w1) ils seront huit
Le dernier discours du Président du
Comité populaire :
- Camarades, je serai bref. Cette
allocution, la dernière de ma carrière politique, portera sur des sujets
précis. Le premier se veut une annonce : la Maison du Peuple sera érigée
sur le terrain de l’oncle de Đẹp. Les travaux devraient débuter d’ici quelques
semaines et son inauguration, comme je l’espère ardemment, prévue pour la fin
de cette année. Ce lieu deviendra le coeur de nos activités civiques. Le
second, le lancement d’une idée proposée par Đẹp afin de permettre à nos enfants
un contact direct avec les livres, de susciter l’intérêt de tous pour
l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Cette idée prendre la forme
d’une bibliothèque que notre camarade Cây (le grêle) se chargera
d’animer. Enfin, vous voyez comme je tiens ma parole d’être aussi bref que
possible, je veux rendre hommage à celle qui, Depuis son arrivée parmi nous,
aura apporté à tous un élan vers l’émancipation personnelle. Đẹp, merci pour ton engagement, les membres du Comité
populaire se joignent à moi pour te dire combien grande fut ton implication
dans l’organisation de ces activités qui s’achèveront par notre banquet
communautaire et la deuxième représentation de la pièce de théâtre, ce soir.
La foule pressée autour de la scène
applaudit à tout rompre le court discours du Président avant d’entonner l’hymne
national du Vietnam. Tous les élus montèrent sur l’estrade, firent l’accolade à
celui qui dirigea les destinées du quartier durant plus de trente ans.
L’émotion était grande, ce qui n’empêcha pas les gens de se questionner sur qui
pourrait lui succéder dans cette tâche à la fois difficile et exigeante, et
vers qui le Président se retournera afin de faire connaître son choix. Ce serviteur
dévoué, soucieux du bonheur et de la qualité de vie de ses concitoyens, on ne
pouvait que souhaiter un successeur de sa trempe, à sa hauteur.
La courte cérémonie achevée, notre
digne « chef du quartier » comme certains se plaisaient à le surnommer, se
dirigea vers Đẹp et la prit dans ses bras.
– Ma fille, je sais que cela n’est
pas encore possible, mais sache que je te désignerais sur le camp comme
prochaine Président du Comité populaire. D’autres missions t’attendent, de
celles qui stimulent le changement alors que les responsabilités politiques
exigent davantage de compromissions. Je serai toujours là pour toi si le besoin
s’en fait sentir.
– Vous resterez éternellement dans
mon cœur et j’aimerais que vous acceptiez que la bibliothèque porte votre nom.
– Cet honneur est trop grand pour
moi, ma fille. Que je demeure dans ton cœur me suffit amplement. Je veux
présider aux deux dernières activités, soit le banquet et la pièce de théâtre
de ce soir. Par la suite, je retournerai auprès de mes oiseaux. Tu sais, ces
oiseaux en cage que j’aime plus que tout, il faudra bien un jour que je me
résigne à les libérer, qu’ils puissent s’envoler au lieu de continuellement
tourner en rond, s’accrochant aux grilles qui les maintiennent enfermés. Nous
devons tous, un jour ou l’autre, nous affranchir. Ho Chi Minh vous a ouvert la route vers l’indépendance, guidé sur les
chemins de la paix et de l’ouverture, le temps est venu pour chacun d’imiter
cette idée en nous, individuellement.
Il quitta pour se diriger vers les
gens qui tenaient absolument à lui serrer la main et le remercier pour toutes
ces années de service.
Mâp (le trapu) s’occupa
de faire entendre Mendelshonn durant le banquet qui fut grandiose. Tout le
quartier devait y être. S’y dégageaient la fraternité, le partage et la bonne
entente, exactement ce qu’aura été les années de la présidence de ce vieil
homme adulé et respecté de tous.
w2) ils seront huit
L’émotion qui s’empara des
spectateurs lors de la deuxième représentation n’eut rien à envier à celle de
la veille. On quitta la pinède qui, maintenant, semblait lavée des envoûtements
des derniers mois. La nuit était belle, calme et fraîche. Les membres de la
troupe des NAINS et leur directeur se mirent en frais de tout désinstaller sous
la direction de Người Phạm Tội (le délinquant). On avait demandé la permission de
garder les rideaux en guise de souvenir, ce qui fut accordée sans réticence.
