Nathan a toujours eu la vie facile contrairement à Benjamin, son lunatique de frère aîné. Ses parents avaient placé tous leurs espoirs en lui, le voyant perpétuer la tradition familiale - prendre la relève de leur industrie agricole - ayant abandonné, depuis longtemps, l’idée de voir le plus vieux réaliser ce rêve. C’est une des raisons qui expliquent l'achat de ce lopin de terre à l’extérieur du village, pour s’isoler, un éloignement les mettant à l’abri des cancans qui, encore aujourd’hui, ne cessent de fuser au sujet de cette famille atypique: deux fils trop peu enclins à la vie sociale, une mère excentrique, oui, mais surtout issue de la «grande ville» comme on se plaisait à le rappeler parfois méchamment et un père rêveur, convaincu qu’il devait se lancer dans autre chose que l’agriculture traditionnelle. Il opta pour l’exploitation du maïs, du blé et du tournesol. La région dans laquelle ils vivent de génération en génération depuis des décennies se spécialise presque exclusivement dans l’élevage bovin: bâtiments agricoles, terres permettant à leur troupeau de paître dans de vastes pâturages, tout cela avec la maison familiale montant la garde.
Les trois cultures qu'il a choisies exigent une machinerie différente de celle qui répond aux besoins des exploitants locaux, à un point tel qu’aucun mécanicien de la région n’ose y toucher par crainte de causer davantage de dégâts que de solutions. La famille de Nathan doit absolument avoir recours, pour la maintenance, à des experts d’une compagnie étrangère dont les bureaux se situent dans une grande ville éloignée du canton. Leur venue captivait l’intérêt du plus jeune fils dont toute l’attention, depuis, n’a cessé de croître, l’amenant à fouiller dans toutes les documentations disponibleles afin de renforcer son projet d'avenir, l'électromécanique. À l’école primaire, déjà, il en parlait avec une fougue non dissimulée.
La question qui circulait dans le village: comment le père de Nathan et Benjamin avait-il réussi à financer tout cela ? S'ajoutait: d’où venait cette étonnante idée de cultiver des céréales? Celle-là: pourquoi a-t-il flanqué entre eux cet éloignement, installant sa maison au bout d’un rang menant au village et distante des champs qu’il cultivait. On n’en parlait plus tellement depuis des années, en fait les derniers bavardages remontent à la naissance de ce deuxième fils: Nathanaël. C’est quoi ce prénom bizarre, même pas catholique ? Lorsque les garçons furent d'âge à fréquenter l’école primaire, ils eurent droit au ramassage scolaire en raison de la distance importante les séparant du village. Les autorités responsables du transport s’en plaignirent car les chauffeurs devaient effectuer un détour considérable pour arriver au bout de ce rang isolé, sans oublier que l'hiver la route n'était pas déneigée.
Alors que plusieurs habitants de cette région consacrent quelques parcelles de leurs champs à la culture des petits fruits (fraises, framboises et bleuets) et qu’ils invitent la clientèle à l’auto-cueillette, le père de Nathan travaille seul sur ses étendues à perte de vue, étendue de maïs prenant des proportions impressionnantes, de blé flottant au vent dans de longues et majestueuses ondulations et ses tournesols suivant religieusement les mouvements du soleil. En été, le village et les rangs environnants fourmillent de citadins pendant qu’un homme, seul, surveille la croissance de ses céréales.
Tout dans cette famille va à contresens des habitudes ancestrales d’un village éloigné des grandes villes, principalement les deux garçons nés à cinq années d’intervalle. Il n’est pas évident pour une population imbue de traditions centenaires de rompre avec ce qui est, pour elle, l’évidence, la manière de vivre comme s’il s’agissait d’une loi non écrite.
Les trois cultures qu'il a choisies exigent une machinerie différente de celle qui répond aux besoins des exploitants locaux, à un point tel qu’aucun mécanicien de la région n’ose y toucher par crainte de causer davantage de dégâts que de solutions. La famille de Nathan doit absolument avoir recours, pour la maintenance, à des experts d’une compagnie étrangère dont les bureaux se situent dans une grande ville éloignée du canton. Leur venue captivait l’intérêt du plus jeune fils dont toute l’attention, depuis, n’a cessé de croître, l’amenant à fouiller dans toutes les documentations disponibleles afin de renforcer son projet d'avenir, l'électromécanique. À l’école primaire, déjà, il en parlait avec une fougue non dissimulée.
