mardi 27 décembre 2011

QUATRE (4) CENT-VINGT-NEUF (29)



Ça fait tout drôle que de travailler ce saut la nuit. La raison? C'est que je suis à faire le saut entre le jour et la nuit pour mieux me préparer à l'heure asiatique que j'adopterai dans quelques jours. Donc, vous l'avez compris, il s'agit ici du dernier avant le Vietnam. Et il sera un peu spécial du fait que je vous présente deux versions du même poème. Je n'arrivais pas à opter pour une ou pour l'autre, de sorte que voici les deux.


cet homme ne connaît pas...


… la liberté
il vit dans un pays libre de toute liberté
où, contre la noirceur, on érige des maisons blanches
et au bout du champ, on creuse un trou profond

… ne connaît que le mensonge...

cet homme ne connaît pas les mains sans réserves
il vit dans une prison morose aux murs menottés
où chacun cherche dans les recoins biscornus de son espace
les empreintes encore fraîches laissées par le bourreau


… la parole sans drapeau
on le flagelle à bout de bras de paroles et de drapeaux
au centre de leurs coutures roses, une femme aux seins nus
langoureusement l’invite à fertiliser le désert de ses solitudes

… ne connaît que le mensonge…

cet homme ne connaît pas les pieds déliés
il crache de la salive rouillée sur ses entraves endolories
et transporte de la salle des pas perdus à celle des supplices
toutes les saletés quotidiennes que ses espoirs alimentent


… la justice
en déséquilibre précaire entre deux plateaux de balance,
dans son approximative mesure des empires à la dérive
elle rend licite l’illicite combat des océans contre les terres

… ne connaît que le mensonge…

cet homme ne connaît pas les yeux ouverts
on les lui a crevés à la naissance avec le tison de la foi
ses cicatrices oculaires sont de chétives fibroses,
des oiseaux qui recousent les nuages de l’obscurité


… l’amour
on le lui a enseveli sous des tonnes de roc
d’avalanches sordides emprisonnant sa passion
et l’arthrose de la sécheresse grinçait entre ses dents

… ne connaît que le mensonge…
cet homme ne connaît pas les chemins de la peur
ce n’est que de la sueur qui ruisselle sur son âme
transportant des frissons dans une brouette de vent
afin de les repiquer sur les aiguilles du temps


… la mort
une ombre invisiblement plus vaste que lui, le suivait
le suit, le suivra jusqu’au bout de ses torpides noirceurs
seules éternités que la vie éclaire d’une profonde rancoeur

… ne connaît que le mensonge…
cet homme ne connaît pas son corps
endolori à coups de fadaises, endormi à coups de somnifères
et la nuit, toujours il marche, par lui-même affaibli
vers un trou profond au bout d’un champ de névrose


… la haine
elle circule dans son sang à pas de coyotes
ceux qui rongent les roses sous les barbelés
et l’on copie dans de grands cahiers inutiles
ce qui fait de cet homme un homme qui ne connaît

que le mensonge aux espoirs velléitaires







cet homme ne connaît pas... (version 2)


… la liberté

il vit dans un pays libre de toute liberté
où, contre la noirceur, on érige des maisons blanches
et au bout du champ, on creuse un trou profond

… ne connaît que le mensonge...
mains sans réserves
prison morose aux murs menottés
dans les recoins biscornus de l’espace
des empreintes fraîches sont laissées par le bourreau


… la parole sans drapeau

on le flagelle à grands coups de paroles, de drapeaux
au centre de leurs coutures roses, une femme aux seins nus
langoureusement l’invite à fertiliser le désert de ses solitudes

… ne connaît que le mensonge…
pieds liés
salive rouillée sur entraves endolories
de la salle des pas perdus à celle des supplices
toutes les saletés quotidiennes alimentent l’espoir


… la justice

en déséquilibre précaire sur deux plateaux de balance,
dans son approximative mesure des empires,
rend licite l’illicite combat des océans contre les terres

… ne connaît que le mensonge…
yeux fermés
crevés à la naissance avec le tison de la foi
cicatrices oculaires, chétives fibroses,
des oiseaux recousent les nuages de l’obscurité


… l’amour
on le lui a enseveli sous des tonnes de roc
d’avalanches sordides emprisonnant sa passion
et l’arthrose de la sécheresse grince entre ses dents

… ne connaît que le mensonge…
chemins de la peur
sueur qui ruisselle sur l’âme
frissons transportés dans la brouette du vent
et repiqués sur les aiguilles du temps


… la mort

une ombre invisiblement plus vaste que lui le suivait,
le suit, le suivra jusqu’au bout de ses torpides noirceurs
seules éternités que la vie éclaire d’une profonde rancoeur