Ils regagnèrent le local où les y attendait Mâp (le trapu) et Người Trẻ Nhất (le plus jeune). Par réflexe sans doute, un cercle
se forma, les mains refermées les unes sur les autres, les yeux clos dans un
recueillement total, chacun attendait que le directeur établisse le bilan de
leur performance. Ce fut la vieille dame âgée qui prit la parole.
– Le souffle a passé. Ce sont tous
les petits détails de cette pièce de théâtre qui auront permis cette
télépathie. Je regardais les spectateurs. Attentifs. Le courant électrique que
nous avons ouvert les a rejoints. Ils ont, chacun à leur manière, selon leur
point de vue, reçu cette métaphore comme un baume sur une plaie encore fraîche
d’incompréhension et de souffrance mais appelée à se recoudre. Ce n’est pas
nous qui avons joué, hier et aujourd’hui, nous fûmes des intermédiaires, des
médiateurs qui les ont invités à la cicatrisation de leur peine. Eux, demain et
après, continueront de vivre dans ce quartier alors que nous serons ailleurs.
Ils iront au marché, se salueront dans les rues, se diront que l’amour nous
répare.
Toujours en cercle, debout et ne
ressentant aucune fatigue, les membres des NAINS reçurent les mots de Mâp (le trapu) sans surprise :
- Si vous m’acceptez parmi vous, je
voudrais bien vous suivre. Je sens que ma voie est avec vous.
Tous l’entourèrent pour geste de
réponse. La troupe comptait un élément de plus. Người Trẻ Nhất (le plus jeune), ému, prit la parole :
- De mon côté, je me sens prêt à
retourner à la maison, d’attaque à refaire ma vie ici, dans ce quartier qui m’a
vu naître et où je souhaite me rendre utile.
Il quitta le local pour se rendre
au café Con rồng đỏ. La surprise qu’il causa à son arrivée fut diluée
par les paroles de Đẹp :
- Te revoilà, tout entier, avec
nous. Tu as inquiété bien des gens, tes amis du groupe d’abord, tes parents,
mais ton retour marque le début d’une nouvelle ère : celle qui regarde en
avant tout en n’oubliant jamais de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur du
passé. Tu as beaucoup à faire ici, sache-le.
Đẹp prit un instant de répit avant de continuer.
– Les activités sont maintenant
terminées. Elles ont connu un immense succès en raison de votre engagement,
tous et chacun. Je vous remercie et vous convie maintenant à la poursuite des
choses. La bibliothèque représente notre nouveau défi. D’ici une semaine nous
saurons si le projet verra le jour mais, suite au discours du Président, je
n’ai aucun doute qu’il ira de l’avant. Cây (le grêle) y travaille
d’arrache-pied, ses efforts seront récompensés. Quant à Khuôn Mặt Xấu Xí (le visage ravagé) et moi, nous partirons cette
semaine pour un court séjour dans mon village. Mes parents nous y attendent. Je
veux leur présenter celui qui a accepté de devenir le père de l’enfant que je
porte.
La déclaration de la jeune fille
coupa le souffle aux membres des xấu xí… Présents à la
table du café Con rồng đỏ.
– Oui. Je suis enceinte suite au
viol dont je fus victime. Ma mère le sait, mon père, pas encore. Nous,
Khuôn Mặt Xấu Xí (le visage ravagé) et moi, avons accepté cet enfant non pas comme une
punition mais une occasion de transformer la violence en amour. Nous aimerons
l’enfant de Lãnh Đạo (le plus âgé), son père biologique, comme nous souhaitons que tout
enfant fût aimé par ses parents. Nous l’accueillerons les bras ouverts, le cœur
aimant et ferons tout en notre pouvoir pour qu’il ou qu’elle puisse être
heureux.
