dimanche 15 mars 2015

Les chroniques de Saïgon (7)


     Les odeurs, par je ne sais trop quelle magie ou déformation cérébrale, ont toujours et encore eu sur moi une influence immense. Il m'est impossible de bien saisir les choses et les gens sans d'abord les sentir. Sentir pour mieux ressentir.

Je me souviens avoir écrit dans un des premiers billets vietnamiens que j'allais bientôt tenter de décrire les odeurs du pays. De ce pays. Il m'aura donc fallu plus de trois ans avant de m'y mettre.

Des gens avec qui je discute du Vietnam, qu'ils y soient venus ou pas encore, me demandent continuellement ce que ça sent ici, La ville, la campagne... un peu de pudeur ou de retenue les empêchant sans doute de placer dans la nomenclature, les gens.

Il est évident que le climat tropical joue beaucoup sur les effluves, que le soleil perpétuellement présent s'avère un catalyseur important. La présence, à Saïgon du moins, de la rivière qui serpente à travers la ville et de ce vent léger mais sempiternellement là, joue sur les odeurs et leur transport.

Il ne faut pas non plus oublier l'abondance des marchés qui ouvrent tôt le matin et ferment à la tombée de la nuit, de même que la cuisine de rue souvent fricotée sur barbecue qui à elle seule peut vous avaler illico un échappement de fumée d'une moto.

Les rues sont le lieu privilégié des Vietnamiens. On y vit du matin au soir. Les maisons, ces lieux ouverts à tous les regards, ne fermeront leurs volets que pour la nuit. C'est d'ailleurs un des sujets le plus discuté actuellement par les autorités des villes: comment moderniser la ville sans toucher à la rue, sans transformer les habitudes millénaires de ce peuple qui l'habite, se l'accapare en entier. Du beau travail pour les urbanistes.

Les odeurs, donc. Elles se mélangent aux couleurs qui elles vont varier selon les heures du jour. J'ai tenté, sans succès je l'avoue, de décrire ce révélateur du pays, m'apercevant que je ne faisais qu'une pâle description de la splendeur de sa présence, de la force de son importance.

Je me suis donc dit qu'un poème pourrait mieux y parvenir, en autant qu'il puisse trouver cette fluidité ambiante.

Je vous l'offre donc, conscient de son imperfection.



ce pays


matins furieusement doux    
couleur pêche et pamplemousse

les odeurs du matin se répandent
arômes charriées par le vent

le bruit comme un ensemble de silences

jours chauds comme un citron doré
mûrissant d’heure  en heure

les odeurs du jour brassent les essences
que le soleil cuit sur place

le bruit comme un ensemble de silences

soirs comme café froid
que la table resquille

les odeurs du soir dans les lauriers rouges
au gingembre s’attache la citronnelle

le bruit comme un ensemble de silences

nuits froides dans leur fusain
dessinent des ombres roses

comme des odeurs de lune pure
les nuits se tortillent, fantômes ductiles

le bruit comme un ensemble de silences
de ce pays



À la prochaine

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