vendredi 5 mars 2010

Le trois cent trente-huitième saut / Le trois-cent-trente-huitième saut



Les deux prochains sauts seront consacrés à Robert Lalonde, homme de scène et homme de lettres né à Oka en 1947. Voici quelques citations tirées de :

LE VASTE MONDE (Scènes d’enfance)

. Qu’est-ce qu’un ami, sinon cet ange qu’un dieu inconnu ajoute à votre ombre, et alors vous lancez sur la terre une très grande silhouette fabuleuse, invincible?

. Parfois, le silence était tel qu’il me faisait douter de ma propre existence. Alors il m’arrivait de pleurer doucement, debout contre le mur de la grange, en harmonie avec le ciel gris et le croassement des corneilles. La musique allait venir, bientôt, arracher des airs au vide effrayant, ressusciter le désir du désir perdu, brasser cette grande eau libre qui se déverse sans cesse au cœur pour aller se perdre on ne sait où.

. Tout dérangement au déroulement mathématique du temps et des habitudes acquises le dérangeait, comme une erreur dans ses calculs.

. … les pas étouffés de nos misérables errances dans un réel plus incertain que nos rêves.

. … sans cesse, il me fallait voir le monde de très haut ou de très bas, persuadé que j’étais né pour connaître de très proche aussi bien la poussière d’argent de l’aurore boréale que l’eau noire et morte des rivières souterraines.


ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

. La vie est un mystère, crevé de petits trous par où se faufilent la peur, l’espérance, les malentendus…

. Quelle étrange place nous tenons dans l’univers, où nous sommes à la fois indispensables et de trop…


QUE VAIS-JE DEVENIR JUSQU'À CE QUE JE MEURE?

. «Il faut que ça change!» Mais rien ne change, rien ne changera jamais. Nous venons de nulle part et ne sommes attendus nulle part, en avant, plus tard. Rien ne sert à rien.

. Il faut faire semblant de prendre le parti de ce qu’on veut faire de nous. C’est le seul moyen de leur échapper…

. Il faut pas essayer de comprendre. Il faut s’en tenir aux faits. En essayant de comprendre, on altère les faits. La souffrance existe, un point c’est tout. Il n’y a pas vraiment de coupables, tout s’enchaîne, tout s’équilibre…

. Les créatures sans défense séduisent les cruels, méfie-toi!

. Tu dois aimer la vie et non pas le sens de la vie. Aimer ton existence sans raisonner.

. Et puis, qui qu’on en dise, quoi qu’on fasse, on se console pas. Il faut pas se consoler. On construit du solide avec le chagrin, quand on lui survit. Et quand les autres vous lâchent un peu…

. Ma désinvolture n’était qu’une manière de déguerpir devant moi-même en pensant m’échapper. Et puis tout est toujours à refaire avec le chagrin, je le sais bien. Il ne disparaît jamais. Il se recroqueville, se replie au fond de toi, il attend sagement son heure. J’ai voulu l’oublier, il se venge, il me rattrape.

. On ne naissait pas le jour où l’on venait au monde. On naissait le jour où l’on s’adoptait soi-même. À l’heure, à la minute, à la seconde où l’on se préférait, où l’on penchait subitement en faveur de soi, on naissait.


UN JARDIN ENTOURÉ DE MURAILLES

. (Marguerite Yourcenar : Tout grand amour est un jardin entouré de murailles.)

. … puisque l’amour n’était qu’un «châtiment destiné à nous punir de n’avoir pas su rester seuls».

. «On ne bâtit un bonheur que sur un fondement de désespoir. Je crois que je vais pouvoir me remettre à construire.»

. Chaque souffrance est une initiation, et l’éveil est court.

. … la volonté de séduire, c’est-à-dire de dominer.

. La banalité, c’est l’aveuglement. Tout est signifiant quand on regarde et qu’on voit.

. La réalité n’est pas la vérité.

. La vanité est un feu qui s’alimente délicieusement de nous pour ensuite nous réduire en cendres et nous éparpiller aux quatre vents.

LE VACARMEUR

. Chacun cherche sa joie, paye cher son espérance et son désir, et déguste en secret, voluptueusement, le fruit de son aveugle audace. Telle est notre existence de traqués-traqueurs, de chasseurs-chassés, de dévoreurs-dévorés.

. On ne saurait être heureux en oubliant qu’on est malheureux. En fait, on est «mal-heureux», c’est-à-dire heureux par intermittence. La joie et le malheur, ensemble, nous serrent le cœur, ensemble et en même temps. Notre désir fou de vivre à l’abri de tout est dérisoire. En fait, c’est lui, le «haut-mal», l’empêchement de tout, ce triste état de purgatoire où nous tournons en rond autour de nous-mêmes.

. Le vent est mon allié, il est cet ange avec lequel il fait bon se battre dans l’herbe, où nos deux ombres se chamaillent. Le vent me déprend de force de ce piège invisible qui se referme sur moi, à mon insu, ce nœud coulant que nous glissent autour du cou l’immobilité, l’entêtement, l’orgueil de tout tenter tout seul.


Au prochain saut

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