…la suite… …siawa’si…
Les mesures administratives tardaient à venir. Le maire Léo rentrait de Gaspé plus souvent qu’autrement les bras chargés de promesses, d’annonces de la création d’un nouveau sous-comité devant étudier les demandes d’aide de la municipalité de l’Anse-au-Griffon, soumettant leurs conclusions à une régie chargée de prioriser les demandes, et qui ne siègerait qu’à la fin du printemps.
Monseigneur Granger, évêque de Gaspé à cette époque, avait fait savoir au chanoine Boudreau, curé de la paroisse, qu’il s’arrêterait chez lui lors de sa prochaine visite épiscopale… en juin de la même année. La Fête-Dieu était l’occasion qu’il privilégiait pour sa grande tournée de la côte gaspésienne. Il n’avait toutefois pas manqué de souligner dans sa lettre de condoléances et de sympathies aux paroissiens, lettre adressée au curé, que ses prières personnelles leur étaient consacrées. Dans un post-scriptum incisif, il rappelait au curé que les Mi’kmaw n’étaient pas baptisés et que le salut de leurs âmes le préoccupait beaucoup. Envisageait-il une stratégie particulière afin de remédier à la situation surtout si ces gens manifestaient l’intention de s’installer un peu plus longtemps dans les limites de sa paroisse? Il insistait sur le fait que l’Église ne permet pas encore aux autochtones d’entrer dans les lieux du culte (en fait cela se fera autour de 1970) et l'interdiction de donner à leurs nouveau-nés, des prénoms chrétiens.
On allait devoir se réorganiser avec les moyens du bord. Il y eut bien une rencontre avec les maires des villages avoisinants, Cap-des-Rosiers, Rivière-au-Renard et Cap-aux-Os, afin de coordonner les efforts mais rapidement, les principaux porte-paroles qu’étaient Émile, Aldège, le maire Léo et le curé Boudreau, sentirent chez eux beaucoup plus de la pitié qu’une volonté arrêtée d’entraide. Le mot « charnier » fut même utilisé par un connétable bien en vue de la région. Cela offusqua la population et, d’une certaine manière, la stimula.
- Nous allons retrousser nos manches, dit Émile au cours d’une de ces réunions auxquelles il tenait farouchement afin de souder encore plus leur courage et leur détermination.
Alors que les adultes bougeaient terre et mer pour maintenir ce souffle de vie qui risquait de devenir moribond n’eut été cette volonté inébranlable de refaire ce qu’on leur avait arraché, notre grand-père partageait son temps entre l’école et la famille Épelgiag.
Le février de cette année, rappelons-nous que nous sommes au milieu des années 1950, fut historiquement parmi les plus froids du siècle. D’aussi loin que la mémoire pouvait retourner, les personnes dorées étaient là pour en témoigner, le vent, la neige et le froid n’épargnèrent aucune journée. Le bedeau Arthur dut même faire un appel à tous afin qu’on regarnisse la remise paroissiale où le bois de l’automne était placé. Bientôt, si le temps continuait à frôler les dessous de zéro (on parle ici en Fahrenheit, car Celcius ne s’était pas encore annoncé) on allait devoir cesser de chauffer l’église. Comme il aurait été sage d’emmagasiner la chaleur lors des grands jours d’incendie, mais aucun ingénieur ne fut habile à le faire…
Les mesures administratives tardaient à venir. Le maire Léo rentrait de Gaspé plus souvent qu’autrement les bras chargés de promesses, d’annonces de la création d’un nouveau sous-comité devant étudier les demandes d’aide de la municipalité de l’Anse-au-Griffon, soumettant leurs conclusions à une régie chargée de prioriser les demandes, et qui ne siègerait qu’à la fin du printemps.
