jeudi 2 avril 2015

Les chroniques de Saïgon (10)



                 Avant d’attaquer la suite de la chronique 9 qui traitait de trois points en dormance dans mon cahier de notes – nous en avons vu deux déjà -  je tiens à dire quelques mots sur mon court voyage à Vung Tau le dimanche 29 et lundi 30 mars.

J’y ai pris une importante décision en ce qui regarde mon prochain voyage, celui qui démarrera en novembre prochain pour s’achever en mai 2016 : celle de m’installer à Vung Tau en lieu et place de Saïgon.

En fait, j’avais deux possibilités, sérieuses. La première étant de louer une maison à Hoï An, la seconde, Vung Tau, dans les appartements Lam Son que j’avais visités l’an dernier et qui m’apparaissaient intéressants pour un hypothétique séjour de mes amis Gérard et Maryse. Ils ont préféré passer une partie de l’hiver au Mexique.

Une visite ce week-end m’a convaincu que l’endroit me conviendra parfaitement : vue sur la mer et sur la montagne, à quelques minutes de marche de la mer Orientale. Vung Tau, situé à environ 2 heures de bus de Saïgon, est l’endroit de villégiature  préféré des Vietnamiens.

Madame Thanh, la gérante de l’endroit, dame fort sympathique avec qui, me semble-t-il, vivre sera fort agréable.

Pour les plus curieux d’entre vous, j’ai fait une vidéo de l’endroit, en février ou mars 2014. Elle est sur ma chaîne You Tube et titrée «Pour Gérard et Maryse seulement».

Voilà.

Revenons à nos moutons. Voici maintenant le troisième extrait et les commentaires suivront.


Le troisième


-      Alors que l’homme scrute l’écran du IPad, la femme devant lui, vêtue d’un châle en soie que le vent d’après-midi obligeait à replacer sur ses épaules, parfois le regardait, parfois retournait ses yeux vers la rue où circulent les motos, cette femme semblait s’ennuyer. Touristes hollandais, je crois. À l’aube du troisième âge. Lui, un café latte, elle, une liqueur dont la couleur tout doucement tirait sur le beige pâle température pièce, tous les deux s’embêtaient.
Lorsqu’ils abandonnèrent la table, que le serveur l’eut nettoyée, un autre client, seul, s’y installa, regardant lui aussi vers la rue où circulent les motos.
L’étrange sentiment de leur avoir volé un moment d’intimité s’empara de moi.



C o m m e n t a i r e


         Dans les cafés du District 1, que ce soit chez les grandes chaînes ou encore les petits cafés de pure tradition vietnamienne, on y retrouve en majorité des touristes. Saïgon – le Saïgon touristique – c’est en grande partie le centre-ville (District 1) : musées, restaurants, grands hôtels, bars, clubs s’y trouvent en majeure partie.

Cette note m’amène à vous entretenir d’un sujet dont je suis le plus grand néophyte. En fait, bien que j’en sois un – je préfère m’identifier comme étranger – je ne rencontre que très peu de touristes. Je les vois sur les coins de rues, Routard ou carte de la ville en main, à la recherche d’un point de chute ou d’une destination qui souvent se trouve tout juste sous leurs yeux. Peu ou pas de contacts à moins qu’ils discutent en français ou encore que ce soit évident qu’ils aient la nationalité canadienne tout comme moi. Il m’arrivera occasionnellement de répondre à une question d’orientation – ils ne savent pas que je suis pourri dans le domaine et que mes informations puissent les égarer davantage qu’ils le sont actuellement – ou bien de lire dans des yeux effarés une inquiétude telle que je me permets de les accompagner sur quelques mètres pour les laisser sur une artère principale.

C’est toutefois dans un café que les rencontres se font plus parlantes. J’y suis la plupart du temps pour discuter avec un ami vietnamien ou prendre un café tout en lisant. Ils sont là, se protégeant de la chaleur, remettant leur cédule à jour, leur organisation du temps, écrivant des cartes postales, consultant sur IPad l’horaire de prochaines activités.

 
Remarque : le touriste qui s’arrête à Saïgon est rarement solitaire; en couple, c’est le type masculin qui semble gérer le voyage ou en groupe, un guide les accompagne. Dans les deux cas, la barrière linguistique représente toujours le premier ennui. Pour le couple, un Assimil; pour le groupe, l’interprète autochtone.

Caractéristique : elle est de taille, l’habillement. On reconnaît les nouveaux arrivants de ceux qui pataugent en climat tropical depuis quelques jours par le port du vêtement : «Il va faire chaud, on s’habille léger» diront les nouveaux; «Craignons le soleil, habillons-nous en long» diront les deux semaines et plus. On serait porté à croire que le short et le chandail à bretelles conviennent bien à cette température. Erreur! On peut basculer de 35 degrés C à 20 degrés en l’espace d’une entrée dans un restaurant ou un magasin. Il faut craindre les refroidissements subits. Plusieurs cafés extérieurs climatisent… l’extérieur. Surtout lors de la saison sèche (novembre à avril).

Remarque : j’ai déjà écrit que je me considérais comme un «ouèreux» c’est-à-dire celui qui fouine, qui fourre son nez partout. De plus, la curiosité me porte à écouter les conversations. Avec les Vietnamiens je n’y gagne pas grand-chose alors je me reprends auprès des touristes. J’en découvre de bien belles!

Commentaire du touriste nouvel arrivant, un classique: «Il me semble que ça serait plus simple s’ils faisaient cela de telle manière.» «Pourquoi ils se compliquent la vie.»

Le Vietnamien est un travailleur honnête, assidu et perfectionniste. On lui demandera d’effectuer une tâche de telle manière qu’il n’y dérogera pas d’un iota. Le patron a raison, toujours raison. Ce qui ne l’empêchera pas, une fois le boulot terminé, d’y aller de ses propos sur les manières de faire.

En bon occidental que nous sommes – je m’inclus fort évidemment – parfois pour ne pas dire souvent, certaines façons de faire mériteraient un certain polissage.

Exemple 1 : vous magasinez (au marché ou dans un magasin) immédiatement sans crier gare, voici qu’une serveuse vous talonne : un pas à gauche, un pas à droite, la serveuse se retrouve encore dans vos souliers (dans vos gougounes).

Exemple 2 : vous êtes au restaurant. Un .e employé.e se voit attitrer à votre table. Un plat est terminé qu’il.elle s’en empare et dessert. La boisson est terminée, on vous la remplace illico sans même vous le demander. On serait porté à croire que l’employé.e ,à la limite, va s’asseoir avec vous et partager le repas.

Mais je reviens à mes touristes. La chaleur produit sur un organisme non habitué une sensation de lourdeur et de fatigue qu’il faut savoir prévenir. Le truc étant de s’assurer une hydratation continuelle : peu d’eau, souvent et surtout éviter l’eau froide.

Lorsque je vois des touristes dans un café, affalés est le terme adéquat, l’un à son IPad, l’autre à remonter une bretelle hostile, deux ou trois soupirs, jamais au même moment, je me dis que le Vietnam fait son chemin tout doucement à l’intérieur d’eux. On dit que l’on est envoûté par ce pays ou qu’on le déteste au point de le fuir.

Le Vietnam fait son chemin en vous, touristes ou étrangers, lorsque vous ne vous rendez plus compte que vous y êtes, qu’aucun jugement ne bouscule vos habitudes, rien d’autre qu’être là, c’est-à-dire ici.

                  

À la prochaine



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