dimanche 31 août 2008

SAUT: 229



Une dizaine de jours plus tard et nous retrouvons Hector de Saint-Denys-Garneau consacrant beaucoup de son temps des années 1935 et 1936 à des écrits pour LA RELÈVE qui regroupe plusieurs confrères et amis. Il rédige un journal, écrit des poèmes, esquisse des contes et des récits.

En 1937, Saint-Denys-Garneau dirige l'édition et la publication de REGARDS ET JEUX DANS L'ESPACE qu'il retirera du commerce assez rapidement, déçu par l'accueil que l'on réserve à son oeuvre.
Il expose ses toiles pour une seconde fois à la Galerie des Arts de Montréal, de même qu'au Musée des Beaux-Arts. Cette même année, en fait il partira le 2 juillet, en bateau, en direction de la France après un arrêt à Southhampton, en Angleterre. Il visitera Toulouse, Lourdes, Paris et Chartres dans ce qu'il appellera des jours tourmentés. Au point qu'il précipite son retour pour Québec, le 23 juillet.

En février 1938, on assiste à la publication dans la revue l'Action nationale d'une critique de livres intitulée «Les cahiers des poètes catholiques». Il s'agira de son dernier article alors que dans une lettre il confie à un ami ne plus avoir le goût d'écrire.

Durant les années 1939 et 1940, il voyage aux États-Unis de même qu'entre Québec et Saguenay, mais ses séjours au manoir familial se font de plus en plus nombreux. C'est l'époque au cours de laquelle il rompt avec ses amis et se plonge dans le silence.
Il tente également de s'enrôler dans l'armée canadienne afin de rejoindre son frère Paul au front. On le refuse en raison de l'état fragile de son coeur.


Les deux poèmes que je vous offre ce matin, avant d'aborder les dernières années de la vie de ce gigantesque poète - dans le prochain saut - sont tirés de REGARDS ET JEUX DANS L'ESPACE. Le premier s'intitule...


Le Jeu.


Ne me dérangez pas je suis profondément occupé

Un enfant est en train de bâtir un village
C'est une ville, un comté
Et qui sait
Tantôt l'univers.

Il joue

Ces cubes de bois sont des maisons qu'il déplace
et des châteaux
Cette planche fait signe d'un toit qui penche
ce n'est pas mal à voir
Ce n'est pas peu de savoir où va tourner la route
de cartes
Ce pourrait changer complètement
le cours de la rivière
À cause du pont qui fait un si beau mirage
dans l'eau du tapis
C'est facile d'avoir un grand arbre
Et de mettre au-dessus une montagne
pour qu'il soit en haut.


REGARDS ET JEUX DANS L'ESPACE est construit à partir de sept branches. Les voici en ordre:
1.- Jeux (5 poèmes)
2.- Enfants (2 poèmes)
3.- Esquisses en plein air (7 poèmes)
4.- Deux paysages (2 poèmes)
5.- De gris en plus noir ( 3 poèmes)
6.- Faction (3 poèmes)
7.- Sans titre (5 poèmes)


Il s'achève finalement sur le deuxième poème que je vous présente; il s'intitule ACCOMPAGNEMENT.

Je marche à côté d'une joie
D'une joie qui n'est pas à moi
D'une joie à moi que je ne puis pas prendre

Je marche à côté de moi en joie
J'entends mon pas en joie qui marche à côté de moi
Mais je ne puis changer de place sur le trottoir
Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là
et dire voilà c'est moi

Je me contente pour le moment de cettte compagnie
Mais je machine en secret des échanges
Par toutes sortes d'opérations, des alchimies,
Par des transfusions de sang
Des déménagements d'atomes
par des jeux d'équilibre

Afin qu'un jour, transposé,
Je sois porté par la danse de ces pas de joie
Avec le bruit décroissant de mon pas à côté de moi
Avec la perte de mon pas perdu
s'étiolant à ma gauche
Sous les pieds d'un étranger
qui prend une rue transversale.

À suivre

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