lundi 18 novembre 2024

Des mots pour notre temps




Mots pour notre temps


    Ceux et celles qui suivent LE CRAPAUD depuis assez longtemps savent que pour lui, il est essentiel de lire crayon à la main. Cela ressemble au pêcheur qui, en silence sur la grève ou dans sa barque, devant la beauté des eaux, à la recherche d’une prise qui le rendra heureux et reconnaissant tout à la fois, voit s'agiter devant lui mille et uns grouillements, des coups de vague, des éclaboussures de jets d’eau et puis, tout à coup, se révèle quelque chose comme un miracle, une illumination. LE CRAPAUD lit le plus attentivement possible et lorsque quelque chose comme un miracle, une phrase, une idée, un mot, une phrase, un magnifique jet poétique, il s’arrête pour le transcrire dans son cahier de lecture.
 
En cette époque de bouleversements actuels ou à venir, LE CRAPAUD vous offre ces «mots pour notre temps».
 
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.  … les prétendues bonnes ou grandes causes politiques et religieuses ne sont prétextes à détruire choses et gens : ce qui importe, c’est l’acte de destruction. Les êtres humains sont des boules d’énergie, des blocs d’acétone incarné, et rien n’enflamme mieux l’énergie que de l’exciter à détruire, tant est ardue la création, tant elle réclame d’intelligence et d’imagination. Mais l’homme étant créature d’esprit autant que de nerf et de muscle, il faut fabriquer une cause au nom de quoi justifier la destruction. La destruction, dont, en ces temps où j’écris ceci, la meilleure forme d’expression est le terrorisme, trouve en vérité sa seule raison d’être en elle-même; mais le simulacre du patriotisme religieux ou séculier lui fournit une apparence d’agent créateur.
                                            Anthony BURGESS
 
. L’humanité, comme une armée en campagne, avance à la vitesse du plus lent.
                                            Gabriel GARCIA MARQUEZ
 
. Pour diminuer nos fautes passées, nous nous efforçons de croire qu’elles étaient fatales. Nous nous persuadons que nous avons lutté par scrupule, par générosité et par égoïsme, alors que nous savions dès le premier instant qu’il n’y avait rien à faire, que la tentation était trop forte, et la partie perdue d’avance. Et pourtant, si nous sommes honnêtes, si nous évoquons ces instants, parfois si brefs, hélas! dans leurs détails tragiques, nous nous rappelons que nous étions alors libres, libres de choisir entre le sacrifice d’un plaisir et le sacrifice d’un devoir : et le remords que nous éprouvons aujourd’hui n’est que la certitude d’avoir été libres alors.
                                            Mario SOLDATI
 
. Il existe des centaines de milliers d’univers, les myriades de segments les plus divers d’une société dont le degré de civilisation se mesure au nombre de contradictions qu’elle comporte. Ces univers sont séparés, inconnus les uns des autres, indifférents les uns aux autres. Mais quelque chose les unit, le seul lien commun qui tisse cette carte inimaginable, cette toile arachnéenne aussi bien nationale que mondiale et que domine la peur, comme l’espoir. Tous sont soudés par la puissance de ce qui a révolutionné les mœurs : l’image, et sa transmission immédiate.

Les gens, c’était tout le monde et c’était n’importe qui. Souvent, ils ne savaient plus très bien où ils en étaient, les gens. On leur expliquait que la banquise arctique fondait, que les ours polaires allaient mourir, que des inondations géantes feraient disparaître des îles, puis des villes et peut-être des continents, et que le poumon d’oxygène du monde continuerait d’être déforesté, que l’asphyxie les gagnerait tous un jour, et sinon eux, du moins leurs enfants ou leurs petits-enfants, ou leur arrière-petits-enfants. Et pourtant, ils continuaient d’aimer, construire, inventer, créer, soigner, rechercher, enseigner, lutter.

Les gens, on leur expliquait que l’économie du monde basculait, que les séismes et les tsunamis, les cyclones et les éruptions volcaniques, les marées noires et les fuites des centrales nucléaires, les massacres et les génocides, tout cela n’était rien par rapport à ce qui pouvait encore leur arriver. On leur prédisait des années de privations et de crises, et ils comprenaient qu’ils n’étaient pas à l’abri d’aucune guerre, d’aucun geste fou d’un dictateur fou, à l’abri d’aucune catastrophe mondiale qui remettrait en question la trame même de leur vie quotidienne. Et pourtant, ils ne l’acceptaient pas, et, s’ils ne se révoltaient pas encore, ils opposaient à la noirceur des choses la force de la vie.

Tous enfants de la même algue bleue, tous issus de l’universelle et commune cellule ancestrale, ils suivaient l’évolution, le phénomène dont personne ne connaissait l’ultime bout de course – s’il devait jamais y en avoir un. Ils avaient intégré la notion de l’imminence de l’impossible. Ils vivaient dans l’âge de l’instantanéisme, l’immédiateté universelle, l’accélération des événements réels. Le chaos. Personne ne pouvait plus leur proposer le point fixe dont avait parlé Pascal. Et pourtant, ils se soumettaient à la grande loi de la nature comme à un mouvement perpétuel, ils continuaient. Ils n’avaient pas d’autre choix. Il faudrait bien qu’ils s’adaptent, les gens, ils l’avaient toujours fait.

Les gens de gauche disaient : Les choses sont intolérables.
Les gens de droite disaient : Les choses sont inévitables.
Les sages disaient : Les choses sont ce qu’elles sont.

Churchill disait : L’optimiste est quelqu’un qui voit une chance derrière chaque calamité.
                                            Philippe LABRO
 
. On fait l’idiot pour plaire aux idiots; ensuite, on devient idiot sans s’en apercevoir.
                                            MONTHERLANT
 
L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant.
                                            René CHAR



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