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Ce qu’apprirent les anciens colonels, l’un à la suite de l’autre, relève du secret militaire. Évidemment qu’ils connaissaient parfaitement bien le but de leur mission, capturer Pol Pot, le chef présumé de l’Angkar, vivant ou non, lui faire traverser la frontière cambodgienne pour l’amener au Vietnam. Toutefois, ce qui fut ordonné d’exécuter, en route vers l’objectif ultime, leur parvenait au compte-gouttes. Le type chargé des messages à porter et rapporter, Hermès, remettait à “Celui qui écrivait” les documents précisant les actions à réaliser. Ils savaient qu’en plus d’eux, un autre était informé et notait le déroulement des opérations.
Les commandes, claires et maintes fois répétées, insistaient sur le fait de ne jamais s’en prendre aux Cambodgiens qui en avaient suffisamment sur le dos sans en rajouter. De plus, l’armée vietnamienne qui allait débarrasser Phnom Penh de la présence des Khmers Rouges, ne pouvait pas se permettre de côtoyer une population hostile. On devait s’appuyer sur leur neutralité légendaire, les encourageant à la reconstruction d’un territoire formidablement dévasté. Ce que sous-tendait les ordres allait plutôt dans le sens d’un nettoyage des poches de résistance pro-américaines dans le Mékong.
La sinistre procession des pyjamas noirs n’allait donc jamais être perturbée. Parfois, alors que la Phalange eut franchi la frontière, un individu mentionnait que tel ou tel village était encore sous contrôle khmer rouge, souhaitant recevoir quelques récompenses en retour de sa délation. Ces informations partaient aussitôt vers les dirigeants militaires par l’entremise d’espions dont les qualités de camouflage feraient l’envie de plusieurs armées. Ces bô doi furent parmi les plus décorés à la fin des hostilités.
En route de Bạc Liêu vers Vị Thanh, la Phalange, sous la direction de Một, procéderait à sa première opération majeure permettant de vérifier si la tactique mise en place répondait aux attentes, si les trois sections coordonnées l’exécuteraient dans les temps exigés.
Les “microbes”, premiers à entrer en action, avaient pour fonction de manifester la présence d’organismes dont les gens ne pouvaient préjuger de leur nocivité ou non. Ils agiraient de nuit. Suivaient les “bactéries” qui tâteront le terrain, cartographieront les endroits, débusqueraient les intimés tout en annonçant explicitement l’arrivée de quelque chose d’autre, des corps étrangers possiblement inquiétants. Ils se déploieraient à l’aube. Alors, les “virus” frapperaient, en milieu d’avant-midi. Aucun antibiotique ne pourrait venir à bout d’eux.
Les résultats furent probants tant cette première manoeuvre fut efficace. Dans le village où agit la Phalange, une dizaine d’hommes en furent les victimes. Tous avaient collaboré avec l’armée sud-vietnamienne dont un spécialement, mena une campagne énergique afin de déloger les Việt Cộng de la région. Ce salaud, on l’avait identifié ainsi, servirait d’exemple à ses complices difficilement repérables parmi la population.
La deuxième section le dénicha. Sa famille et lui vivaient paisiblement depuis 1975 dans leur maison sans jamais avoir été importunés. Les voisins fermaient les yeux, bouchaient leurs oreilles, encore sous le joug du bonhomme.
Lorsque les moines de la première section se présentèrent, en début de nuit, dans ce village complètement endormi, personne ne s’en aperçut. La deuxième section, plus bruyante dans ce matin pourtant paisible, se déplaçait ici et là, mettant la puce à l’oreille. Le carnage qui s’en suivit, en public et sans gêne, dura moins d’une heure. On réalisa le côté expéditif de l’affaire.
L’homme sur qui s’acharnèrent ces bizarres de moines, fut traîné au centre de la place du village. À la question l’intimant d’identifier parmi l’auditoire qui l’entourait, ceux dont les noms lui étaient hurlés, refusa catégoriquement de les dénoncer : sa main droite fut tranchée. Ses hurlements effrayèrent même les chiens qui s’enfuirent dans la forêt avoisinante. Même question répétée. Il s’en tint au silence : la main gauche rejoignit la droite qui gisait au sol. Le sang qui se répandait autour de lui attira les mouches. Quelques instants. Mutisme. Il perdit les deux bras avant de s’évanouir. Une douche d’eau froide le ramena à sa fâcheuse situation. Entre les cris de douleur qu’il tempêtait, quelques mots crachaient sa haine.
Ses compagnons se démarquèrent de tous ceux qui assistaient au lugubre spectacle, tant la panique s’emparait d’eux. Ils ne pouvaient plus se tapir derrière celui qui les avait dirigés. Les “virus”, aux aguets, s’en emparèrent brutalement, leur exécution sommaire et sans procès n’allait pas tarder.
Toutefois, ce serait à la tête du groupe de traîtres que la vengeance expiatrice devait férocement s’abattre. Elle le fut. L’homme ensanglanté, sans bras, titubait à chacun de ses pas, en chemin vers le lieu où ses compagnons hurlant à la mort, demandaient pardon. Rien pour émouvoir leurs bourreaux qui les décapitèrent avec désinvolture. Les scalps, broyés sous les yeux hagards d’une assistance abasourdie, furent déposés dans des sacs en jute, puis brûlés.
