jeudi 22 juin 2017

5 (CINQ) (CENT QUARANTE-NEUF) 49




C'était à l'occasion des fêtes du Têt 2017, dans l'ascenseur d'un hôtel qui dévisageait la mer de ses grands yeux blancs.

C'était, si je m'en souviens, après le petit déjeuner. Dehors... chaud comme lors de la saison sèche. Inhabituel. Les gens se baignaient sous un soleil rond. La plage, longue et sablonneuse, regorgeait de vacanciers matinaux. Un cheval que l'on avait teint de manière à ce qu'il ressemble à un zèbre offrait des randonnées pour quelques sous. Un rocher accusait le choc des vagues avec la résignation de l'immobilité.

Je me suis dirigé vers l'ascenseur. Une femme, à fois jeune, belle et odorante d'un parfum qui empruntait à la vanille toute sa saveur, y attendait. Je me suis placé tout à côté d'elle. Son regard en ma direction fut poli. On respecte bien les personnes âgées en terre vietnamienne, et de toute façon, il faut bien entrer dans la nouvelle année correctement. Je la saluai de mon accent que sans doute elle ne sut décoder.

Jolie, comme le sont les Vietnamiennes. Elle portait une robe adaptée à la saison.

Je me suis interrogé: est-elle seule?

Je ne pouvais décrypter son attitude qui frôlait la tristesse tout en exhalant le bonheur d'être là, en ce matin torride. Elle venait de presser le bouton qui appela l'ascenseur.

Nous faisions le pied de grue.

Je faisais rouler la clef de ma chambre d'une main à l'autre.

Elle tenait un ruban à la main.

Cette main...



Cette si courte rencontre donne ce poème.


dans l’ascenseur… une femme

odeur de femme en espace clos
des mains de pluie agitant un ruban noir
il glisse, frôle des jambes teintées de sable
caressées par une mer verticale

les algues dans ses cheveux noirs
se meuvent ainsi que des vagues
une broche moirée les retient

une huître calcaire aux yeux fermés
elle parle aux miroirs qui la multiplient



odeur de femme en espace clos
un homme, vieux, l’aspire pianissimo

il la regarde ne pas le regarder
le silence les porte au milieu du vide
prisonniers en un cube fermé

leurs mains ne se touchent pas
les digitales pressent un bouton
qui s’illumine par fractions
un millénaire après l’autre



odeur de femme en espace clos
emmêlée à la sueur d’un homme
immobile, il éternise ces instants
stérile frangipanier blanc et gris

des taches brunes dorment sur sa peau vieille
il les cache aux yeux de la femme
l’espace clos devient moite
la femme à la robe aranéide
bouge au tintement de la porte



moments fugaces parfumés de vanille
le vieil homme les aura imprimés

à même une mémoire fragile
aux autres parfums longtemps oubliés
alors que grimpe, mécanique, l’ascenseur

il monte, seul maintenant, ce prisonnier
à l’âme confuse, au cœur éternel
celui pour qui un parfum de femme
souffle, encore, un vent de jeunesse









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