Il me fait plaisir de vous offrir ces deux poèmes figurant parmi ceux qui m'auront donné le plus de fil à retordre. Parfois, d'une image sachant en appeler d'autres, j'arrive à tailler un poème qui puisse répondre à ce qui grouille, gigote ou se trémousse à l'intérieur...
Souvent, comme pour ces deux rebelles, il faut forcer un peu la note, leur imposer ma façon de voir afin d'arriver au produit fini.
Le squelette du poème est ici important. Il m'a permis de les obliger à ne pas partir dans toutes les directions qu'eux-mêmes souhaitaient emprunter... Lorsque je parle du squelette, je fais référence à la charpente, comment les mots se collent les uns auprès des autres afin de se glisser au bout de la syllable dans une espèce de retenue et d'élan à la fois...
J'ose espérer que le résultat vous plaira.
a
bé
cé
daire
écrire avec l’alphabet des inquiets
les mots effrités de ceux qui doutent
qui lisent la peur entre les lignes
la griffent en eux avec la glue
des abécédaires surannés
se livrer
aux souvenances terreuses
dans des îlots perdus en mer inondée
frôler les tornades des continents
s’agripper aux passagers morts
gisant au lit des rivières poussiéreuses
comme des dictionnaires effacés
relire ce qui se livre
biffer la métaphore des feuilles d’automne
celles qui tapissaient les jardins ravagés
jusqu’au cœur
jusqu’à la lie du cœur
se souvenir des moroses lectures
du signet effiloché au coin des taches de café
où elles séchaient
nourrissant les pages carbonisées
des arabicas que les mots ont gouttés
se redire les lectures écrites
à l’encre-stylo
illisible abécédaire noyé dans l’âme
seule comme une syllabe
bitume
l’ombre nocturne sur le bitume
trace des trous d’espaces
nus devant les pas de Satan,
oublié sur les lieux,
son rire obligé
obscurcit le nom des mots
métamorphosés en syllabes monotones
les souffrances enfouies souffrent
mangeuses d’espoir
dévoreuses de temps
capricieuses comme des poissons séchés
au lit d’une rivière écumeuse
savoir le mal à faire
par des silences éclatants
jusqu’au fond de l’enfer
par des paroles sans sons
alcoolisées au fond des gorges
les grands trous de rires candides,
que regardait l’ange noir
observant ceux qui allaient crier
remettant ainsi aux horloges l’heure de la nuit
Satan aux réveils de la veille
encore chaude
dans sa bitumineuse robe de nuit
À bientôt