... la suite …
La nuit de noces fut vierge. De même que plusieurs autres par la suite. Élisabeth, y voyant là l’inexpérience de son mari, ne savait trop comment aborder un sujet duquel même les mots lui manquaient.
Le couple s’était installé chez le père de Joseph, ce qui ne faisait pas tout à fait l’affaire d’Élisabeth. Puisque son mari devait hériter de la ferme dans un avenir plus ou moins rapproché, demeurer dans la même maison que monsieur Lacasse s’avéra la meilleure décision. Celui-ci entrevoyait les quitter à l’automne suivant pour aller vivre à Gaspé.
La chambre dans laquelle ils emménagèrent, était celle où logea la cousine Suzanne à une certaine époque alors qu’elle vint donner un coup de main au père de Joseph, veuf suite à la naissance de ce dernier.
Élisabeth remarqua rapidement que son mari s’usait au travail. Tellement que la nuit arrivée, il se couchait tôt, s’endormait sur le champ et roulait sur lui-même comme si de mauvais rêves le torturaient. Elle, si petite, réussissait à peine à remplir l’espace laissé libre par cet homme qu’elle découvrait. Ni taciturne ni réservé, il était comme absent.
Un soir qu’elle avait cousu plus longtemps qu’à l’habitude, Élisabeth s’en souvient, c’était en août lors de la canicule, elle s’étendit à côté de son homme en sueurs. Afin de le soulager des chaleurs torrides qui sévissaient, s’étendant, Élisabeth enleva du corps de Joseph le drap fait de coton léger. Celui-ci sursauta, la regarda avec dans les yeux comme une espèce de crainte qu’elle ne lui connaissait pas.
- Tu as chaud.
Le mari se leva, descendit vers la cuisine, laissant pantoise une Élisabeth entièrement dépouillée de réactions. Elle se demandait si la situation dans laquelle ils se retrouvaient, dépendait d’elle. Fallait-il adopter un comportement dont elle était totalement ignorante ?
Élisabeth alla le rejoindre, lui déjà dehors, immobile près du puits dont la poulie laissait s’éteindre des couinements rouillés. Elle s’approcha de son mari.
- Y a-t-il quelque chose qui te déplait ?
- Non. Je ne sais tout simplement pas ce qu’il faut que je fasse pour devenir un bon mari.
- Mais tu es un bon mari. Tu es travaillant et doux. Tu ne me forces pas à faire des choses qui me choqueraient.
Un profond silence s’enracina entre eux. Élisabeth apprit qu’elle devrait conjuguer avec ces absences de paroles et en deviner leur signification.
- Avant de partir pour l’église, le matin du mariage, ma mère m’a dit que les hommes sont ceux qui possèdent l’instrument pour faire des enfants. Je n’ai jamais vu autre chose que mes petits frères ou encore les animaux quand vient le temps de servir les femelles.
- C’est la même chose pour moi.
- Il nous faudra donc apprendre par nous-mêmes.
Élisabeth s’approcha de cet homme distant physiquement et lointain moralement. Avec la douceur qui guide l'incertitude, elle lui prit la main, la caressa d'un mouvement pudique aussi beau qu'une lune éclairant la mer. Le bruit des vagues venait jusqu’à eux enveloppé dans une brise rafraichissant légèrement la nuit.
Au loin, le jappement d’un chien fit sursauter Joseph. Il se retourna vers sa femme et la prit dans ses bras. Elle se laissa aller. Il la berçait ainsi qu’une mère l’aurait fait pour un enfant malade.
- Je t’aime Joseph. Il faut que tu en sois certain.
Aucun mot ne sortit de sa bouche alors qu’il respirait ses cheveux. Les mains noueuses de Joseph, malhabiles à lui adresser un message, se promenaient sur les épaules et le dos d’Élisabeth comme si elles recherchaient en tâtonnant ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait dire.
- Allons nous coucher, dit-elle en se retournant vers le perron, s’y dirigeant avec assurance.
Les deux jeunes mariés montèrent à l’étage sans faire de bruit. Refermèrent derrière eux la porte de la chambre.
Dans la noirceur brûlante, l’un et l’autre étendus, retenant leur souffle, à bout de doigts se rejoignant pour se refermer dans une espèce de prière, Joseph et Élisabeth, maladroitement, firent leur premier acte d’amour qu’on appelait à cette époque, « faire des enfants ».
Élisabeth reçut son homme sans que cela ne la fasse souffrir, sans jamais savoir si son homme lui transmettait de l’amour, de la souffrance ou encore, le germe d’une famille à venir.
