lundi 7 juillet 2008

SAUT: 219

Est-ce un début de sénilité? Ou tout simplement, l'immense plaisir de vous faire partager les premiers poèmes - mis à part ceux de Marie Noël que je lisais pour faire plaisir à cette adorable vieille cousine-germaine - qui m'ont amené à la poésie. Je vous en reparle plus loin...

La femme

Mais maintenant vient une femme,
Et lors voici qu'on va aimer,
Mais maintenant vient une femme
Et lors voici qu'on va pleurer,

Et puis qu'on va tout lui donner
De sa maison et de son âme,
Et puis qu'on va tout lui donner
Et lors après qu'on va pleurer

Car à présent vient une femme,
Avec ses livres pour aimer,
Car à présent vient une femme
Avec sa chair tout en beauté,

Et des robes pour la montrer
Sur des balcons, sur des terrasses,
Et des robes pour la montrer
À ceux qui vont, à ceux qui passent,

Car maintenant vient une femme
Suivant sa vie pour des baisers,
Car maintenant vient une femme,
Pour s'y complaire et s'en aller.


Max Elskamp (Poète belge né en 1862, décédé en 1931. Parmi les poètes symbolistes belges, un des plus originaux.)





Poème flou

Où va la pluie, le vent la mène
En tintant sur le toit
Et je me serrais contre toi,
Pour te cacher ma peine.

Le jardin noir aux arbres nus,
Ta petite lampe en veilleuse,
Tes soupirs heureux d'amoureuse
Que sont-ils devenus?

J'écoute encore tomber la pluie:
Elle n'a plus le même bruit...

Francis Carco (Ce poète, ce peintre de la bohême, est né en 1886 et décède en 1958. Il sera le chef de l'École fantaisiste. Je vous signale qu'au saut 186, se retrouve l'extraordinaire poème de Carco, L'OMBRE.)





Si j'ai parlé

Si j'ai parlé
De mon amour, c'est à l'eau lente
Qui m'écoute quand je me penche
Sur elle; si j'ai parlé
De mon amour, c'est au vent
Qui rit et chuchote entre les branches.;
Si j'ai parlé de mon amour, c'est à l'oiseau
Qui passe et chante
Avec le vent;
Si j'ai parlé
C'est à l'écho.

Si j'ai aimé de grand amour,
Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux;
Si j'ai aimé de grand amour,
Ce fut ta bouche grave et douce,
Ce fut ta bouche;
Si j'ai aimé de grand amour,
Ce furent ta chair tiède et tes mains fraîches,
Et c'est ton ombre que je cherche.

Henri de Régnier (Grand parnassien puis symboliste né en 1864, mort en 1936. Poète des nuances, on sent chez lui l'influence de l'art poétique de Verlaine.)






Il n'y a pas de poètes québécois?

Alors que j'arrivais à la poésie, d'abord par la lecture, puis l'humble acceptation qu'un poème ne se doit pas dêtre nécessairement «compris» mais «ingéré» dans cet espace de soi où le créatif s'amuse, que «l'éternité d'un poème» comme le disait si bien Federico Garcia Lorca « dépend de la qualité et de la texture de ses images », ce fut à la poésie française. Les poètes québécois, c'est vraiment à partie de Gaston Miron que j'y suis arrivé.

À ceux d'aujourd'hui, poèmes et poètes, je pourrais ajouter tout Rimbaud, une bonne partie de Verlaine, si cela était possible du Baudelaire et encore du Baudelaire...

Je lisais, à l'époque, de manière compulsive; observateur de ces alchimistes des mots, comment ils se les appropriaient et surtout, au-delà de la sonorité, comment ils parvenaient à leur faire dire autre chose. À une première lecture, c'était ceci, puis encore autre chose à la suivante et ainsi de suite pour chacune des relectures.

Je ne lisais pas pour ensuite imiter. Non. Je lisais parce que le monde des images qui surgissent parfois de manière bizarre, inouïe et imprévue, - mallarméenne - ce monde devenait un autre monde; celui que j'aimais, que j'aime toujours.

Je reviendrai, bientôt, avec d'autres poèmes, des phares dans ma vie. Garcia Lorca, pour sûr, et tous ces poètes québécois immenses que sont Saint-Denys-Garneau, Nelligan, Anne Hébert, Gatien Lapointe, l'unique Roland Giguère, Gaston Miron... pour ne nommer qu'eux.


Au prochain saut




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