dimanche 7 février 2010

Le trois cent trente-deuxième saut / Le trois-cent-trente-deuxième saut



Il faut admettre, si on exclut le saut 330, que les poèmes se font rares sur le blogue du crapaud. Je vous avais habitué à davantage. On se reprend aujourd’hui.

Le poème que vous lirez – vous êtes libres de vous abstenir, tous les gouts et tous les choix se retrouvent dans la grande nature – ce poème donc, se veut comme une suite ou plutôt une finale au conte d’hiver (UN PEU DE CHANGE S’IL VOUS PLAIT! MERCI.) Je sais, je sais… j’avais dit qu’il n’y aura pas de suite, qu’il était complet en lui-même… mais un poème ça ne se contrôle pas, ça vient souvent au moment où on s’y attend le moins, ça ramasse ce qui est derrière ou devant, je ne sais trop.

Je fais appel à votre mémoire tout en vous donnant une bonne piste : le saut 233 qui remonte au 27 septembre 2008. Le crapaud y publiait un poème qui, à sa façon, annonçait le conte d’hiver puis, à la limite, celui de ce matin. Les trois font partie d’un même élan. Le voici :



enfant de rue


enfant de rue, rapine et tapine,
mains noires d’asphalte et de fumée
yeux jaunes cerclés de vides,
voix rauque qui crache et ment
pieds calleux qui trottent et quêtent


enfant de rue, sang au bras
veine du cœur pendue sous la gorge
tu pourchasses, demain, des météos d’ailleurs
tu t’habilles, aujourd’hui, du même froid qu’hier
comme du silex taillé dans un temps confondu


enfant de rue, tu arpentes la nuit blanche
un sac de couchage jauni lové à ton cou
un autre à la main rempli de néants
tu traines vers le matin hésitant
et puis tu t’en vas lui s’en allant


enfant de rue, enfant de rien
négligemment, tu laisses exhaler de toi
charriées par le vent tes odeurs héroïnes
tu transportes de trottoirs en rues tes peurs cocaïnes
jusqu’au fond de tes abris insouciants


enfant de rue, aux prénoms multiples
quotidiennement modifiés
pour mieux habiller ton incognito
tu carbures au monoxyde de carbone
et tu squattes notre indifférence


enfant de rue, tu v i h et tu hépatites
slalom entre une épidémie l’autre
jusqu’à la porte de ces prédateurs
sicaires affamés et inassouvis
t’offrant un don contre un don de toi


enfant de rue, ta parole iconoclaste
toute de mots sens dessus dessous
ressemble à des silences contenus
au coeur d’immenses toiles d’araignée
où, instinctivement, grouillent des oestres


enfant de rue, tu marches ton urbaine liberté
dans cinq-cents mètres carrés
et derrière toi disparaissent tes pas
comme des entailles électriques
rayées par le phosphore de l’oubli


enfant de rue, ton âme en bandoulière
désarçonnée d’un cheval de bois cassé
elle girouette de gauche à droite, déjantée,
aspirant à de stériles petits bonheurs
que ta dignité perdue épuise, ton espoir mutile


enfant de rue, on retrouvera ton cadavre
parmi les restes civils des cloaques
on ne saura ni à qui il appartenait
ni à quels parents adresser un avis
pour que les lieux puissent être évacués


et un autre te remplacera
trainant dans ses mains
les mêmes jouets brisés
et
les mêmes scénarios inutiles

Au prochain saut

- Ce saut est écrit en nouvelle orthographe -

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