dimanche 1 mai 2016

LES CHRONIQUES VIETNAMIENNES - Saïgon (7)

La gare centrale de Hanoï
Et la vie reprend son cours. Quasi normal. Lever tôt le matin, en même temps que le soleil. Profiter des derniers moments de fraîcheur que la nuit  garde pour elle. Entendre, du haut de ce vingt-neuvième étage, la douceur du réveil tout en bas, tout autour; les bus qui repartent, les motos qui crachent ou éternuent; les marchés qui s'installent; les portes qui s'ouvrent dans des bruits de cisailles rouillées... 

Saïgon renaît. Belle de nuit revêtant son ao daï*laiteux, celui de jour.

Tout comme hier et certainement demain aussi, il fera chaud. Avril aura été chaud. Plus qu'à l'habitude dit-on dans les conversations matinales des femmes qui ont déjà étalé fruits et légumes sur le trottoir. Fugitives comme le vent, les odeurs de cuisson se répandent avec une désinvolture frisant l'indécence.

J'étais à Hanoï il y a quelques jours déjà. Une semaine durant laquelle je n'aurai vu que quelques gouttes de soleil, beaucoup de grisaille et une humidité tellement différente de celle qui enveloppe Saïgon. 

Hanoï. 
La cousine de Saïgon. - Tellement différente l'une et l'autre, nous pourrions croire qu'il s'agit de lointaines cousines germaines. 
Hanoï, 
dans sa jupe de mousseline grise que le brouillard lui jette aux épaules. 

Légère et enjouée, 
Saïgon, 
celle qui s'adonne à la tragédie du soleil, à la comédie des couleurs; celle qui se fout complètement de tout et de rien...

Hanoï, 
belle ville austère. Pudique. Capitale incertaine à la recherche d'un monde qui a changé, et change encore. 
Hanoï, 
prude parfois, souvent hésitante, celle qui, encore, a besoin du soutien ancestrale, de béquilles, de micros à propagande dans les rues, du sifflet strident à la bouche du policier, pour lui remémorer que la prudence est toujours la meilleure des vertus.

Hanoï, 
ta folle cousine n'est plus dans ce registre. Elle a fauché bien des tabous, culbuté une série de périphrases et de lieux communs, ta folle Saïgon a choisi de vivre à la cadence de rythmes nouveaux .

Hanoï, 
belle dans ta réserve, si délicate dans ton regard que tu portes vers l'autre, on te croirait inquiète, à la limite sceptique. Ta discipline, autrefois elle faisait ta renommée, aujourd'hui, sans être un fardeau, devient un poids ou serait-ce un tourment... Comme l'enfant qui a appris à marcher rêve de courir, titube à vouloir avancer trop vite .

Saïgon file à toute allure; 
bouscule à peu près tout dans ses folles pirouettes par en avant. Pas le temps de s'interroger ou ne le prend-t-elle pas? 
Saïgon court alors que Hanoï hésite. 
Elle fait, cette Hanoï grise, le tour du lac Hoan Kiem, et le jour et le soir. Comme à l'époque du bréviaire quotidien des prêtres, elle arpente le lac recherchant la meilleure façon de cesser de tourner en rond.

Ta cousine Saïgon, 
ma toute grise Hanoï, 
ne t'est d'aucun secours. Cette ville extravagante du sud ensoleillé, frivole, ne te rejoindra jamais sur ton nord humide. Tu reçois d'elle des mots légers qui te semblent provenir d'un vocabulaire singulier. Il m'est permis de croire qu'en toi, tapie sous toutes ces couches d'interdits, tu rumines comme une confuse envie... Mais tu es frileuse alors qu'elle est fougueuse.

Hanoï et Saïgon, 
vous laissez derrière vous, pour une le delta du Tonkin, pour l'autre celui du Mékong - alluvions provenant d'ailleurs si différents - et plus loin vers le nord, les montagnes de la chaîne annamitique, le mont FanSiPan, plus bas vers le sud, une route pour l'île de Phu Quoc... puis le Cambodge.

Tout semble vous séparer, vous éloigner, mais une même soif effrénée gravée aux pages de votre histoire, imprimée dans vos gènes, fortifiée par vos luttes millénaires, vous êtes réunies, 
toi Hanoï qui a tant souffert, 
toi Saïgon qui a tant dansé, 
réunies malgré les kilomètres de distance, les lieux dissemblables, réunies sous la même étoile jaune sur fond rouge.



À Hanoï, 
j'ai fait puis refait le tour du lac; vu, revu ses habitants me voir et me revoir avec, présent dans le regard, une incertitude quasi atavique, ce petit rien qui ferait tout basculer vers la peur de l'étranger malgré la foule innombrable de touristes. Tu restes sur ton quant-à-soi, ta réserve contenue. Ça rend plus précieux ce sourire que l'on réussit à t'arracher de peine et de misère.

Ceux et celles qui ont marché dans Hanoï vous diront qu'ils l'ont principalement fait dans le vieux quartier français et autour du lac Hoan Kiem. Je me suis permis une escapade - près de deux heures - afin de comparer le ''un peu plus loin'' des deux villes cousines. Parti de ce que j'appellerais le ''centre-ville'' pour me rendre à la résidence des étudiants de l'Université où va mon petit-fils vietnamien, Lém.

Triste. 
Ennuyeux. 
Certainement que la grisaille ambiante y jouait pour beaucoup; 
que les gens interrogés pour me rassurer sur la route à suivre me sont apparus peu intéressés à partager quelques instants avec ce marcheur étranger; 
que les couleurs s'amusaient à se copier le plus fidèlement possible d'un immeuble à l'autre; 
que loin du vieux quartier l'architecture perd beaucoup de son cachet se drapant dans un conformisme presque monastique. 

Je suis revenu de cette marche avec très peu de photos. Très très peu en effet.

Et reparti pour Saïgon.


Voici ces photos de Hanoï prises surtout dans le vieux quartier là où l'architecture y est magnifique.























Lém à l'entrée de la Citadelle










Bureau qu'occupait Lé Duan, personnage importante de la révolution vietnamienne




Vendeuse de poissons



Il ne s'agit pas de la croix gammée fasciste mais bien la croix du Bouddha


Important hôpital de Hanoï

Autre hôpital tout à côté

Interdiction de klaxonner, mais...

Spectateur d'une partie d'échecs


Restaurant 

Très belle pagode que celle de Quand Su






* ao daï  (vêtement traditionnel que portent surtout les femmes vietnamiennes.)

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