vendredi 29 mars 2019

5 (CINQ) (CENT-CINQUANTE-HUIT) 58















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Le 26 février 1993, une bombe de près de 700 kg déposée dans le parking de la tour nord du WTC fera 6 victimes piétinées en tentant de s’enfuir et plus de 1000 blessés: on prévoyait faire basculer l’une des deux tours sur l’autre. L’attentat terroriste, oeuvre d’islamistes intégristes dirigés par Omar Ben Laden, visait à dénoncer la politique américaine au Moyen-Orient qui s’appuie sur une défense inconditionnelle de l’État d’Israël, son ingérence dans cette région et en exigeait la fin. Considéré comme un échec, il allait tout de même préparer une autre action plus spectaculaire encore.

L’effondrement des tours du WTC en 2001 peut-il se comparer, au niveau de ses retombées, à la chute du "mur de la honte", celui de Berlin, en 1989 ? 

L’affaiblissement du bloc de l’Est qui suivit cet événement que d’aucuns ont qualifié de moment charnière dans l’histoire de l’Europe, permit la difficile réunification des Allemands que l’ombre de cette muraille écrasait quotidiennement ainsi qu’une profonde remise en question de l’avenir chez un des protagonistes de la Guerre froide. En effet, l’URSS admettait, sans officiellement l’avouer, son abdication devant des États-Unis affaiblis par leur douloureuse défaite au Vietnam. On croyait qu’allait naître un monde nouveau.

Dès lors, deux hégémonies cessaient de combattre, les bannières furent mises en berne. Des pays auparavant enclavés sous le marteau et la faucille soviétique, ceux de la mer Baltique, ceux que les accords de la Conférence de Yalta avaient assujetti au régime stalinien russe se retrouvent du jour au lendemain libres de leur destin avec pour mandat de réformer leurs institutions. Le Pacte de Varsovie et l’OTAN n’allaient pas se saborder, trop de militaires, trop d’armements sont en jeu. Et que faire de tout cet arsenal nucléaire présent de part et d’autre ? Des discussions débutent pour en arriver au TNT (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) en 1968.

La population mondiale vécut sous la menace de ces grandes puissances pouvant activer le fameux bouton déclenchant une guerre atomique, sans pour autant se dire qu’inévitablement aucun des belligérants n’auraient pu en sortir indemnes. Toutefois, les puissances de quelque nature qu’elles soient se doivent de brandir des comminations afin de bien asseoir leur pouvoir. La menace demeurera toujours un système alimentant la peur.

À la fin de la Première guerre mondiale, en 1920, naquit la Société des Nations afin de régler les différends entre les pays signataires. Elle laissera place à l’ONU (Organisation des Nations Unies) en 1945 avec à peu près le même mandat. Après avoir fait la guerre, il fallait encadrer la paix. Mince tâche !

S’ensuivit ce que j’appellerai l’ère de la diplomatie. On espérait qu’à partir de ce canal, on pourrait éviter d’autres... pires. Des hommes de grande qualité se succédèrent sur le siège du secrétariat général. Gladwyn Jebb fut le premier et parmi ceux qui y firent leur marque, notons ces quelques suivants: Doug Hammarskjöld, U Thant, Boutros Boutros-Gali, Kofi Annan. L’actuel secrétaire de l’ONU est Antonio Gueterres. Aucune femme n’a encore occupé cette fonction.

Le pouvoir, plutôt symbolique, attribué à l’organisme, se dota de dents acérées lorsqu’un certain Lester B. Pearson, ancien Premier ministre canadien suite à une carrière de diplomate, lauréat du Prix Nobel de la Paix en 1957, proposa la création d’une force de maintien de la paix, les Casques bleus (1948).

Nous voici alors dans un XXe siècle désireux de voir la paix - ou plutôt l’évitement de la guerre - devenir la valeur première d'un gigantesque chantier. Ce qui n’allait nullement empêcher l'éclatement de conflits ici et là, circonscrits et localisés en des points précis de la planète. 

D’importants mouvements allant dans le sens d’une promotion des droits des individus et des peuples s’organiseront. Que ce soit la lutte pour les droits civils aux USA, la volonté de souveraineté d’une foule de nations inspirées par la réunification du Vietnam y voient des possibilités de libération du joug colonial, les revendications féministes, les différents échanges d’étudiants à travers le monde, et j’en passe.

Si je résume, le XXe siècle, qui connut deux guerres à caractère mondial mais localisées en Europe, de multiples luttes intestines en Afrique, en Asie et en Amérique latine, une reconstruction gigantesque (le plan Marshall) à partir des ruines que laissèrent les chars d’assaut et l’effroi inimaginable qui suivit l’explosion des bombes atomiques larguées sur le Japon en 1945, cherche par tous les moyens à éviter de nouvelles catastrophes tout en créant les outils pour y parvenir.

Comment tout cela peut-il avoir influé sur le système nerveux des terriens et surtout sur le système politico-économique mondial ?

Il faut ici se référer à une notion, celle de l’abiogénèse, qui s’est avérée scientifiquement impossible. Il s’agit d’une théorie qui veut que la vie peut apparaître à partir de matériaux sans vie. Aucune expérience n’aura réussi à démontrer fondamentalement l'actualisation de cette idée. Peut-on élargir ce concept à la pensée humaine ? On peut en douter puisque la génération spontanée n’existerait pas.

Si, par hypothèse, elle n’a pas de racines dans le réel matériel et chimique, il ne serait pas farfelu de croire qu’elle ne peut également s’appliquer à la pensée humaine. Alors, sans entrer dans le débat de l’inné et de l’acquis qui nous mènerait trop loin, admettons que ce que l’homme pense ne peut que provenir de ce qui s’est déroulé avant lui et continue à se dérouler autour de lui.

