samedi 22 mars 2014

Les nouvelles chroniques du Café Riverside -10-

Le crapaud en compagnie de Jean Moyen

On va régler ça tout de suite, une fois pour toute : pourquoi Café Riverside alors que son véritable nom est Vuon Kieng? On me pose souvent la question. La réponse : Vuon Kieng signifie « jardin de bonsaïs ». D’ailleurs lorsqu’on arrive face au café qui s’étend sur près de deux coins de rue, on les voit immédiatement ces bonsaïs qu’un jardinier, scrupuleusement, s’occupe à tailler, dorloter avec toute la patience nécessaire. Ceux-ci n’ont rien à voir avec les bonsaïs de mon ami Hoang qui les sculpte littéralement dans un bois que l’on appelle « rose du désert » leur donnant différentes formes, principalement celles des divers animaux du zodiaque chinois. J’ai modifié délibérément le nom du café en Riverside à cause de sa proximité avec la rivière Saïgon et le fait qu’il se situe tout près de l’hôtel Riverside. Voilà donc pour les précisions.

Depuis le billet sur le Laos il s’en est passé des choses. L’arrivée des amis François et Danielle (présentement dans le Nord, sans doute sur la baie d’Halong après quelques jours dans les montagnes de Sapa); le voyage dans le delta du Mékong; la visite de quelques appartements et maisons dans Saïgon (j’aimerais trouver un appartement ou une maison avec balcon, mais ce que je vois est soit trop loin ou trop cher); la reprise des marches entre l’appartement et le centre-ville (promenade d’environ trois heures); la préparation du voyage vers Haïphong, Ninh Binh, Hanoï et Hoï An du 24 mars au 3 avril; les efforts pour tenter de voter par correspondance (mon bulletin de vote n’arrivera malheureusement pas à temps pour que je puisse le remettre à François pour qu’il le poste à son arrivée à Montréal).

Je ne peux passer sous silence deux activités qui me captivent pour des raisons n’ayant aucun lien l’une et l’autre. La première se retrouve sur Facebook. À la demande des amis vietnamiens je dépose assez régulièrement une vidéo puisée chez You Tube, illustrant la chanson québécoise. Je m’amuse même si cela m’oblige à des recherches parfois navrantes, souvent exaltantes. Au début je ne savais trop comment répondre à cette commande. Me fallait-il présenter que les « actuels » de la chanson? Les plus illustres? Devrais-je y aller chronologiquement, par genres? Que la chanson populaire? Ici on ne connaît que Céline Dion (on la savait canadienne, point à la ligne). J’ai donc commencé par les auteurs-compositeurs-interprètes pour me rendre compte que la majorité d’entre eux, d’entre elles, étaient les créateurs de la chanson québécoise et qu’ils avaient précédé la Révolution Tranquille, l’annonçant ou l’illustrant. Tou(te)s nés dans les années 1930-1940. Sans trop risquer de me tromper, je puis dire qu’avant eux et elles, nous nagions dans le folklore et l’opérette.

Cet exercice me ramène à l’époque de la radio étudiante (PRCM à l’école Casavant de Saint-Hyacinthe et la radio fondée non sans difficultés à l’École Normale de l’Estrie à Sherbrooke) donc les années 1960. Je me souviens davantage de l’émission que j’animais à l’école Casavant; elle portait le titre PAR UN CHEMIN DE PRAIRIE, immensément influencée par le Guy Mauffette du dimanche soir à la radio de Radio-Canada. Celle de Sherbrooke, j’en conserve que très peu de souvenirs sans doute parce que tout était difficile à faire bouger à l’École Normale. Dire que l’on devait y former les futurs enseignants, ceux qui auraient à appliquer le Rapport Parent. J’ai plus l’impression qu’on nous déformait afin de répondre aux volontés archaïques de la tradition scolaire qui voyait dans les changements imminents une menace à l’enseignement conventionnel… mais c’est une toute autre question!

Jean Choquette et Jean Moyen
Je mettais beaucoup de temps à préparer cette émission du jeudi et par chance que la direction de PRCM avait mis à ma disposition un technicien fort talentueux qui rendait cette presque heure de radiodiffusion tout à fait intéressante. Je pourrais écrire des heures sur cette période dont je retiens surtout la présence stimulante du Directeur Jean Moyen, celui qui croyait en nous, voyait en nous (et dans ce nous j’inclus mon ami Jean Choquette, son frère Guy, tous les autres fous de la radio étudiante, de l’association étudiante, du journal étudiant) en nous donc, ce que nous ne voyions pas. Jean Moyen, à qui je rends un hommage respectueux, aura mis entre nos mains adolescentes les moyens (sans jeu de mot facile) de nous réaliser, oui, mais aussi de faire bouger plus de mille élèves à l’aube de la création des écoles polyvalentes au Québec. Plusieurs d’entre nous auront vu pousser leurs ailes, l’avenir s’éclaircir mais principalement avoir appris en agissant. Cet homme aura été un bâtisseur d’hommes, un visionnaire, un homme de foi. Stimulant continuellement l’action, il savait que les seules limites qui existent sont celles que chacun de nous se fixe.

Je n’ai pas retrouvé à l’École Normale de l’Estrie quelqu’un ayant l’envergure de Jean Moyen, que des briseurs de rêves, des pieds sur le frein, des éteignoirs tristes et moroses. Il ne faut pas se surprendre de la joie non dissimulée de tous les étudiants lorsque l’École Normale fut intégrée à la Faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université de Sherbrooke. Enfin une bouffée d’air frais!

Voilà donc pour cette première activité reliée à la chanson québécoise. La deuxième? Grâce à mon ami Jean-Luc, je peux suivre (de loin) par la télévision la campagne électorale actuellement en cours au Québec. J’ai donc pu visionner le débat des chefs. J’avoue toutefois que le fait d’être à l'autre bout du monde m’empêche de me sentir complètement dedans.

Le crapaud a l’habitude de faire des prédictions (qui ne s’avèrent pas toujours justes) sur les résultats mais également je me permets quelques conseils (parfois vous les suivez). Pour cette élection j’ai l’excuse parfaite si jamais mes prévisions allaient s’écraser sèchement dans le champ : l’éloignement.

Vous connaissez mon orientation politique : Québec Solidaire. Je souhaite à ce parti qu’un ou deux nouveaux députés s'ajoutent à ceux déjà en place.

Je souhaite à la CAQ qu’elle apprenne rapidement que la démocratie ne se résume pas qu’à voter, que ce n’est pas l’affaire d’un seul homme (surtout que tout semble s’évanouir autour de lui) et qu’on ne dirige pas un État comme on dirige une compagnie d’aviation.

Je souhaite au PQ qui nous a martelé les oreilles à l’époque de Jean Charest qu’il fallait faire la politique autrement, je lui souhaite une longue et profonde retraite fermée.

Je souhaite au PLQ – selon mon pronostic, il formera le prochain gouvernement  et sera minoritaire – je lui souhaite d’avoir appris des années qui ont pris abruptement fin avec la défaite de Jean Charest, d’avoir appris des derniers 18 mois à mieux saisir la complexité québécoise et d’agir en conséquence.

Nous nous retrouverons début avril à quelques jours des élections.

À la prochaine

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