La question qui circulait dans le village: comment le père de Nathan et Benjamin avait-il réussi à financer tout cela ? S'ajoutait: d’où venait cette étonnante idée de cultiver des céréales? Celle-là: pourquoi a-t-il flanqué entre eux cet éloignement, installant sa maison au bout d’un rang menant au village et distante des champs qu’il cultivait. On n’en parlait plus tellement depuis des années, en fait les derniers bavardages remontent à la naissance de ce deuxième fils: Nathanaël. C’est quoi ce prénom bizarre, même pas catholique ? Lorsque les garçons furent d'âge à fréquenter l’école primaire, ils eurent droit au ramassage scolaire en raison de la distance importante les séparant du village. Les autorités responsables du transport s’en plaignirent car les chauffeurs devaient effectuer un détour considérable pour arriver au bout de ce rang isolé, sans oublier que l'hiver la route n'était pas déneigée.
Alors que plusieurs habitants de cette région consacrent quelques parcelles de leurs champs à la culture des petits fruits (fraises, framboises et bleuets) et qu’ils invitent la clientèle à l’auto-cueillette, le père de Nathan travaille seul sur ses étendues à perte de vue, étendue de maïs prenant des proportions impressionnantes, de blé flottant au vent dans de longues et majestueuses ondulations et ses tournesols suivant religieusement les mouvements du soleil. En été, le village et les rangs environnants fourmillent de citadins pendant qu’un homme, seul, surveille la croissance de ses céréales.
Tout dans cette famille va à contresens des habitudes ancestrales d’un village éloigné des grandes villes, principalement les deux garçons nés à cinq années d’intervalle. Il n’est pas évident pour une population imbue de traditions centenaires de rompre avec ce qui est, pour elle, l’évidence, la manière de vivre comme s’il s’agissait d’une loi non écrite.
L’arrivée de Jésabelle, sa relation avec Daniel, leur mariage sans aucun autre invité que leurs deux témoins, union officialisée à la mairie du village - ce fut d’ailleurs le premier mariage civil à y être célébré - suivie par une promenade dans le village dans une volkswagon blanche décapotable - et pour amplifier la singularité, les nouveaux époux ne partant pas en voyage de noces.
Cet événement fit la une dans cette petite communauté sous le choc. Déjà que Daniel n’avait pas bonne réputation due principalement au fait qu’il s’engueulait régulièrement avec son père, lui reprochant sans cesse son manque d’ambition, son incapacité à faire différent des autres, copiant tout le monde, de la même manière, en même temps. Il s’ennuyait à répéter annuellement les travaux de façon analogue à l’année précédente et qu’il copierait l’année suivante. L’ennui s’amplifia à un point tel, qu’à l’automne de ses trente ans, il disparut.
Lorsqu’il revint, au début du printemps, au bras d’une jeune dame vêtue comme les comédiennes que l’on voyait à la télévision, son père fut interloqué, sa mère scandalisée et la population sidérée. Personne ne le reconnaissait tellement il avait changé. Certains s’avancèrent à dire qu’il y avait de la drogue quelque part dans cette relation et que le couple risquait de contaminer le village. C’est sans doute pour cette raison qu’ils se marièrent au début de l’été et s’installèrent provisoirement chez les parents de Daniel, le temps que l’on construise sur une des terres de son père un domicile provisoire.
Daniel accepta de participer aux travaux agricoles traditionnels annonçant son intention de se lancer dans une autre direction, la culture céréalière. Le décès de son père survenu un an après le mariage de son seul fils lui permit d’accélérer la réalisation de son projet. Comme sa mère refusait de cohabiter avec Jésabelle, c’est avec beaucoup de regret qu’elle quitta la maison familiale pour aller vivre chez une de ses soeurs habitant au coeur du village, au coeur même des ragots. Survivre à tout cela lui fut impossible et elle rejoignit son défunt mari à la fin de l’hiver suivant.
Une nouvelle vie s'offrait au couple qui se départit des deux maisons pour acheter ce lopin de terre en-dehors du village, y faisant transporter une habitation qui n’attendait qu’à être retapée. Daniel profita de l’hiver qui fut particulièrement rigoureux pour planifier ses projets de culture alors que Jésabelle, enceinte, modifiait drastriquement leur type d'alimentation et cessait de consommer du haschisch.
Et vint l’été.
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