LES CHRONIQUES DU CAFÉ
RIVERSIDE
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Le Têt passé, on passe à autre chose.
En
pleine période du Têt, Saïgon est devenue une autre ville. Fleurie comme s’il
s’agissait d’une exposition universelle consacrée aux FLEURS.
Je
croyais ne plus avoir à entendre des chants «Happy New Year» de tout acabit
mais voilà que ça n’avait de cesse. Noël et Jour de l’An pouvaient rendre leurs
habits saisonniers, tout ce qui s’est passé lors du Têt surpassait ce que j’avais vu un mois
plus tôt.
Le
congé, entrepris le jeudi 7 février, prit fin l’autre semaine.
En fait, cette grande fête familiale s’est achevée pour ainsi dire le 18 février.
Pour votre culture personnelle, sachez que le 10 février = le 1er
janvier dans le calendrier chinois… Si vous faites le calcul pour situer la fin
du Têt, vous arrivez au ??? Oui, exactement, le 9 janvier c’est-à-dire le 18
février. Comme à l’époque, déjà lointaine, de notre période des Fêtes qui
allait d’avant Noël jusqu’à la fête des Rois à la différence qu’ici presque
tout est fermé en raison de ce vous savez maintenant…
Plusieurs
Saïgonnais quittèrent pour la province laissant la ville aux fêtards,
sans-famille, touristes ainsi qu’à ceux dont la famille n’est pas ailleurs qu’ici.
On devait certainement vivre la même chose à Hanoï.
Parcs,
rues, endroits publics comme les marchés, les grands magasins rivalisèrent
d’originalité dans leurs décorations, à croire qu’un grand concours était lancé,
une espèce de défi à qui utilisera le mieux les couleurs rouge et jaune pour se
mettre en valeur ainsi que la nouvelle année (2556 et année du Serpent).
Un
brin d’inquiétude m’a envahi en songeant que le Dragon n’allait se pointer le
nez que dans douze (12) ans… Il y a parfois de ces petits détails qui frappent
fort, là où ça fait mal.
En
Thaïlande, principalement dans le quartier chinois tout près du «guest house»
loué à Bangkok, on signalait l’événement mais avec retenue, ce que l’on ne
retrouvait pas ici. Saïgon n’y est pas allé avec le dos de la cuiller.
Je
me rappelle l’an dernier avoir noté le côté commercial de cette fête alors que
les magasins regorgeaient de gens et de marchandises. Je signalais à quel point
les Vietnamiens m’étaient apparus comme de voraces consommateurs. On relativise
les choses lorsqu’on comprend qu’à cette occasion les réunions de famille sont
nombreuses, les réceptions multiples. Même phénomène cette année. On ne regarde
pas à la dépense.
Si
vous avez jeté un oeil aux vidéos que j’envoie sur You Tube et les
quelques photos déjà parues sur le blogue, vous verrez à quel point les
activités au cours de la période du Têt sont à la fois publiques – au cœur de
la ville et dans les différents districts – et privées. Privées, comprendre
familiales.
Les
diverses traditions que ce soit celle de remettre une enveloppe dans laquelle
on dépose un peu d’argent pour la chance; celle de la première personne qui
entre chez soi au jour du Nouvel An portant avec elle la chance ou la
malchance; celle de recevoir et recevoir encore famille et amis – les étudiants
vont également saluer leur instituteur directement chez lui - ; celle de
déguster les mets traditionnels faits maison; jouer aux cartes, parfois des
nuits entières; toutes ces traditions, encore une fois, m’ont frappé de plein
fouet.
Alors
que j’étais (le jour même du Nouvel An) dans la famille de Lisa, après un repas dans la plus pure tradition
de Hué (on y est originaire), rapidement les cartes firent leur
apparition. Je ne connais pas le jeu et ses règlements, encore moins sa
stratégie, mais ce fut instantané, je me suis revu tout jeune, chez les
grands-parents paternels, en campagne tout à côté de Trois-Rivières, assis
autour de la table à cartes. Les
«vieux», surtout des oncles et mon père, le grand-père Albert aussi, jouaient
au 500. Au plus fort de la participation, je transcrivais le pointage sur une
feuille, la dernière page du calendrier de l’année qui s’achevait. Je me suis
senti dans la même bulle, assis autour de la table à cartes chez Lisa… à 32
heures de Trois-Rivières… Les pays changent mais certaines choses se
ressemblent.
Je
voulais parler d’obésité dans cette chronique. Du surplus de poids et parfois
surplus dans le surplus. La période des Fêtes, une fois achevée, devient chez
nous une mine d’or pour les gymnases, les cures d’amaigrissement, les
résolutions quant au retour puis au maintien de son poids originel ou santé.