… à suivre …
La nuit de noces fut vierge. De même que plusieurs autres par la suite. Élisabeth, y voyant là l’inexpérience de son mari, ne savait trop comment aborder un sujet duquel même les mots lui manquaient.
Le couple s’était installé chez le père de Joseph, ce qui ne faisait pas tout à fait l’affaire d’Élisabeth. Puisque son mari devait hériter de la ferme dans un avenir plus ou moins rapproché, demeurer dans la même maison que monsieur Lacasse s’avéra la meilleure décision. Celui-ci entrevoyait les quitter à l’automne suivant pour aller vivre à Gaspé.
La chambre dans laquelle ils emménagèrent, était celle où logea la cousine Suzanne à une certaine époque alors qu’elle vint donner un coup de main au père de Joseph, veuf suite à la naissance de ce dernier.
Élisabeth remarqua rapidement que son mari s’usait au travail. Tellement que la nuit arrivée, il se couchait tôt, s’endormait sur le champ et roulait sur lui-même comme si de mauvais rêves le torturaient. Elle, si petite, réussissait à peine à remplir l’espace laissé libre par cet homme qu’elle découvrait. Ni taciturne ni réservé, il était comme absent.
Un soir qu’elle avait cousu plus longtemps qu’à l’habitude, Élisabeth s’en souvient, c’était en août lors de la canicule, elle s’étendit à côté de son homme en sueurs. Afin de le soulager des chaleurs torrides qui sévissaient, s’étendant, Élisabeth enleva du corps de Joseph le drap fait de coton léger. Celui-ci sursauta, la regarda avec dans les yeux comme une espèce de crainte qu’elle ne lui connaissait pas.
- Tu as chaud.
Le mari se leva, descendit vers la cuisine, laissant pantoise une Élisabeth entièrement dépouillée de réactions. Elle se demandait si la situation dans laquelle ils se retrouvaient, dépendait d’elle. Fallait-il adopter un comportement dont elle était totalement ignorante ?
Élisabeth alla le rejoindre, lui déjà dehors, immobile près du puits dont la poulie laissait s’éteindre des couinements rouillés. Elle s’approcha de son mari.
- Y a-t-il quelque chose qui te déplait ?
- Non. Je ne sais tout simplement pas ce qu’il faut que je fasse pour devenir un bon mari.
- Mais tu es un bon mari. Tu es travaillant et doux. Tu ne me forces pas à faire des choses qui me choqueraient.
Un profond silence s’enracina entre eux. Élisabeth apprit qu’elle devrait conjuguer avec ces absences de paroles et en deviner leur signification.
- Avant de partir pour l’église, le matin du mariage, ma mère m’a dit que les hommes sont ceux qui possèdent l’instrument pour faire des enfants. Je n’ai jamais vu autre chose que mes petits frères ou encore les animaux quand vient le temps de servir les femelles.
- C’est la même chose pour moi.
- Il nous faudra donc apprendre par nous-mêmes.
Élisabeth s’approcha de cet homme distant physiquement et lointain moralement. Avec la douceur qui guide l'incertitude, elle lui prit la main, la caressa d'un mouvement pudique aussi beau qu'une lune éclairant la mer. Le bruit des vagues venait jusqu’à eux enveloppé dans une brise rafraichissant légèrement la nuit.
Au loin, le jappement d’un chien fit sursauter Joseph. Il se retourna vers sa femme et la prit dans ses bras. Elle se laissa aller. Il la berçait ainsi qu’une mère l’aurait fait pour un enfant malade.
- Je t’aime Joseph. Il faut que tu en sois certain.
Aucun mot ne sortit de sa bouche alors qu’il respirait ses cheveux. Les mains noueuses de Joseph, malhabiles à lui adresser un message, se promenaient sur les épaules et le dos d’Élisabeth comme si elles recherchaient en tâtonnant ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait dire.
- Allons nous coucher, dit-elle en se retournant vers le perron, s’y dirigeant avec assurance.
Les deux jeunes mariés montèrent à l’étage sans faire de bruit. Refermèrent derrière eux la porte de la chambre.
Dans la noirceur brûlante, l’un et l’autre étendus, retenant leur souffle, à bout de doigts se rejoignant pour se refermer dans une espèce de prière, Joseph et Élisabeth, maladroitement, firent leur premier acte d’amour qu’on appelait à cette époque, « faire des enfants ».
Élisabeth reçut son homme sans que cela ne la fasse souffrir, sans jamais savoir si son homme lui transmettait de l’amour, de la souffrance ou encore, le germe d’une famille à venir.
… à suivre …