May se leva, entourera son amie
avec chaleur :
– Vous serez de retour pour notre
mariage?, demanda-t-elle, se retournant vers le gardien de sécurité qui baissa
les yeux.
Daniel Bloch réalisa à
nouveau toute l’admiration qu’il portait à cette jeune fille.
w3) ils seront huit
Au lendemain de cet émouvant
week-end, comme l’avait demandé le directeur de la troupe des NAINS, tous se
dirigèrent vers le marché afin de recevoir de la part des gens du quartier des
commentaires, des critiques. des félicitations. Mâp (le trapu) et Người Trẻ Nhất (le plus jeune) les accompagnaient. À la vue de son fils, la mère du
plus jeune se jeta dans ses bras.
- La guerre est finie, dit-elle.
Ton père et moi t’attendons Depuis la première minute de ton départ. Chez-nous
sera toujours chez toi.
La nouvelle du départ de Mâp (le trapu) ayant choisi de suivre
la troupe, sa mère la reçut stoïquement. Il avait aussi ajouté que l’idée du
changement de sexe ne faisait plus partie de ses plans, ce qui sembla la
consoler.
– Tu seras donc sur les routes
vietnamiennes pour longtemps. Sois assuré que tes décisions, je les reçois
directement au cœur. Ton talent de musicien sera d’un grand secours pour eux. «
Comme il joue bien! » telles furent les paroles de ta professeure de musique
qui a assisté aux deux représentations de la pièce de théâtre. Elle est
consciente que si tu choisis le violon, tu réussiras autant qu’avec la flûte,
mais je crois que tu as plutôt opté pour la musique, l’instrument n’étant qu’un
outil. Les trois notes m’ont fait pleurer. Il y avait tant de mélancolie et,
aussi, tant d’espérance à l’intérieur d’elles. Je les retiendrai toujours.
Elles ont balayé de la pinède tous les maléfices qui y logeaient Depuis les tristes
événements d’avant Têt. Le calme est revenu. Je compte bien demeurer proche de Đẹp car elle personnifie la guérison. Les mots de la
pièce la décrivent bien : elle a permis à l’amour de réparer l’âme des gens.
Lorsque je la regarde, c’est l’amour que je vois. Elle t’a mené vers les NAINS
qui t’auront mené à toi. Une mère ne peut espérer mieux pour son enfant.
Ils se laissèrent alors que
s’imprimaient entre eux l’assurance, la certitude, la foi en l’avenir. Elle ne
sait trop ce qui adviendra de sa personne. Continuera-t-elle la distribution
des tracs du Parti maintenant que celui qui lui proposa cette responsabilité
quittait la présidence? Acceptera-t-elle le poste de cuisinière au café Con rồng đỏ que lui a proposé Madame
Quá Khứ lui annonçant que Đẹp en serait la nouvelle gérante? Ne lui restait qu’à prendre sa décision.
Le quartier ne ressemble plus à
celui d’avant… celui d’avant l’arrivée de Đẹp … celui dans lequel un inspecteur-enquêteur
faisait régner la terreur… celui qui, en haut d’une pente, se présenta à un Daniel Bloch complètement ignorant de
la culture et du mode de vie vietnamiens. Un quartier dans lequel un
gigantesque chantier lentement devient un building. Une pinède… Les choses se
modifient sous la main des hommes alors que souvent les hommes arrivent
difficilement à se modifier eux-mêmes. Il suffit d’un événement, ou deux, aussi
subis qu’un tremblement de terre, un tsunami, pour que chacun soit appelé à
revoir ses croyances, les frotter à une brutale réalité; s’apercevoir que
toutes les questions ne trouvent pas nécessairement réponses dans ce qui
constitue la conscience collective. Un traitement choc n’est pas la meilleure
voie à suivre. Il est préférable de s’en remettre à l’intelligence, à la sensibilité
de chacun, d’attiser les fibres de la conscience, de l’au-delà, de s’éloigner
des idéologies qu’elles soient politiques, civiques ou religieuses.
Daniel Bloch le réalisait
maintenant. Đẹp aura été le faire-valoir du changement et de la
transformation. Tout en douceur malgré l’horreur qui en fut la source.
