie québécoise... et certainement, un fleuron de celle-ci. Il est tiré d' À L'OMBRE DE L'ORFORD, publié en 1929.
Le voici.



LE CYCLE DES BOIS ET DES CHAMPS
Liminaire


Je suis un fils déchu de race surhumaine,
Race de violents, de forts, de hasardeux,
Et j'ai le mal du pays neuf, que je tiens d'eux,
Quand viennent les jours gris que septembre ramène.

Tout le passé brutal de ces coureurs de bois:
Chasseurs, trappeurs, scieurs de long, flotteurs de cages,
Marchands aventuriers ou travailleurs à gages,
M'ordonne d'émigrer par en haut pour cinq mois.

Et je rêve d'aller comme allaient les ancêtres;
J'entends pleurer en moi les grands espaces blancs,
Qu'ils parcouraient, nimbés de souffles d'ouragans,
Et j'abhorre comme eux la contrainte des maîtres.

Quand s'abattait sur eux l'orage des fléaux,
Ils maudissaient le val; ils maudissaient la plaine,
Ils maudissaient les loups qui les privaient de laine:
Leurs malédictions engourdissaient leurs maux.

Mais quand le souvenir de l'épouse lointaine
Secouait brusquement les sites devant eux,
Du revers de leur manche, ils s'essuyaient les yeux
Et leur bouche entonnait: «À la claire fontaine»...

Ils l'ont si bien redite aux échos des forêts,
Cette chanson naïve où le rossignol chante,
Sur la plus haute branche, une chanson touchante,
Qu'elle se mêle à mes pensers le plus secrets:

Si je courbe le dos sous d'invisibles charges,
Dans l'âcre brouhaha de départs oppressants,
Et si, devant l'obstacle ou le lien, je sens
Le frisson batailleur qui crispait leurs poings larges;

Si d'eux, qui n'ont jamais connu le désespoir,
Qui sont morts en rêvant d'asservir la nature,
Je tiens ce maladif instinct de l'aventure,
Dont je suis quelquefois tout envoûté, le soir;

Par nos ans sans vigueur, je suis comme le hêtre
Dont la sève a tari sans qu'il soit dépouillé,
Et c'est de désirs morts que je suis enfeuillé,
Quand je rêve d'aller comme allait mon ancêtre;

Mais les mots indistincts que profère ma voix
Sont encore: un rosier, une source, un branchage,
Un chêne, un rossignol parmi le clair feuillage,
Et comme au temps de mon aïeul, coureur des bois,

Ma joie ou ma douleur chante le paysage.





À la très prochaine...

l'oiseau

  L'OISEAU Un oiseau de proie patrouille sous les nuages effilochés plane aux abords du vent  oscille parfois puis se reprend agitant so...