vendredi 3 juillet 2009

Saut: 289


Je farfouille dans le cahier numéro 2, celui qui achève de se voir dépouillé minutieusement de toutes ses citations. J’y découvre des pages qui m’indiquent une lecture mais sans citation retenue ou une, deux tout au plus.

Il y a par exemple :

L’Étranger de Camus…

Les Enfants du sabbat d’Anne Hébert…

Le petit aigle à la tête blanche de Robert Lalonde…

Va savoir de Réjean Ducharme…

Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah…

Choses crues de Lise Bissonnette…

Le monde de Sophie de Jostein Gaarder…

Un enfant de la balle de John Irvong…

Le second violon d’Yves Beauchemin…

La ferme des animaux de George Orwell…

Les aurores montréales de Monique Proulx…

Le parfum de Patrick Süskind…

Le ventre en tête de Marie Auger…

Ulysse de James Joyce…

Black boy de Richard Wright…

Rigodon de Céline…

Portnoy et son complexe de Philip Roth…

L’amour en guerre de Guy Corneau…

Truismes de Marie Darrieussecq…

Lila dit ça de Chimo…

Vercoquin et le plancton de Boris Vian…

L’homme flambé de Michael Ondaatje…

Quittes et Doubles – Scènes de réciprocité de Lise Bissonnette…


Je ne cherche pas à comprendre le pourquoi et le comment de cette situation qui risque fort bien de se reproduire dans les autres cahiers de lecture qui connaîtront à leur tour le même sort… celui du dépouillage.


Mais j’ai tout de même été saisi par un texte (il est du philosophe Gaarder) que je vous invite à lire.


«Il était une fois un mille-pattes qui savait merveilleusement danser avec ses mille pattes. Quand il dansait, tous les animaux de la forêt venaient le voir danser et tous admiraient ses talents de danseur. Tous sauf un qui n’appréciait pas du tout la danse du mille-pattes : c’était une tortue…


Comment faire en sorte que le mille-pattes ne danse plus, se demandait-elle. Il ne suffisait pas de déclarer qu’elle n’aimait pas sa façon de danser. Elle ne pouvait pas non plus prétendre qu’elle dansait mieux que lui, cela eut été le comble du ridicule. Aussi conçut-elle un plan diabolique.


Elle écrivit une lettre au mille-pattes : «Ô mille-pattes incomparable! commença-t-elle, je suis fervente admiratrice de votre art consommé de la danse. Aussi je me permets de vous demander comment vous procédez quand vous dansez. Commencez-vous d’abord par lever la patte gauche no. 228 puis la droite no. 59 ? Ou attaquez-vous la danse en levant d’abord la patte droite no. 26, puis la patte droite no. 499 ? J’ai hâte de connaître la réponse. Respectueusement, la tortue.»


En recevant la lettre, le mille-pattes s’interrogea sur-le-champ pour savoir ce qu’il faisait exactement quand il dansait. Quelle patte levait-il en premier? Puis quelle patte levait-il ensuite?


Et c’est ainsi que ça se termine : le mille-pattes n’arrive plus à danser.


Voilà ce qui se produit quand l’imagination est bridée par la réflexion de la raison.»


J’ai souvent cité ce qui suit, c'est de Gaarder également, alors que dans mon rôle d’enseignant, j’avais à expliquer l’importance de la langue française dans le contexte nord-américain.


«La langue française peut très bien vivre sans monsieur Dupond, mais monsieur Dupond ne peut pas vivre sans la langue française. Ce n’est pas l’individu qui crée la langue, mais bien la langue qui crée l’individu.»


Il écrivait aussi :


« Je fais mon possible pour te faire découvrir tes racines historiques. C’est à ce prix seulement que tu seras un être humain, c’est-à-dire autre chose qu’un singe nu et que tu cesseras de flotter dans le vide.»


Je vous en offre deux autres, les dernières :


. Mais apparemment, nous autres hommes gardons dans notre conscience tout ce que nous entendons, même si nous ne croyons pas nous en souvenir. Tout peut surgir à un moment ou à un autre.


. Notre vie est une étrange aventure, pensais-je. Et pourtant la plupart des gens trouvent que le monde est «normal». En réaction, ils recherchent éternellement ce qui est «anormal» comme les anges ou les Martiens. Mais cela vient uniquement du fait qu’ils ne voient pas le monde comme une énigme.


Ce saut n’aura pas entièrement épuré le cahier 2, mais presque…


Au prochain saut

Un être dépressif - 14 -

  Un être dépressif - 14 - C’est à partir du poème de Jean DUGUAY, mon ami psychologue-poète, que je lance ce billet.                      ...