lundi 18 janvier 2010

Le trois cent vingt-septième saut / Le trois-cent-vingt-septième saut


Milan Kundera

Milan Kundera est né en 1929 à Brno (même endroit que Bohumil Hrabal), en Moravie. Il est le fils d’une famille de musiciens. À l’âge de 20 ans, on l’exclut du parti communiste qu’il réintègre un an plus tard. En 1975, il quitte son pays avec sa femme afin de s’installer en France. Il sera professeur à l’Université de Rennes jusqu’en 1979. Il obtient sa nationalité française en 1980.

Ses premiers livres sont publiés en tchèque et sa première œuvre écrite en français sera LA LENTEUR, en 1998. Par la suite, Kundera révise les traductions françaises de ses œuvres tchèques, les jugeant imprécises. On peut considérer, aujourd’hui, que ses textes français ont une égale valeur à ceux qu’il écrivit en tchèque.

Son œuvre développe une critique face à la civilisation occidentale du XXe siècle. Dans L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DE L’ÊTRE, roman qui lui vaudra le statut d’écrivain reconnu internationalement, il aborde le mythe nietzschéen de l’éternel retour, en plus d’introduire sa désormais célèbre définition du kitsch : la négation des côtés laids de la vie et le refus d’accepter la mort : « le kitsch est la négation de la merde.»

Parmi les plus connus des titres de Milan Kundera, notons avec les deux cités plus haut: L’IGNORANCE (2003); L’IMMORTALITÉ (1990); LA VIE EST AILLEURS (1973).

Les citations que vous lirez aujourd’hui sont tirées de L’IDENTITÉ (1998).


. … voilà la vraie et seule raison d’être de l’amitié : procurer un miroir dans lequel l’autre peut contempler son image d’autrefois qui, sans l’éternel bla-bla de souvenirs entre copains, se serait effacée depuis longtemps.

. Mais si tu n’as pas d’ambitions, si tu n’es pas avide de réussir, d’être reconnu, tu t’installes au bord de la chute.

. … il arrive qu’on souffre longtemps sans le savoir.

. On se fatigue de la pitié quand la pitié est inutile.

. À l’égard de la religion, comme de beaucoup d’autres problèmes, la peste leur avait donné une tournure d’esprit singulière, aussi éloignée de l’indifférence que de la passion et qu’on pouvait aussi bien définir par le mot «objectivité».

. Jusqu’à quatre heures du matin, on ne fait rien en général et l’on dort, même si la nuit a été une nuit de trahison. Oui, on dort à cette heure-là et cela est rassurant puisque le grand désir d’un cœur inquiet est de posséder interminablement l’être qu’il aime ou de pouvoir plonger cet être, quand le temps de l’absence est venu, dans un sommeil sans rêves qui ne puisse prendre fin qu’au jour de la réunion.

. Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n’est pas éclairée. Les hommes sont plutôt bons que mauvais et en vérité ce n’est pas la question. Mais ils ignorent plus ou moins, et c’est ce qu’on appelle vertu ou vice, le vice le plus désespérant étant celui de l’ignorance qui croit tout savoir et qui s’autorise alors à tuer. L’âme du meurtrier est aveugle et il n’y a pas de vraie bonté ni ce bel amour sans toute la clairvoyance possible.

. L’amour demande un peu d’avenir, et il n’y avait plus pour nous que des instants.

. … je sais que l’homme est capable de grandes actions. Mais s’il n’est pas capable d’un grand sentiment, il ne m’intéresse pas.

. Qu’est-ce que l’honnêteté? Je ne sais pas ce qu’elle est en général. Mais dans mon cas, je sais qu’elle consiste à faire mon métier.

. Rien au monde ne vaut qu’on se détourne de ce qu’on aime.

. Chez les uns, la peste avait enraciné un scepticisme profond dont ils ne pouvaient pas se débarrasser. L’espoir n’avait plus de prise sur eux. Alors même que le temps de la peste était révolu, ils continuaient à vivre selon ses normes. Ils étaient en retard sur les événements. Chez les autres, au contraire, et ils se recrutaient spécialement chez ceux qui avaient vécu jusque-là séparés des êtres qu’ils aimaient, après ce long temps de claustration et d’abattement, ce vent d’espoir qui se levait avait allumé une fièvre et une impatience qui leur enlevaient toute maîtrise d’eux-mêmes. Une sorte de panique les prenait à la pensée qu’ils pouvaient, si près du but, mourir peut-être, qu’ils ne reverraient pas l’être qu’ils chérissaient et que ces longues souffrances ne leur seraient pas payées. Alors que pendant des mois, avec une obscure ténacité, malgré la prison et l’exil, ils avaient persévéré dans l’attente, la première espérance suffit à détruire ce que la peur et le désespoir n’avaient pu entamer. Ils se précipitèrent comme des fous pour devancer la peste, incapables de suivre son allure jusqu’au dernier moment.

. … il y avait toujours une heure de la journée et de la nuit où un homme était lâche et qu’il n’avait peur que de cette heure-là.

. Tout ce que l’homme pouvait gagner de la peste et de la vie, c’était la connaissance et la mémoire.

. … il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.


Pour terminer ce saut, voici le «cadavre exquis» numéro 4 :

CADAVRE EXQUIS 4


… au bout de la colline se détachaient
- (projetant dans la trop courte vallée) -
des images accrochées au faite des arbres
mutilés par l’automne

une longue ligne blanche assombrit l’horizon
s’exalte dans mille-et-une nuits

je suis à l'hiver de l'écriture alors que les fantômes du passé
solitude impatience anxiété
ne cessent de me harceler…

… enveloppe les grains de sable
ceux que la plage emboite sous les pieds du marcheur
marcheur aux jambes mouillées
au cœur léger
insoucieux

un oiseau griffe la neige
l’autre, la bécote

l’écho insolite troue l’espace
une plume d’ange s’enfuit

… quel d(és)astre!



Au prochain saut

- Ce saut est écrit en nouvelle orthographe. -


















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