lundi 9 mars 2015

Les chroniques de Saïgon (6)



                 


Je viens tout juste de terminer la lecture du roman JADE de Michel Tauriac. Il situe l'intrigue de son livre au Vietnam lors de la guerre contre les Américains. En deux temps. Le premier tout juste avant la signature de la déclaration de paix de Paris; la deuxième, en 1975 alors que le Sud-Vietnam, envahi par les forces armées du Nord, capitulera.

En quelques mots, Tauriac raconte l'histoire d'un journaliste français à sa première rencontre avec le peuple vietnamien, carrément engagé du côté sud-vietnamien. Le coup de foudre pour Jade, une jeune vietnamienne travaillant pour l'ambassade américaine, sera automatique, dès sa descente d'avion.

Cette jeune fille (elle a environ vingt ans) serait l'amoureuse ou l'amante d'un autre journaliste, plus âgé, un vieil habitué du pays et de la guerre. Elle lui en fera voir de toutes les couleurs sur le plan émotionnel tout comme elle sera l'image d'un peuple, d'une ville (Saïgon) dont il découvrira à ses côtés les habitudes, les traditions, les contours et les pourtours de cette civilisation asiatique.

Un livre fort bien écrit, en raison de la précision des faits que l'auteur relate et la douce poésie de son style. Les comparaisons sont d'une élégance et d'une efficacité remarquables. Ses descriptions de la ville des années 1970 me font voir à quel point Saïgon a changé. Je serais porté à dire, pour le mieux. Toutefois, la résilience des Vietnamiens est fort bien décrite.

Pourquoi j'aborde, d'entrée de jeu, ce titre? Il introduit le poème que je vous offre aujourd'hui. Un poème sur la rencontre d'une jeune fille et d'un jeune homme réunis dans un café, alors que ça semble être une ultime rencontre. J'ai imagé les bruits ambiants à partir des bruits de la sirène; rien à voir sans doute avec les flacs-flacs des hélicoptères, les explosions des bombes, les cris des apprentis mourants qui enrobent le roman pour le rendre réaliste dans toute sa tristesse et son impuissance. J'ai croisé ce jeune couple dans un café. J'y étais déjà lorsqu'ils s'y présentent. Elle, belle comme le matin vietnamien; Lui, inquiet et maladroit. Mais je vous laisse vous faire une idée.

                                                           sirène


à l’écho, la sirène de l’ambulance emmêle ses bruits

Elle - sur son passage on se retourne -
ne Le veut pas assis devant Elle
les mains gantées, Elle - obliquement on La regarde -
s’assoit devant Lui

Il ne saisit pas les élans de l’âme

Elle - on guette sa voix –
L’aimait, Il La dévisage
deux regards différents, brumeux, englués
dans de trop vieilles et pugnaces habitudes

comment aimer alors que l’amour est intouchable

dans l’écho, la sirène de l’ambulance noie ses bruits

près de l’étang ombragé de la rizière horizontale
deux hérons en uniforme blanc s’éloignent du jour

Elle - on dévisage sa main -
sait la force de ses yeux
lui, la fragilité du regard

la salle parfumée de paroles sèches
pousse des couleurs inconnues aux présences nocturnes

comment écouter quand se taisent les mots

sous l’écho, les bruits étouffés de la sirène se perdent

Lui, dans le joug de ses chaînes caméléon
Elle - on fouille son odeur -
fraîche jeunesse d’oiseau de Junon

un courant d’air passe soulevant l’ao daï garance
leurs yeux appontèrent au même endroit
alors qu’un carillon assourdit les rides de la table
où leurs mains tracent des estafilades

comment parler quand les élytres du silence nous enveloppe



Elle, douce aïade - on L’imprime dans nos yeux -
Lui marqué d’empreintes ocelées
dans l’écho s’emmêlent, se noient
s’étouffent dans l’écho
puis se perdent




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