jeudi 26 décembre 2013

Les nouvelles chroniques du Café Riverside



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Dans le bus me menant de l’appartement au Café Riverside, je me disais que j’écrirais aujourd’hui sur l’urgence.

Je ne sais trop ce qui m’amène à cela mais crois comprendre qu’à ce troisième hiver au Vietnam, s’il y avait un comportement, une attitude dont je prends conscience d’un certain changement, d’une modification sensible, c’est ce sentiment de l’urgence qui m’habite, surtout lorsque je suis au Québec. Urgence en tout, celle qui se manifeste par cette volonté de tout faire rapidement pour ensuite passer à autre chose que j’expédie aussi vite.

Aux premiers jours de janvier 2012, secoué encore par le choc culturel et météorologique de Saïgon, il m’apparaissait urgent d’organiser chaque instant afin de ne rien perdre, tout voir, tout assimiler. Il y avait urgence en la demeure. J’appliquais à la lettre le scénario des anciens voyages, ceux qui s’étendaient sur trois à six semaines et cours desquels chaque seconde inoccupée est une seconde perdue irrémédiablement. Ce sont les Vietnamiens qui m’ont fait comprendre cette chose élémentaire : tout ce que je souhaitais voir n’allait pas disparaître et je pouvais… prendre mon temps. Avant ces sages paroles, prendre mon temps était synonyme de perdre mon temps.

Combien de fois n’ai-je pas dit que la loi non écrite du voyage est qu’il faut se dépêcher pour ensuite attendre! Vaut mieux arriver deux heures à l’avance qu’une minute en retard! Pourquoi remettre à demain ce que l’on peut faire maintenant au risque d’en trop faire?

L’an dernier - année numéro 2 - je reposais le pied à Saïgon à la mi-novembre. Rétrospectivement, je remarque que je fus habité par un étrange sentiment d’avidité : retrouver les amis, vérifier si tout était toujours au même endroit, si quelque chose avait  bougé. Et je le faisais avec une urgence dont je suis loin d’être fier! J’ai eu de nouveau l’aide des amis vietnamiens pour me ramener sur la terre asiatique. J’avoue que cela s’est fait rapidement.

Cette année, l’urgence loge ailleurs, installée quelque part dans un temps plus prospectif. J’oublie, parfois, que vivre au jour le jour demeure encore la meilleure manière de profiter de tout. J’oublie, mais je me soigne, le fait de n'avoir aucun contrôle sur ce qui est devant moi, proche ou lointain. Il ne m’est pas utile d’envisager le prochain voyage avant de bien vivre celui-ci ou même de laisser quelques pensées non productives m’embrouiller l’esprit.

Suite aux événements survenus lors de mon arrivée, début novembre, alors que les amis vietnamiens s’inquiétaient pour moi, il m’est apparu évident que sans de telles situations, difficile de mesurer sa réaction devant l’imprévu. Dans les instants qui ont suivi le vol du sac, je me suis senti vidé de l’intérieur comme si perdre des objets personnels avait un lien direct avec moi-même; le voleur s’en prenait plus à moi qu’au contenu du sac. Puis, diluant ma personnalité dans celle d’un anonyme touriste occidental qui se fait vandaliser, j'éloignais de moi toute forme de jugement, d'analyse, de réaction: j'étais au mauvais endroit au mauvais moment. Enfin, un sentiment profond de détachement m’a envahi, entièrement disposé à passer à autre chose. Il n’y a jamais eu dans toute cette courte histoire, l’urgence de quelque façon que ce soit.

Voilà sans doute la raison qui fait qu’après un mois, je ne ressens plus le besoin de l’urgence, seulement de maintenir ce bien-être que je vis maintenant, au jour le jour. Est-ce que je vais le recouvrer une fois revenu au Québec? Il n’y a pas urgence à le savoir.



. J’ai ma nouvelle caméra Kodak. Merci une autre fois à mon ami Jean-Luc qui m’a mis sur la bonne piste. Je peux maintenant vous offrir quelques petits films, peut-être sur la page web ou sinon à partir de You Tube. Et entreprendre quelques rencontres à partir du thème Saïgon, According to…

. Nous avons traversé l’année 2012 à partir du Cambodge. Cette année, nous en discutons Lisa, Phat, YoYo, Miss Bamboo et moi, afin de voir si nous traverserons 2013 vers 2014 en-dehors du Vietnam. Nous avons vérifié du côté de Bali, mais les prix sont trop exorbitants pour quelques membres du groupe. Lisa ne veut pas retourner au Cambodge. Miss Bamboo aimerait bien le Cambodge. On envisage Bangkok malgré que ce ne soit pas très calme pour le moment. Pas question des Philippines, la Chine non plus. Finalement, le choix s’est porté sur Bangkok…

. Je me surprends à lire deux anciens membres de l’Académie française : Georges Duhamel et Maurice Genevoix. On n’écrit plus de cette manière. On ne voit plus le roman ainsi. Mais comme c’est agréable d’apprécier le brio, l’habileté avec lesquels des ceux auteurs utilisent les subjonctifs obsolètes, les épithètes non usuels, les tournures de phrases qui donnent de jolis frissons. Un bien énorme pour l’esprit que de lire (chérir) la langue française dans ses aspects vieillots! La lucidité, la clarté de pensée de ces deux messieurs… un véritable bonheur.

. Nous nous retrouverons pour les vœux de la Nouvelle Année au retour de Thaïlande.

À la prochaine

Un être dépressif - 15 -

  Un être dépressif -  1 5   - Une transplantation, c’est extraire de la terre pour la planter ailleurs.   Je tarde à le publier ce dernier ...