– J’ai tant et tant encore à
apprendre, se dit-il. Une vie suffit à peine…
La dernière soirée des NAINS dans
le quartier, ses membres la passèrent ensemble, sans la présence de Mâp (le trapu) qui avait rejoint les
autres au café Con rồng đỏ. Ils sont huit
maintenant. Le dîner achevé, le groupe, en marche vers la pente, s’arrêta
devant l’atelier de May, auparavant le kiosque de Đẹp, fit une courte pause devant l’entrée de la pinède puis descendit la
pente. Mâp (le trapu) et Người Trẻ Nhất (le plus jeune) ouvraient la marche suivis de Cây
(le grêle) et Daniel Bloch. May et Người Phạm Tội (le
délinquant) arrivaient difficilement à coudre ensemble des mains qui parfois
semblaient partir vers le Mékong. Đẹp et Khuôn Mặt Xấu Xí (le visage ravagé) la fermaient la procession.
Près du lac, Đẹp insista auprès du groupe pour franchir, seule, les
quelques pas menant aux buissons de bougainvilliers à fleurs rouges. Elle en
revint, un bouquet à la main.
w4) ils seront huit
Le train qui allait mener Đẹp et Khuôn Mặt Xấu Xí (le visage ravagé) de Hanoï à Lạng
Sơn partait dans quelques minutes. Daniel
Bloch et Cây (le grêle)
accompagnaient les deux voyageurs, les assurant qu’ils seraient sur le quai de
la gare à leur retour. Ce n’est pas ce que l’on pourrait appeler le confort
mais cela ne leur importait peu. Tout au long du parcours, Đẹp relut la lettre qu’elle remettrait à sa mère alors que son fidèle
compagnon en profiterait pour jeter un coup d’œil sur les photos qu’il avait
prises lors des activités du week-end. Rendus, ils prendraient un bus pour Lộc
Bình, le village où naquit Đẹp et y vécut jusqu’à son départ pour Da Lat puis
Hanoï.
Les retrouvailles furent on ne peut
plus émotives. La mère de la jeune fille avait vieilli; son père, curieux de
rencontrer celui qui allait devenir le compagnon de vie de Đẹp le dévisageait de façon telle que Khuôn Mặt Xấu Xí (le visage ravagé) en demeura inquiet. Mais
rapidement la chaleur familiale modifia les rapports entre eux.
– Tu iras à l’Université? demanda
le père.
– En effet, je suis inscrit à la
faculté des Beaux-Arts. Je compte me spécialiser en photographie.
– Tu auras un emploi?
– Certainement. Non pas comme
photographe de plage ou de lieux touristiques mais plutôt en photographie
professionnelle : mariages, événements sociaux et civiques.
Une fois le déjeuner achevé, le
père proposa à Khuôn Mặt Xấu Xí (le visage ravagé) une visite du village où il pourrait certainement
prendre quelques clichés. Ils partirent laissant la mère et la fille
s’installer sur le balcon face à l’étang où le chant des grenouilles grésillait
dans un début d’après-midi chaud et humide.
– Mère, je suis venue à vous afin
de vous présenter celui qui, sans devenir officiellement mon mari, partagera le
reste de mes jours. Aussi, vous remettre cette lettre que vous lirez une fois
que nous serons repartis sur Hanoï.
– Ma fille, celle que j’aime plus
que tout au monde, lorsque tu annonças ta visite, je savais que ce n’était pas
pour t’installer avec nous. Ton père l’aurait souhaité, tu le connais bien. De
mon côté, au courant de tout ce qui t’est arrivé Depuis l’événement dont nous
tairons le nom, sachant que tu as choisi la voie de la vie et de l’amour, non
celle de la mort et de la rancune, mon cœur de mère a compris que tu allais
poursuivre ta route qui t’a menée jusqu’à Hanoï. Pearl Buck nous a toutes les deux guidées. J’ai cherché dans ma
mémoire vieillissante les bons mots pour te dire à quel point je suis fière de
toi et combien remplie sera la suite de ta vie, là-bas. Rien n’est
définitivement gagné, tu le sais. Aujourd’hui n’est pas le gage du lendemain,
toujours imprégné des choix que l’on fait.