L’homme du XXe siècle, traumatisé par le son des bombes, des canons et des fusils, par d’innombrables morts dans tous les camps en présence, quelque peu rassuré par une volonté d’établir la paix sur le terrain et s’en remettant aux outils qu’il crée pour y parvenir, recouvrant la possibilité d’exercer une certaine forme de liberté, durement acquise pour certains, semble regarder l’avenir avec un optimisme prudent.

Toutes les évidences, les certitudes auxquelles il se référait furent secouées; il a la tâche, à la fois difficile et complexe, de les réactualiser dans un monde devenant de plus en plus pluriel. Il s’attèle à l’ouvrage, mais de manière plutôt originale. Défendre le bien commun, c’est bien, mais là il faut s’occuper de nos biens personnels. On a trop perdu dans la première démarche, on a ardemment peiné pour les récupérer un tant soit peu que maintenant regarder en soi, cultiver son jardin personnel devinrent des priorités.

L’Occident et l’Orient ne sont pas encore fait face. On s’est rendu jusqu’aux portes de la Russie et le Japon a tenté, non sans difficultés, de s’imposer face à une Chine qui jamais n’oubliera qu’elle fut, et doit redevenir, le centre du monde. La culture asiatique est issue de cet empire qui depuis le 1er octobre 1949 a opté pour le matérialisme, le communisme de Marx. Mao Tsé Tong se voit comme le nouvel empereur de ce pays immense et veut le modifier de fond en comble.

La donne mondiale, celle des années ‘50, se fait immensément complexe, mais elle ne sera plus jamais strictement occidentale.

Je tente d’imaginer, avec difficulté j’avoue, comment tout cela a pu jouer dans la tête de ceux qui, se relevant de guerres furieuses, souhaitant ne plus jamais y être confrontés, mais qui ressentent qu’à tout instant la bascule peut s’abattre sur eux. Cela ne peut que les amener à redéfinir leurs projets de vie. C’est, il me semble, inéluctable.

La Shoah, la volonté d’extermination des Juifs par l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, posa à l’humanité tout entière, mais davantage à l'Occident, un problème moral fondamental. Tant d’éléments y sont greffés, qu’ils soient d’ordre politique, religeux, économique et humain, qu’il est difficile d’imaginer ne pas se positionner face à cela.

Nous sommes en plein dans le système des valeurs. L’ouest du monde se déchire, conscient mais inquiet, à savoir pourquoi un tel génocide eut pu avoir lieu en Europe. L’ONU décréta, en 1948, la création de l’État d’Israël dans un environnement oriental. Encore maintenant, et sans doute pour plusieurs années à venir, cela posera problème. L’Occident et l’Orient s’approchent l’un de l’autre avec tous les risques que cela peut vouloir dire. Le “Tu ne tueras point!” est mis à rude épreuve...

Sur un autre plan, aussi important je crois, il faut regarder les raisons pour lesquelles se développent les psychologies, celles d’après-guerres...

Freud nait en 1856, meurt en 1939. Il fut un témoin des deux grandes guerres. Autrichien - tout comme Hitler - juif, il est le fondateur de la psychanalyse. Sa marque ne fait aucun doute dans l’histoire de la psychologie moderne et ses disciplines furent nombreux. Il ne s’est pas engagé contre le fascisme hitlérien comme le fit Wilhem Reich qui allia la pensée de Freud et celle de Marx.

L’influence de Freud sur les psychologies ambiantes ne fait aucun doute. Combien de gens, pour se sortir des chocs post-traumatismes de la guerre, y eurent recours, impossible de le dire, mais il faut penser que ces démarches se firent nombreuses. Le XXe siècle regorge d’adeptes qui y virent là une planche de salut.

De la psychologie, passons à l’éducation. Les pédagogues influents que furent Pierre de Coubertin, Cousinet, Cuisinaire, Decroly, Neill (Libres enfants de Summerhille), Montesorri, entre autres, cherchèrent à redéfinir nos méthodes d’enseignement, nos pédagogies et l’en-soi de l’école. Des courants de pensée projetées dans des directions opposées, inspirèrent les politiciens qui souhaiteront que l’éducation relève de la spère de compétences des gouvernements.

Impossible de passer à côté des religions. Tout comme ce fut le cas pour la psychologie et l’éducation, nos grandes références demeurent occidentales. Ceux et celles qui adoptèrent des modes de vie spirituelle plus "zen", plus bouddhiste, devinrent des déviants. On les qualifia de "hippies", de "peace and love" et à la limite de parias de la société, des dépendants paresseux ne s’adonnant qu’aux nourritures terrestres et aux plaisirs hédoniques. La morale ne leur seyait pas, eux qui disaient tout comme Léo Ferré que "la morale c’est toujours la morale des autres."

L’homme du XXe siècle, je devrais plutôt utiliser le terme "l’humain du XXe siècle", oscille entre le "moi" freudien et le "social-démocrate". La social-démocratie désigne une tendance du socialisme, une désignation recouvrant à la fois la dénomination employée par divers partis politiques, une forme d’organisation de ceux-ci, un courant idéologique et une pratique idéologique. Elle prend ses origines dans les révolutions européennes vers 1848 et aura la vie longue. Parfois, on l’utilise à toutes les sauces, mais son fondement se veut installé sur un gouvernement plus à l’écoute aux besoins des gens. Cette manière de voir la gestion des choses de la Cité se veut comme un compromis entre l’individuel et le collectif, le noyau central, le noeud gordien que la civilisation occidentale devra tenter d'éclair avant d’entrer dans le troisième millénaire.

Bardé de ce costume, l’humain du XXe siècle s’en approche tout doucement. Il va s’y engouffrer avec tout ce qu’il est devenu, tout ce qu’il est... maintenant.

On verra pour la suite.

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