samedi 21 mars 2015

Les chroniques de Saïgon (8)




Vous finirez bien par penser que je passe toutes mes journées dans les cafés. Ce n'est pas tout à fait le cas mais j'y suis assez régulièrement. À mon arrivée en octobre dernier, m'apercevant que le Riverside café était devenu un immense parc de stationnement, je suis mis à recherche d'un nouvel endroit - si possible près de la rivière - par la même occasion j'en ai découvert plusieurs. Ce n'est pas cela qui manque à Saïgon. Le café, tout comme le bistro français, est devenu au fil du temps l'endroit de prédilection pour les rencontres. Au restaurant, surtout à l'heure du lunch, on ne reste pas longtemps; on mange et on s'en va. Le café, tout autre affaire.

Les Vietnamiens, bien que fidèles à leur café adorent en découvrir de nouveaux qui poussent comme des champignons. En faire le décompte ou le dénombrement tiendrait de l'exploit.

Pour sûr, on retrouve les grandes chaînes mais surtout de petits endroits, certains même n'offrent que quelques sièges, pour la majorité à l'extérieur.

La qualité de ce que l'on y présente est certainement le premier critère de choix. Le cà phê sữa, un café frappé avec glaçons et lait condensé, figure en tête de liste. Le Song Thanh, dans le District 7, là où je me retrouve le plus souvent, en a un excellent et pas dispendieux du tout. Plus vous approchez du centre-ville, du District 1, plus on constate que le prix varie, à la hausse évidemment.

Le café, lieu de rencontre, de repos - certains disposent de hamacs pour la sieste - accorde au ''voyeur'' que je suis des situations intéressantes: couples qui se nouent ou se dénouent, amis qui s'amusent et rient ensemble, lecteurs de journaux, et j'en passe. 

Voilà pour les cafés. Les restaurants, c'est autre chose. Deux types: les restaurants où l'on sert de la cuisine de rue (la meilleure qui soit) et les autres de type européen - j'entends par là, le style de restauration auquel nous sommes habitués -  Toute la gamme s'y retrouve, de très peu d'étoiles jusqu'aux 5 *****.

Cette semaine, j'attendais mon ami Olivier - ce formidable photographe/vidéaste  français - de retour d'un périple à Bali. Nous avions beaucoup à nous raconter. Rendez-vous au restaurant THE REFINERY qu'il m'a fait découvrir l'an dernier.

Mon attention fut captée par un bonhomme qui, café sur café, semblait attendre quelqu'un. Il ne cessait d'interroger sa montre, le regard continuellement dirigé vers l'entrée. Lorsqu'une dame faisait son apparition, il levait les yeux pour tout de suite les replonger dans sa tasse blanche que le garçon remplissait au fur et à mesure. Il m'est devenu évident que l'espérée n'allait pas se présentait. 

Cela a fait germer cet envoi que je vous présente aujourd'hui.


elle ne sera pas venue


son amour pour elle est mort au cours de ce banquet solitaire
table d’acajou, sièges en skaï, serveur germano-italien

l’heure, confirmée, le menu, recherché
un ventilateur au-dessus accroché

par les portes demeurées ouvertes s’engouffre la mauvaise personne
malgré un sourire affriolant

le soleil lovait les tentures chinoises en camaïeu
les couverts japonais s’impatientaient
aux cafés succédaient le café

elle n’est pas venue malgré  
bruits des conversations
allers- retours du vent

n’est pas venue au banquet solitaire



son amour pour lui avait éclos une nuit de janvier
festin hivernal

il serait assis à la table
celle en acajou avec sièges en skaï
et le serveur germano-italien s’agiterait

l’heure convenait tout comme le menu du soir
que le ventilateur rafraîchissait

les portes se seraient ouvertes, ne s’y engouffrerait pas
précédée de son sourire affriolant

les tentures chinoises, les mêmes
les couverts japonais, les mêmes
il aura bu un café, plusieurs cafés


elle ne sera pas venue
conversations sourdes, allers et venues du vent

ne sera pas venue au banquet des anges



Mon ami Olivier est arrivé. De Bali en Vietnam, nous avons profité de quelques belles heures. Pour sa part, le type a quitté le restaurant. Seul. Peut-être triste et malheureux.

À la prochaine

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