… ne connaît que le mensonge…
corps endolori à coups de fadaises,
endormi à coups de somnifères
la nuit, affaibli, toujours en marche
vers ce trou profond au bout du champ de la névrose


… la haine

elle circule dans son sang à pas de coyotes
ceux qui rongent les roses sous les barbelés
et l’on copie dans d’inutiles grands cahiers
ce qui fait de cet homme un homme qui ne connaît

que le mensonge aux espoirs velléitaires


Voilà pour 2011... Les prochains proviendront du Vietnam

Au prochain saut et d'ici là, une bonne et heureuse année 2012

mardi 20 décembre 2011

Il semble que mes voeux de Noël et de la nouvelle année n'ont pas été correctement livrés dans les boîtes de courriels de chacun de vous. Sans doute un mauvais tour de la part d'un quelconque génie du temps des Fêtes!

Je les reprends donc aujourd'hui et vous prie de considérer qu'ils vous sont destinés à titre individuel.

Je vous souhaite une période des Fêtes heureuse et toute remplie de petits bonheurs.

J’y ajoute mes meilleurs vœux de Bonne et Heureuse année 2012, qu’elle soit généreuse pour vous et vous permette de réaliser vos plus chers désirs.

Pour ma part, je serai en terre asiatique (Vietnam) pour quelques mois, période recouvrant une bonne partie de l’hiver.

Vous pourrez me suivre en images et en impressions sur le blogue du crapaud. Je vous laisse l’adresse :

http://turcjy.blogspot.com/

Jean

vendredi 16 décembre 2011

QUATRE (4) CENT-VINGT-HUIT (28)



Celui-ci, je parle de ce voyage qui me mènera au Vietnam pour une bonne partie de l'hiver, celui-ci, donc, sera le deuxième «long voyage» que je prépare. Le premier, il fut interrompu après trois semaines
en raison des problèmes à la jambe alors qu'il devait s'étaler sur trois mois. Cette fois-ci, j'ose l'espérer, rien ne saura le contrecarrer.

Comment prépare-t-on un long voyage? Je me rends compte que je ne prépare pas un long voyage mais que je me prépare à aller vivre ailleurs pendant un certain temps. Avec mon frère Jacques, le co-voyageur de 2006, tout comme mon ami Jean-Luc, co-voyageur de 2010, nous avions un itinéraire assez précis, des locations pré-enregistrées, des endroits à ne pas manquer, et beaucoup d'ouverture pour les imprévus... imprévus que nous souhaitions nombreux et devant nous éblouir. Ce fut le cas d'ailleurs.

Celui de 2009 - le trois semaines en lieu et place du trois mois - ne comportait que des points de chute et par la suite, place à l'improvisation. Je dois dire que le 2011-2012 ressemble beaucoup à cela. Ce qui est organisé: le départ (28 décembre), la location d'un appartement à Ho Chi Minh (il risque fort que j'utilise souvent Saïgon pour nommer cette ville, ce mot représentant un peu plus pour moi que son actuelle dénomination), quelques séjours à Hué, Saïgon, de même que quelques plages dont les noms viendront plus tard. Sans oublier le guide qui me permettra de ne pas rater des indispensables et m'offrir des surprises géographiques de même que culturelles.

Je serai donc au Vietnam dans moins de deux semaines, entreprenant ma vie en civilisation asiatique avec en tête l'idée que je veux m'intégrer le plus rapidement possible à un nouveau mode de vie.

J'ai entrepris de lire sur le Vietnam: passionnant. Tenté, je dis bien tenté, d'ouvrir mes oreilles à cette langue à la fois chantée et concise: quasi impossible d'apprendre cela. Mais j'ai surtout insisté sur deux choses; la première est ma curiosité à vouloir rencontrer des gens qui ont encore quelques souvenirs de cette guerre horrible menée contre eux par les USA; la deuxième, essayer d'entrer en contact avec la nouvelle poésie vietnamienne, que l'on qualifierait, ici, pour tenter de la définir, de poésie underground. C'est à Saïgon que cela sera possible. Semble-t-il qu'il existerait quelques personnes qui souhaitent parler ou reparler français. On cherchera.

Le retour est prévu pour la fin du mois de mars. Mais il est ouvert: plus tôt ou plus tard. Comme le dit si bien François Legault, on verra...

Dernier point sur ce voyage: le blogue. J'ai une nouvelle adresse pour un blogue strictement consacré au Vietnam. Est-ce que je l'utiliserai ou déposerai sur «le crapaud» photos et impressions? La décision n'est pas encore tout à fait prise mais de toute manière, il y aura un lien, une passerelle de l'un à l'autre.

