Femme
Tu lèveras le bras, femme ininterrompue
pour protéger la fleur et l’herbe et le sourire,
pour défendre l’amour du meilleur et du pire
et son langage clair, des langues corrompues.
Tu croiseras les doigts, femme sans cesse femme,
avec des fils de soie ou de lin tisseras
leur jointure charnelle aux étoffes, aux draps
pour former du sommeil la lumineuse trame.
Tu conduiras l’enfant dans tes flancs d’urne blanche
écho doux prolongé d’homme mêlé à toi;
femme incessante toi, rituelle avalanche
que la beauté met nue une première fois.
Tes regards remués de muette musique
enchaîneront le jour de menus mouvements
et tu allaiteras l’étroite faim d’enfant
et le désir jailli, ô fontaine physique!
Tu poseras ta main comme un ruisseau d’eau fraîche
- sur l’aridité blanche des visages faits,
sur les bouches désertes, sombres sûres brèches
taillées à l’ennemi – comme un dernier souhait.
Ta fanfare de bagues et d’anneaux légers
rythmera la levée éclatante des rêves
morcellera la nuit d’étoiles du berger
serties par l’œuvre de mystérieux orfèvres.
Tu briseras les jougs, femme aux mains déliées
comme des chevelures éparses sans poids,
les colliers délicats et les colliers étroits
casseront sous tes doigts aux forces oubliées.
Puis tu reposeras, pensive sur tes hanches,
ces mains à l’ongle aigu griffe paisible encor,
pour clamer lentement aux portes de ton corps
la colère du sang qu’étouffent tes nuits blanches.
Et j’achève par ses vers magnifiques de Marie Uguay, chez Boréal.
Maintenant je marche au-dedans de moi
je suis seule inondée d’une pâle clarté légèrement fauve
tant de paysages s’attellent à mes côtés
des arbres nobles puissants se cabrent
dans la plénitude d’avril ou de juillet
des oiseaux se croisent
découpent l’air de leurs yeux aigus
de leur voix fraternelle et apaisante
il y a la mer ou la ville
la même multitude
la multiplication d’appels
de supplications de visages
de disparitions et d’apparitions
maintenant je suis seule à jamais
Je vous souhaite, chère Élisabeth, un bon repos… de cendres.