Monseigneur Granger, évêque de Gaspé à cette époque, avait fait savoir au chanoine Boudreau, curé de la paroisse, qu’il s’arrêterait chez lui lors de sa prochaine visite épiscopale… en juin de la même année. La Fête-Dieu était l’occasion qu’il privilégiait pour sa grande tournée de la côte gaspésienne. Il n’avait toutefois pas manqué de souligner dans sa lettre de condoléances et de sympathies aux paroissiens, lettre adressée au curé, que ses prières personnelles leur étaient consacrées. Dans un post-scriptum incisif, il rappelait au curé que les Mi’kmaw n’étaient pas baptisés et que le salut de leurs âmes le préoccupait beaucoup. Envisageait-il une stratégie particulière afin de remédier à la situation surtout si ces gens manifestaient l’intention de s’installer un peu plus longtemps dans les limites de sa paroisse? Il insistait sur le fait que l’Église ne permet pas encore aux autochtones d’entrer dans les lieux du culte (en fait cela se fera autour de 1970) et l'interdiction de donner à leurs nouveau-nés, des prénoms chrétiens.
On allait devoir se réorganiser avec les moyens du bord. Il y eut bien une rencontre avec les maires des villages avoisinants, Cap-des-Rosiers, Rivière-au-Renard et Cap-aux-Os, afin de coordonner les efforts mais rapidement, les principaux porte-paroles qu’étaient Émile, Aldège, le maire Léo et le curé Boudreau, sentirent chez eux beaucoup plus de la pitié qu’une volonté arrêtée d’entraide. Le mot « charnier » fut même utilisé par un connétable bien en vue de la région. Cela offusqua la population et, d’une certaine manière, la stimula.
- Nous allons retrousser nos manches, dit Émile au cours d’une de ces réunions auxquelles il tenait farouchement afin de souder encore plus leur courage et leur détermination.
Alors que les adultes bougeaient terre et mer pour maintenir ce souffle de vie qui risquait de devenir moribond n’eut été cette volonté inébranlable de refaire ce qu’on leur avait arraché, notre grand-père partageait son temps entre l’école et la famille Épelgiag.
Le février de cette année, rappelons-nous que nous sommes au milieu des années 1950, fut historiquement parmi les plus froids du siècle. D’aussi loin que la mémoire pouvait retourner, les personnes dorées étaient là pour en témoigner, le vent, la neige et le froid n’épargnèrent aucune journée. Le bedeau Arthur dut même faire un appel à tous afin qu’on regarnisse la remise paroissiale où le bois de l’automne était placé. Bientôt, si le temps continuait à frôler les dessous de zéro (on parle ici en Fahrenheit, car Celcius ne s’était pas encore annoncé) on allait devoir cesser de chauffer l’église. Comme il aurait été sage d’emmagasiner la chaleur lors des grands jours d’incendie, mais aucun ingénieur ne fut habile à le faire…
Grand-père avait beaucoup de difficulté à concevoir que les enfants et les parents Épelgiag puissent survivre dans ce wikoum aux couleurs vives. Mais le père avait su l’orienter de façon telle qu’il accumulait le maximum d’énergie des rayons du soleil. À l’intérieur, l’ingéniosité du Mi’kmaw faisait que l’on pouvait s'y déplacer à l’aise et y demeurer au chaud. Tout autour, de petits abris servaient de garde-manger. Mais pourquoi ne pas envisager de construire une maison calquant le modèle gaspésien? Grand-père comprit rapidement que pour eux, le respect des traditions était primordial et que pour rien au monde, ils n’auraient modifié cette façon de vivre qui était leur manière d’être.
Monsieur Épelgiag n’assistait pas aux réunions de la reconstruction. Il savait, depuis le pacte passé avec Émile, que si ses services étaient requis, on saurait où le trouver. Il disait :
- Ta’n tujiw mimajuinu’g teplumtulti’tij aq mesaqan wi’gas’g wi’gatignigtug aq ugwisunmuai ewi’gmi’tij na tujiw newgtejit ma gisi sa’se’wa’tug.
Cela signifie : Lorsque deux personnes s’entendent sur un sujet et signe un pacte, personne ne peut le briser ou ajouter quoi que ce soit à ce pacte.
Ce jour-là, un des plus froids de février, grand-père assista bien malgré lui à une coutume mi’kmaw qui allait ouvrir ses yeux, plus grand encore que jamais auparavant, en implémentant en lui une nouvelle dimension de l’âme humaine.
…à suivre… …nmu’ltes…