Je crois bien être en mesure de faire un dernier saut avant le départ: les voeux de Noël et de la nouvelle année.

Au prochain saut

jeudi 8 décembre 2011

QUATRE (4) CENT-VINGT-SEPT (27)



Je ne sais pas si cela, déjà, vous est arrivé. Vous lisez. Doucement. Un roman, surtout. Puis, vous tombez sur une phrase, un paragraphe ou une bonne partie d'un chapitre, et vous vous dites: c'est exactement comme cela qu'il faut décrire la chose. On ne peut mieux que cela. Tout y est, mots et images.


En lisant Alessandro Baricco (Océan mer) je viens de vivre un tel moment d'extase. Je vais d'abord vous offrir le texte pour ensuite le commenter. À lire lentement.

« Seul, au milieu de la plage, Bartleboom regardait. Pieds nus, le pantalon roulé pour ne pas le mouiller, un grand cahier sous le bras et un chapeau de laine sur la tête. Légèrement penché en avant, il regardait: le sol. Il examinait l'endroit exact où la vague, brisée dix mètres plus tôt, s'étirait - devenue lac, et miroir, et flaque d'huile -, remontant la douce inclinaison de la plage pour finalement s'arrêter - sa frange ourlée d'un perlage délicat -, et hésiter un instant avant d'esquisser, vaincue, une élégante retraite, et se laisser glisser en arrière, sur le chemin d'un retour en apparence facile, mais en réalité proie idéale pour l'avidité spongieuse d'un sable qui, jusque là pacifique, se réveillait soudain et - cette course de l'eau en déroute - l'évaporait dans le néant.
Bartleboom regardait.
Dans le cercle imparfait de son univers visuel, la perfection de ce mouvement oscillatoire formait des promesses que l'unicité singulière de chacune de ces vagues condamnait à n'être pas tenues. Il était impossible d'arrêter cette continuelle alternance de création et de destruction. Ses yeux cherchaient la vérité, descriptible et mesurable, d'une image complète et sûre: et ils se retrouvaient en fait courir derrière l'incertitude mouvante de ce va-et-vient qui berçait et bafouait tout regard scientifique.
C'était agaçant. Il fallait agir d'une manière ou d'une autre. Bartleboom stoppa ses yeux. Il les dirigea juste devant ses pieds, encadrant une portion de plage muette et immobile. Et il décida d'attendre. Il fallait qu'il cesse de courir après cet épuisant balancier. Si Mahomet ne va pas à la montagne, et cetera, et cetera, se dit-il. Tôt ou tard viendrait - dans le cadre délimité par ce regard qu'il trouvait mémorable de froideur scientifique - s'inscrire le profil exact, ourlé d'écume, de la vague qu'il attendait. Et là, il se fixerait, comme une empreinte, dans son cerveau. Et lui, il comprendrait. Tel était le plan. Avec une abnégation totale, Bartleboom se cala dans une immobilité dépourvue d'affects, se transmuant, si l'on peut dire, en instrument d'optique neutre et infaillible. Il respirait à peine. Dans le cercle fixe découpé par son regard, un silence irréel tomba, un silence de laboratoire. Bartleboom était semblable à un piège, imperturbable et patient. Il attendait sa proie. Et la proie, lentement, arriva. Deux chaussures de femme. Grandes, mais de femme.»

Combien de fois, je ne saurais le dire, et plus particulièrement en marchant sur la plage de Varadero à Cuba, mon regard était subjugué par le travail de la vague, son continuel et si différent aller-retour. Je me suis toujours dit que celui qui écrit doit d'abord et avant tout être capable de bien décrire. En lisant ce passage de Baricco, si extraordinairement bien é et décrit... je suis certain que l'on ne peut trouver mieux pour dire le geste et le sentiment, les mots au service de l'image. On ne peut décrire correctement les sentiments, les émotions sans, au préalable, être en mesure de bien le faire avec les choses, puis le choc des choses, puis le résultat du choc des choses. Il doit y avoir dans cette manière d'écrire une certaine rigueur scientifique un peu comme ce Bartleboom qui cherche à décrire là où finit la mer... Admirable. Et j'achève ce saut, en me disant que dans vingt (20) jours ça sera le grand départ vers le Vietnam. J'en reparle bientôt et plus en détails.

Au prochain saut






Un être dépressif - 15 -

  Un être dépressif -  1 5   - Une transplantation, c’est extraire de la terre pour la planter ailleurs.   Je tarde à le publier ce dernier ...