mercredi 1 août 2012

QUATRE ( 4 ) CENT-TRENTE-SIX ( 36 )


La possession, la constatation et la prégnance sont les trois derniers thèmes que je voulais aborder en rapport avec le Vietnam. J'allais dire en lien avec mon voyage au Vietnam mais je me rends compte, quelques mois après, en achevant le bilan que ce ne fut pas complètement un voyage. Ce le fut alors que je me rendais dans d'autres localités, d'autres villes, d'autres régions du pays ou encore à l'extérieur - la Chine - mais ça ne l'était plus quand je demeurais à Saïgon. Je m'entends encore dire, descendant de l'avion ou du bus en provenance de Hué, Hanoï ou de Chine, «Je rentre à la maison!». Je retrouvais Saïgon, l'appartement et la routine quotidienne. C'est dans ce sens là que j'entends la possession: celle des lieux, de l'environnement, en fait de sa situation par rapport aux points cardinaux. Être en possession de, c'est beaucoup se reconnaître, apprécier ce sentiment d'être à la bonne place au bon moment. Ça peut se manifester par des détails insignifiants comme savoir où se trouve le marché, savoir que le bus passera exactement et toujours au même endroit à peu près à la même heure, que tu iras dîner dans un restaurant que tu connais, là où tu risques de retrouver des clients habituels qui te salueront d'un sourire complice.

Le deuxième point, celui que j'appelle la constatation, je pourrais l'associer à l'analyse que tu fais de ta situation à un certain moment donné, au moment où les objectifs de ton voyage se matérialisent carrément comme tu les avais fixés, deviennent la réalité, ta réalité de tous les instants qui n'a plus rien à voir avec celle laissée derrière toi pour un certain nombre de jours et dans mon cas, de mois, alors que celle qui t'habite devient seconde peau. Tu n'es plus un Québécois à part entière - j'y reviens tout de suite afin de mieux expliquer - et pas encore un Vietnamien mais beaucoup plus près de cela. À titre d'exemple je prendrai la crise étudiante. À Saïgon, aucun mot, quelques images sur CNN tout juste après le compte rendu de la situation explosive qui régnait en Syrie et parfois deux mots sur TV5; rien pour me faire réagir ou exiger plus d'informations des gens du pays. Tu essaies de comprendre en faisant des liens, des recoupements avec des situations antérieures mais tu n'es plus dans le contexte. Il te dépasse. Tu as pris possession d'autre chose et tu le constates. Bizarrement, je me préoccupais davantage de ce qui se déroulait en Syrie et beaucoup en Corée du Nord - c'était au moment où le lancement d'un missile était imminent - de même qu'en Chine alors que le début d'une certaine purge politique se tramait. Je rappelle que la majorité de ces informations, je les recevais en anglais... Pas évident!

Le dernier point, possiblement le plus intéressant car il synthétise l'ensemble de ce séjour asiatique: la prégnance. On dit d'une structure prégnante lorsqu'elle s'impose à l'esprit. Dans mon cas, ce qui s'est imposé à mon esprit fut d'abord le fait de littéralement tomber en amour avec Saïgon, une ville qui s'est imprégnée en moi autant que Paris ou Montréal. Une ville comme je les aime mais, en plus, une ville différente des autres. Je suis allé à New York deux fois. À vingt-cinq ans de différence. Le deuxième séjour m'a permis de constater à quel point elle avait changé. Faut dire que j'y étais après le 11 septembre 2001 alors que du premier voyage, je me souviens avoir dit que c'était la «grande ville», la «ville folle», la ville qui émerveille par tous ses superlatifs. Saïgon c'est la ville qui, tous les jours, apportait à mes yeux des émerveillements renouvelés, des «jamais pareils»... Saïgon, jamais tout à fait la même - j'exclus la chaleur - réussissait à se métamorphoser au fil des heures, des couleurs, des odeurs. Et des gens. Saïgon aura été ma plus grande découverte, ma plus chaleureuse amie, d'une entière présence, celle qui s'est offerte à moi dans toute sa splendeur, ses mystères. J'y ai vécu en toute sécurité, jamais ressenti ce désagréable sentiment, ce malaise de ne pas se sentir à sa place, jamais reçu dans le regard des Vietnamiens autre chose qu'un accueil ouvert et généreux. Et c'est pour cette raison que j'y retourne à l'automne prochain - de novembre à mai - y vivre cette fois-ci plus proche encore des Vietnamiens.

Voilà donc pour ce bilan d'un séjour inoubliable et surtout combien invitant à y revenir. Plusieurs endroits au Vietnam me sont encore inconnus que je veux découvrir, tout comme je souhaite passer quelques jours en Thaïlande et au Cambodge. Et surtout, principalement, prendre mon temps qui là-bas se qualifie de zen.



Au prochain saut

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...