C'était à l'occasion des fêtes du Têt 2017, dans l'ascenseur d'un hôtel qui dévisageait la mer de ses grands yeux blancs.
C'était, si je m'en souviens, après le petit déjeuner. Dehors... chaud comme lors de la saison sèche. Inhabituel. Les gens se baignaient sous un soleil rond. La plage, longue et sablonneuse, regorgeait de vacanciers matinaux. Un cheval que l'on avait teint de manière à ce qu'il ressemble à un zèbre offrait des randonnées pour quelques sous. Un rocher accusait le choc des vagues avec la résignation de l'immobilité.
Je me suis dirigé vers l'ascenseur. Une femme, à fois jeune, belle et odorante d'un parfum qui empruntait à la vanille toute sa saveur, y attendait. Je me suis placé tout à côté d'elle. Son regard en ma direction fut poli. On respecte bien les personnes âgées en terre vietnamienne, et de toute façon, il faut bien entrer dans la nouvelle année correctement. Je la saluai de mon accent que sans doute elle ne sut décoder.
Jolie, comme le sont les Vietnamiennes. Elle portait une robe adaptée à la saison.
Je me suis interrogé: est-elle seule?
Je ne pouvais décrypter son attitude qui frôlait la tristesse tout en exhalant le bonheur d'être là, en ce matin torride. Elle venait de presser le bouton qui appela l'ascenseur.
Nous faisions le pied de grue.
Je faisais rouler la clef de ma chambre d'une main à l'autre.
Elle tenait un ruban à la main.
Cette main...
Cette si courte rencontre donne ce poème.
dans l’ascenseur… une femme
odeur de
femme en espace clos
des mains de
pluie agitant un ruban noir
il glisse, frôle
des jambes teintées de sable
caressées
par une mer verticale
les algues
dans ses cheveux noirs
se meuvent
ainsi que des vagues
une broche
moirée les retient
une huître
calcaire aux yeux fermés
elle parle aux
miroirs qui la multiplient
odeur de
femme en espace clos
un homme,
vieux, l’aspire pianissimo
il la
regarde ne pas le regarder
le silence les
porte au milieu du vide
prisonniers en
un cube fermé
leurs mains
ne se touchent pas
les
digitales pressent un bouton
qui
s’illumine par fractions
un millénaire
après l’autre
odeur de
femme en espace clos
emmêlée à la
sueur d’un homme
immobile, il
éternise ces instants
stérile frangipanier
blanc et gris
des taches
brunes dorment sur sa peau vieille
il les cache
aux yeux de la femme
l’espace
clos devient moite
la femme à
la robe aranéide
bouge au
tintement de la porte
moments fugaces
parfumés de vanille
le vieil
homme les aura imprimés
à même une
mémoire fragile
aux autres
parfums longtemps oubliés
alors que
grimpe, mécanique, l’ascenseur
il monte,
seul maintenant, ce prisonnier
à l’âme
confuse, au cœur éternel
celui pour
qui un parfum de femme
souffle,
encore, un vent de jeunesse