lundi 11 juin 2007

Le cent soixante-sixième saut de crapaud



Léon Tolstoï est né le 9 septembre 1828 et meurt le 20 novembre 1910. Ses premières publications, des récits autobiographiques (Enfance et Adolescence) (1852-1856), rapportent comment un enfant, fils de riches propriétaires terriens, réalise lentement ce qui le sépare de ses camarades de jeu paysans. Vers 1883, Tolstoï rejettera ces livres, étant trop sentimentaux, une bonne partie de sa vie y étant révélée et décidera de vivre comme un paysan, se débarrassant de ses nombreuses possessions matérielles héritées, ayant acquis le titre de Comte. Avec le temps, il sera de plus en plus guidé par une existence simple et spirituelle.

Frappé dès son enfance par le sentiment de l'absurdité de la vie (à la suite de la mort de son père), il refuse l'hypocrisie des relations sociales. Le sentiment moral est ce qu'il y a de véritablement divin : toute la morale de Tolstoï est fondée sur ce sentiment. Par ailleurs, Tolstoï rejette l'État et l'Église. Sa critique radicale de l'Etat, ses préoccupations envers les masses opprimées, l'importance de ses réalisations pédagogiques, sa recherche de cohérence sur le plan personnel, en ont fait un penseur proche de l'anarchisme. Par ailleurs, il conçoit l'art véritable comme étranger à la recherche du plaisir purement esthétique : « l'art est un moyen de communication des émotions et d'union entre les hommes ».

Tolstoï entame à partir des années 1870 une sorte d'introspection, en forme de quête spirituelle. En 1879, il se convertit au christianisme qu'il évoque dans "Ma confession" et "Ma religion", mais il est très critique par rapport à l'église orthodoxe russe : son christianisme reste empreint de rationalisme, la religion étant toujours chez lui un sujet de violents débats internes, ce qui l'amènera à concevoir un christianisme détaché du matérialisme et surtout non-violent. De son côté, l'église orthodoxe va excommunier Tolstoï après la publication de son œuvre "Résurrection".
À la fin de sa vie, Tolstoï part en vagabond, attrape froid et meurt d'une pneumonie dans la solitude, à la gare d'Astapovo, loin de sa propriété de Iasnaïa Poliana et de sa famille, y compris sa femme Sophie Behrs qu'il refusera de voir. Pourtant ils s'autorisaient chacun à lire le journal intime de l'autre et ont eu treize enfants ensemble (cinq meurent en bas âge), mais Sophie était aussi celle qui dirigeait le domaine, donc assez autoritaire.

Tolstoï a fait savoir qu'il était favorable à l'esperanto , langue internationale qu'il disait avoir appris en dix heures.

« J'ai trouvé le volapük très compliqué et, au contraire, l'espéranto très simple. Ayant reçu, il y a six ans, une grammaire, un dictionnaire et des articles en espéranto, j'ai pu arriver facilement, au bout de deux petites heures, sinon à l'écrire, du moins à le lire couramment. [...] Les sacrifices que fera tout homme de notre monde européen, en consacrant quelque temps à son étude, sont tellement petits, et les résultats qui peuvent en découler tellement immenses, qu'on ne peut se refuser à faire cet essai.» (1894)

En 1885, Léon Tolstoï adopta un régime végétarien. Il préconisa le "pacifisme végétarien" et prôna le respect de la vie sous toutes ses formes même les plus insignifiantes. Il écrit qu'en tuant les animaux « l'homme réprime inutilement en lui-même la plus haute aptitude spirituelle - la sympathie et la pitié envers des créatures vivantes comme lui - et qu'en violant ainsi ses propres sentiments, il devient cruel ». Il considérait par conséquent que la consommation de chair animale est « absolument immorale, puisqu'elle implique un acte contraire à la morale: la mise à mort ».

Voici quelques perles conservées dans mes cahiers de lecture:


- Je m'assieds sur le dos d'un homme, l'étouffant et le sommant de me porter. Et pourtant, je tiens à me convaincre et à convaincre les autres que je suis désolé pour lui et que je désire soulager sa peine par tous les moyens possibles, sauf en descendant de son dos.

- Condamnez-moi, mais ne condamnez pas le chemin. Si je connais la route qui mène chez moi et si j'y déambule, ivre, titubant, cela prouve-t-il que la route n'est pas bonne? Si j'erre et je chancelle, venez à mon aide... Vous êtes aussi des êtres humains et vous aussi, vous rentrez chez vous.

- Mais nier un fait n'est pas répondre.

- Le charme, la variété et la beauté de la vie tiennent précisément à des oppositions de lumière et d'ombre.

- ... pour se vouer entièrement à une oeuvre, il faut être sûr qu'elle ne périra pas avec nous.

- Certaines choses et certains êtres ont besoin de la distance qui les sépare de nous, et que cette distance demeure infranchissable. Ils y puisent leur nourriture.

- Si on regarde une chose trop longtemps, on devient cette chose.

- On ne transmet que ce qu'on aime.

- Une chose prend fin, une autre chose commence et c'est la même qui continue, autrement.

- ... c'est l'inoubliable qu'il oublie.

- Ce n'est pas la peine de réfléchir pour faire les choses. Il est même préférable de ne réfléchir qu'ensuite, si on veut de temps en temps faire une chose, vraiment la faire.

- L'instant de l'abandon est plus délicieux que celui de la prise.

- On croit aimer des gens. En vérité, on aime des mondes.

- La tranquilité est une lâcheté de l'âme. Il faut s'agiter, s'embrouiller, se débattre, se tromper, entreprendre et abandonner, recommencer et abandonner encore, combattre à l'infini, en se jetant dans toutes les directions!



À bientôt


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