Fou comme en l’espace de vingt-quatre heures le temps puisse passer du vert au blanc. Sans peu d’avertissement. Comme un coup de fouet.
Il y a quelques jours, je voyais Paris aux informations. Les automobilistes emprisonnés dans leur voiture tout près des Champs-Élysés. Je songeais à la circulation sur le boulevard Ornano ou le boulevard Ney, il y a moins d’un mois. Le concert cacophonique des klaxons. Les virages dangereux que les automobilistes impatients se permettaient afin de sortir d’un embouteillage ou éviter de s’engouffrer dans un bouchon qui pouvait s’étirer sur des kilomètres. Puis, moins d’une heure après, le calme… enfin, un semblant de calme…
Je songeais au Paris connu fin octobre alors qu’il faisait très beau. Celui de novembre alors qu’il pleuvait. Et celui d’il y a quelques jours alors que la neige transformait les marches du Sacré-Cœur en piste de ski.
Les Parisiens ont dû certainement se dire la même chose : fou comme en l’espace de vingt-quatre heures le temps puisse passer… Les Parisiens possèdent cette extraordinaire faculté d’adaptation qui les amène à dire : il pleut, j’apporte le parapluie; il ne pleut pas, je le laisse à la maison. Tout simple, mais qui exprime une philosophie du quotidien basée sur le fait qu’une journée ça tourne autour de vingt-quatre heures et risque de ne ressembler ni à hier ni à demain.
La neige s’accumule sur Montréal; à Paris, sans doute, elle aura disparu tout au plus en vingt-quatre heures. On a mis quelques jours, à Montréal, pour la déplacer, la chasser de nos rues alors qu’à Paris on s’en remettra au soleil ou à un redoux pour la voir disparaitre.
Étrange que nos conversations se calquent sur la météo. On cherche à se souvenir de l’an passé. Y a-t-il eu beaucoup de neige? Combien de tempêtes déjà? Il semble que c’était plus froid. À Noël, il neigeait… je ne m’en souviens plus trop bien. C’est fou ce besoin de comparer. Un besoin qui de toute manière ne changera rien ni à l’an passé ni à cette année.
Si j’avais opté pour un prolongement de mon séjour parisien, je serais revenu le 9 décembre. En fait, le 9 décembre j’aurais été coincé à Roissy, en attente que la neige se calme et que les avions puissent reprendre leur vol. J’aurais vécu une tempête de neige à Paris. J’aurais pu voir les amis parisiens vivre quelque chose ressemblant à ce que je leur racontais dans mes grands élans oratoires sur la neige, ses bourrasques et ce qu’elle laisse derrière elle et qui ne partira que des mois plus tard, dans nos printemps aussi brefs qu’inégaux. En lieu et place, je pense à eux…
Aujourd’hui, je vous offre une deuxième note prise à Paris.
Entre le 11 et le 14 novembre inclusivement, les stations de métro reliant Barbès-Rochechouart et Porte de Clignancourt étaient fermées en raison de travaux de modernisation. Des navettes remplaçaient les wagons du métro. Une fois les travaux achevés, j’avoue ne pas avoir remarqué de transformations évidentes. C’est à la réouverture que cette note m’est arrivé.
SECONDE NOTE
la jeune fille blonde aux bas noirs et striés
lisait ERNESTINE de Sade
dans le métro
assise devant moi
sa jupe grise tranchait un blouson noir
son cou blanc sursautait parfois
lorsqu’elle tournait les pages
alors que ses yeux alors petits devenaient grands
et cela n’avait rien à voir
avec les soubresauts du train
dans le métro Barbès-Rochechouart
«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»
B R A D E R I E (nom féminin)
. foire où chacun peut vendre à bas prix des vêtements ou des objets usagés;
. liquidation de soldes en plein air.
B R A I E S (E N) (nom féminin pluriel)
. pantalon ample, en usage chez les Gaulois et les peuples germaniques.
Au prochain saut