« Il lui fallait vivre, non dans le monde qui passe, mais dans les
profondeurs de son être.»
Tu te souviens de cette phrase à
laquelle j’ajouterai celle-ci, toujours de
Pearl Buck :
« Elle resta sur son lit pendant bien des jours, purgée corps et âme ; tout
son chagrin et même ses pensées bienfaisantes demeuraient en suspens, car elle
n'avait pas plus de forces pour la douleur que pour l'espoir. Et quel sens
aurait la douleur, si elle ne nous enseignait pas à nous, les forts, de
l'épargner aux autres ? On nous montre ce qu'elle est, nous en fait goûter
l'amertume, pour nous pousser au désir de la chasser de ce monde. Sans quoi, ce
monde-ci serait l'enfer.»
Continue ma fille…reçois l’enfant
qui vient comme un cadeau et non pas un contrecoup… Aime ce garçon qui t’aime
au point de t’accepter sans jugement, avec toute l’ouverture de l’esprit et du
cœur qui l’anime. Il est bon, je le sens.
Đẹp lui remit la lettre qu’elle mit longtemps à
rédiger. Sa mère la plaqua sur son cœur avant de proposer une sieste.
Notre pays a grandi, a changé. Ses habitants, jour après jour, modifient
leur regard sur l’avenir tout en conservant la mémoire du passé. Ce passé, loin
dans le temps, a souffert d’agressions, d’invasions, qu’il aura semées en nous,
Vietnamiens pour toujours, l’espoir en la résistance, l’assurance que nos
luttes pour la Liberté et la Paix ne furent pas vaines. Notre foi,
quotidiennement réaffirmée, nous rappelle que ce qui est acquis doit être
préservé : que ce soit notre langue, notre culture, notre manière d’aimer
et de le dire. Mais l’espace du monde est grand. Ailleurs, on vit différemment.
De bonnes choses nous parviennent, d’autres moins intéressantes. L’ouverture
aux autres, de chez nous et du plus loin que l’on puisse rêver, nous permet de
conserver ce qui doit être maintenu et sauvegarder. Alors que les vents
nouveaux, ceux qui annoncent l’égalité entre tous les humains, hommes et
femmes, on se doit d’y faire face avec toute notre capacité d’apprendre et
notre intelligence à comprendre. Les frontières du monde s’abolissent
graduellement. Il ne faut pas y voir un nouvel envahissement mais une occasion
de mieux lire le monde, de comparer nos valeurs et d’accepter de devenir des
citoyens de l’univers entier. Nos passeports devraient être périmés. Les
guerres, interdites. L’éducation, obligatoire. Le travail, partagé.
Mère, tu as mis entre mes mains la pensée de Pearl Buck, j’y ai puisé
tant et tant, m’y suis quotidiennement nourri. Depuis, d’autres nourritures me
furent offertes, sous forme de livres, d’événements ou de gens croisés ici et
là; j’ai continué d’apprendre, demeurant fidèle à ce balcon sis dans le village
où je suis née.
J’ai accepté de garder l’enfant qui se nourrit de moi. Il sera votre
petit-fils ou votre petite-fille puisqu’il est de moi. Son père sera Khuôn Mặt Xấu Xí
(le visage ravagé) et tous les deux n’auront pour seul souci que de le ou la
voir heureux, ouvert au monde, conscient qu’il ne s’arrête pas là où notre
regard s’éteint.
Ma vie dans ce quartier de Hanoï, mère, je la dédie à toutes les femmes
vietnamiennes qui ont été, qui sont et qui seront, puisque moi aussi j’ai été,
je suis et je serai. Différente. Transformée chaque jour. Libre de mes nuits.
Responsable de mon corps et mon esprit.
Mère,
J’AURAIS PU ÊTRE CE QUE NOUS SOMMES…
JE VEUX ÊTRE CE QUE NOUS SERONS…
NE PAS ÊTRE CE QUE NOUS ÉTIONS…
Đẹp