vendredi 7 juillet 2006

Le cent quarantième saut de crapaud

… la suite …

Magella Teasdale était la maîtresse de deux chats. En fait… deux chattes qui répondaient, lorsqu’elle les appelait, aux noms de Colette et Céline. Pour dire juste, Magella Teasdale et ses chattes entretenaient une relation prévilégiée.

La Maison de Retraite, bien avant l’arrivée des premiers pensionnaires, vécut au rythme de ces félins. Jamais mesdemoiselles ne sortaient à l’extérieur et leurs manies avaient leurs lieux. Ainsi tous les matins – entendons ici le moment où Magella sommeillait encore – Colette reposait sur le bord de la fenêtre donnant sur l’immense véranda. Pour sa part, Céline, demeurait immobile au pied du grand escalier d’où elle espérait voir apparaître Magella qui aimait dormir. Le matin surtout. Elle fractionnait ses heures de repos entre très tard la nuit jusqu’en fin d’avant-midi, une sieste d’environ une heure avant le souper et un petit « roupillon » vers neuf heures le soir. Au total, Magella laissait au sommeil près de douze heures par jour. On aurait dit un comportement de chat.

Une fois la maîtresse trottant dans la maison, Colette disparaissait vers une des chambres à l’étage, différente à chaque fois comme si elle eut voulu y établir son territoire, son royaume. Sa compagne Céline suivait à la trace une Magella ensommeillée. Moins indépendante que la tigrée, elle pouvait et cela jusqu’à l’heure de la sieste suivre la châtelaine de façon interminable. Céline, chatte noire aux yeux jaunes, ne vivait que pour les séances de nourriture. Magella lui donnait à manger dans un petit bol en verre qu’immédiatement après elle lavait et rangeait. Ce rite se produisait deux fois par jour. Colette, davantage buveuse, pouvait très bien se passer de cet horaire mais devenait tout simplement dérangeante, harcelant les humains qui s’attablaient de ses coups de pattes et miaulements prolongés, exigeant d’eux qu’ils lui donnent à manger. Ce que s’empressait de faire Magella. Ce fut d’ailleurs le point principal au contentieux entre elle et mademoiselle De La Bruère.

Lors de son installation à Gaspé, Magella Teasdale descendit du chemin de fer, royalement accompagnée par ses deux chattes. Tout l’automne, elle le passa sans aucune autre compagnie que Colette et Céline, si ce ne fut de quelques visites de plus en plus rares et toujours à caractère administratif du notaire Wilbrod. Celui-ci détestait les chats, ne leur trouvant aucune utilité à l’intérieur des maisons. Magella n’en fit pas de cas mais pour elle une personne qui n’aime pas les chats lui paraissait équivoque.

Il faut comprendre qu’à l’entrée en scène de mademoiselle De La Bruère, au début du printemps 1930, la Maison de Retraite ronronnait déjà selon les habitudes d’une dame sommeilleuse et de deux chattes au caractère fort différent. Pour mademoiselle De La Bruère, bourgeoise jusqu’aux bouts des ongles, organisée et méthodique jusqu’aux manies, se familiariser à cette vie ne lui fut pas aisée. Son rôle et ses responsabilités, elle dut rapidement se les approprier afin de passer outre aux extravagances des chattes qui relevaient directement de la patronne. Comme elle connaissait cette Magella depuis l’enfance, plus grand-chose ne pouvait encore la surprendre ou l’émouvoir.

La châtelaine dormeuse était aussi une très grande liseuse. Une liseuse de soir et de nuit. Immédiatement achevés les travaux de la maison et avant d’embaucher le personnel, Magella consacra de longues journées et d’interminables nuits à marcher de la cuisine à la salle à manger menant au premier salon, la véranda de long en large, la superbe cuisine d’été, les chambres à coucher à l’étage –six pour les pensionnaires, celle de mademoiselle De La Bruère et la sienne- pour continuellement revenir à ce deuxième salon situé au rez-de-chaussée à gauche de la porte d’entrée. C’est là qu’elle décida d’installer la bibliothèque.

… à suivre …

lundi 3 juillet 2006

Ça suffit le "farniente"...

Voilà, ça y est... l'été est bien installé, la Saint-Jean, passée, de même que la journée nationale du déménagement, le 1er juillet... on peut revenir à nos sauts de crapaud...
Nous avons laissé Magella Teasdale et mademoiselle De La Bruère à la porte de leur Maison de Retraite, en cette fin du mois de mai 1930. Elles ont rodé le personnel et sont fin prêtes à recevoir leurs premiers (ères) pensionnaires.
Je rappelle que les deux derniers sauts (le 138e et le 139e) ont, en quelque sorte, mis la table.... ouvert les fenêtres.
Bon retour.

Inutile de rappeler que les photos de maisons publiées ici n'ont rien à voir avec les textes précédents et suivants, mais c'est agréable quand même d'imaginer que ladite maison pourrait ressemblée à une combinaison de toutes celles-ci.

Un être dépressif - 14 -

  Un être dépressif - 14 - C’est à partir du poème de Jean DUGUAY, mon ami psychologue-poète, que je lance ce billet.                      ...