Je
voulais parler d’obésité car durant les rencontres familiales vietnamiennes,
tout comme au Québec, manger s’avère l’activité première et le sédentarisme,
une philosophie populaire. Mais - il y a toujours un mais - au Vietnam n’est
pas obèse qui veut. Réussir à en trouver un ou une relève de
l’inspection systématique. Personnellement, en avoir vu une dizaine depuis les
trois mois que je suis ici (je pourrais même ajouter les quatre mois du premier
voyage) serait vraiment le maximum. Ce n’est pas seulement une question
de génétique, leurs habitudes de vie y sont pour beaucoup : lever tôt, petit
déjeuner consistant et, par la suite, de petites collations si je peux
m’exprimer ainsi. Beaucoup de liquides, peu de lipides et encore moins de
sucreries; du mouvement continuel et quelques courtes périodes de repos.
Mon
beau-frère, le biologiste Roger, disait :«ce n’est pas ce que l’on mange
entre Noël et le Jour de l’An qui est important mais ce que l’on mange entre le
Jour de l’An et Noël.» Sagesse qui contient une profonde vérité.
Comme
je vis au rythme vietnamien depuis novembre dernier, moment où j’ai coupé alcool
et dessert, les résultats sur le physique (entendre ici la forme physique) sont
rapidement apparus. Buvant de l’eau et du thé (très peu de café), des jus de
fruits frais, veiller à demeurer continuellement hydraté surtout lors des
balades en vélo et des promenades sous un soleil ardent ou encore de nuit
lorsque le bus 72 est définitivement rentré au terminus ont fait, il est vrai, que
je ne suis pas encore de la taille du Vietnamien moyen ou en mesure de circuler
allègrement dans les tunnels souterrains de Cu Chi, mais je suis en forme comme
jamais.
Sans
faire dans la santé ou l’hygiène, je souhaite toutefois relever ce qui a capté
mon attention à Bangkok puis à Phuket. D'abord dans la capitale thaïe, le
nombre ahurissant de jeunes qui présentent un surplus de poids, des garçons
surtout. Je dois dire que les MacDo, Burger King et autres fast food dans le
genre y pullulent attirant une clientèle de plus en plus jeune. Puis le foudroyant coup de
canon que vous assène Patong Beach (Phuket) à la vue de tous ces
corps de touristes. C’est à croire que les vacances cautionnent une espèce de
laisser-aller de la fourchette (ou des baguettes) et de la principale activité
physique, la levée du coude. Au point qu’il s’avère difficile de définir exactement
le concept d’obésité : est-ce uniquement un rapport quantitatif à la
nourriture et aux liquides? Une perte de contrôle sur son propre corps, de
l’insouciance? Une consolation ou une désolation voyant plus petit ou plus
énorme que soi?
Toutes
ces histoires de poids santé, d’être bien dans sa peau, etc., tout cela ne m’a
pas seulement effleuré l’esprit marchant dans Bangkok ou sur la plage. Ça m’a
complètement distrait. Voir ces corps – ceux (majoritaires) des touristes
européens sur Patong Beach – étendus dans des chaises longues ou sur une
minuscule serviette de plage, s’élançant dans la mer, y demeurant aussi
longtemps que possible, se promenant de long en large, certains s’exhibant
d’autres se cachant dans des djellabahs aux couleurs aveuglantes, ces femmes
aux seins nus, ces hommes ventrus, tous ces corps exposés au soleil ou aux
regards des autres m’ont incité à cette réflexion sur l’obésité. Ne serait-ce à
la fin qu’une caractéristique des Européens et des Américains (Canadiens
compris) car les Thaïlandais qui travaillent sur la plage, les Cambodgiens dans
leurs champs, les Vietnamiens qui ne cessent de bouger, ont ne certaine
difficulté à accéder au titre d’obèse?
Est-ce
que mes amis vietnamiens qui m’ont gentiment fait voir, lors de mon arrivée à
Saïgon, que j’avais un peu changé… physiquement… qu’une diète serait la
bienvenue, ont-ils, et cela sans le dire ouvertement, réfléchi au phénomène de
l’obésité? Je ne saurais le dire mais étant un vieil habitué des «régimes»
comme on disait à l’époque, je me suis dit que si j’allais perdre quelques
kilos, une fois de retour au Québec ils allaient me hanter et se présenter
accompagnés par d’autres. C’était sans tenir compte d’une chose importante
qu’au Vietnam on a saisie depuis belle lurette : manger pour vivre, non vivre pour manger. Ici, passer des
heures au café est possible alors qu’au restaurant, pour le lunch ou le dîner,
c’est plutôt bref. Manger pour vivre,
ça veut aussi dire faire attention à ce que l’on mange et à quel moment de la
journée on le fait. Exemple : le riz, pour moi, c’est maintenant le matin car il aura
plus de temps pour être digéré. Manger ce qui est utile et non pas simplement ce
qui est agréable au goût. Bizarrement, fruits de mer, poissons, fruits et légumes
sont de la classe des aliments utiles.
N’est
pas obèse qui veut au Vietnam, et par extension dans quelques pays d’Asie, car
le devenir s’avère une tâche difficile tout comme les premières cigarettes que
l’on fume nous rendent malades pour devenir par la suite le summum du goût.
Une
fois Têt passé et que l’on passe à autre chose, je puis vous assurer que les gymnases
de Saïgon ne sont guère plus fréquentés qu’avant et que la télévision
vietnamienne ne nous inonde pas de publicités vendant les mérites d’une cure
miracle d’amaigrissement.