Ramené au milieu de la place publique, le pantin difforme qu’était devenu cet homme disloqué physiquement, moralement inconscient, achèverait son interrogatoire. Répondait-il aux questions par ses râlements ? Ses pleurnichements n’avaient rien à voir avec ce qu’on lui demandait. Sa raison l’avait quitté en même temps que ses membres. Dans la foule, l’incessante horreur faisait frissonner les spectateurs impuissants.
Les “virus” savouraient le spectacle, dents serrées et poings fermés. Ceux des deux premières sections déambulaient, muets, arrogants et fiers d’être enfin dans l’action. Le dégoût suintait par tout leur corps. C’était comme savourer leur revanche sur les mauvais traitements endurés lors de la formation sur l’île de Côn Đảo. Ils traversaient la ligne délimitant le bourreau et la victime. Cette mission devenait plus qu’une question de vie ou de mort, cela relevait de leur survie.
Douch, lors d’un des rares rendez-vous avec Hai, à Hà Tien, mentionnait qu’il ne fallait pas voir l’être humain chez le prisonnier, mais un animal pouvant à tout instant se retourner contre vous. Tout doit être analysé à partir du concept d’ennemi. Seul l’ennemi d’un autre ennemi, devient votre ami.
Les “virus” pendirent le salaud avec sa ceinture, la tête en bas, jusqu’à ce que la dernière goutte de sang se soit écoulé de lui. Ils chargèrent son plus jeune fils, il ne devait pas avoir plus de dix ans, d’y mettre le feu, aux autres membres de sa famille, de le balancer aux chiens pour être dévoré. Puis ils quittèrent le village à l’exception de deux soldats devant s’assurer de l’exécution des ordres.
Le village venait d’être nettoyé.
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Một, recevant le compte-rendu de la première intervention musclée de ses trois sections, fut ravi. Tout s’était déroulé dans les temps prescrits, on avait nettoyé ce qui devait l’être, les soldats avaient parfaitement saisi leur rôle et l’exécutèrent convenablement. Toutefois, deux importantes questions le turlupinaient.
La première, d’ordre tactique, faisait mention du fait que maintenant et jusqu’à la fin de l’expédition, les gens sauraient que trois camions transportant des moines cachaient de barbares mercenaires. Les nouvelles voyagent vite au Vietnam malgré le peu de moyens de communication. Fallait-il abandonner ces habits pour d’autres ? Cela restait à voir.
La deuxième s’imposa comme une évidence. Ces soldats, ces hommes seraient très rapidement en manque de femmes. Il lui faudra y remédier dans les plus brefs délais. Pas question de faire venir qui que ce soit dans le giron de l’unité ou donner des permissions de sortie. Le manque de relations sexuelles combiné au fait que l’alcool leur était interdit, concourraient à créer une profonde obsession chez ces isolés du monde conventionnel depuis plus d’un mois maintenant. Cela aussi restait à voir.
Một établit succinctement son rapport. “Celui qui écrivait” l’avait corrigé sans manifester quoi que ce soit signifiant une approbation ou l’inverse. Cet homme n’avait pas à juger ou critiquer quoi que ce soit, il avait à l’écrire et le remettre à Hermès pour livraison immédiate à Saïgon.
Confiné au campement, alors que les trois sections s’ébranlèrent et par souci de courtoisie, Một se dirigea vers lui.
- Où étais-tu avant de nous rejoindre ?
- Camp de rééducation.
- Saïgon ?
- À quelques kilomètres au Sud.
- Ce fut difficile ?
- Pour tous.
- Combien de temps ?
- De 1975 jusqu’à la fin de 1978.
- Auparavant ?
- Soldat dans l’armée sud-vietnamienne, dès 1950.
- Sur le terrain ?
- Au service de la cartographie. Nous étions deux à faire le travail.
- 25 années à tracer des cartes ?
- Les différents commandants me chargeaient de rédiger des rapports pour l’état-major.
- Je comprends pourquoi on t’a envoyé avec nous.
- Lorsque, dans le camp de rééducation, certains compagnons d’armes m’ont reconnu, ils ont avisé les responsables des activités que je faisais dans l’armée du Sud. J’ai eu droit à plusieurs interrogatoires. Comme je collaborais, la torture a été moins robuste que ce dont je m’attendais. Ce qui les intéressait m’est vite devenu évident. Des noms. On voulait des noms. Ceux qui collaborèrent avec les sud-vietnamiens dans les différents villages du Mékong.
- Tu les as donnés ?
- J’ai tracé des centaines de croquis de lieux complètement absents sur les cartes topographiques officielles. Le Mékong est embrouillé et ses habitants, dispersés. Je pense que mon travail a été très utile.
- Tu connais bien la région.
- Les régions. Le Mékong, c’est un ensemble qui n’a rien à voir avec la répartition en provinces que l’on connaît actuellement. Il ne faut pas oublier que ce fut longtemps un territoire khmer et que les Cambodgiens y sont encore très attachés.
“Celui qui écrivait” se lança dans un cours de géographie et d’histoire qui laissa son interlocuteur pantois devant tant de connaissances. Il n’avait jamais réalisé que ce fleuve, prenant sa source au Tibet, façonne des frontières entre les différents pays qu’il traverse : Chine, Birmanie, Laos, Thaïlande, Cambodge et Vietnam.
- J’admire ton intelligence, ce que les militaires craignent.
- Je n’ai pas à porter de jugement sur les militaires.
- Sur ce qu’ils font ?
- Cela leur appartient.
- Tu as été marié.
- Một từ dành cho vợ chồng : Un mot fait mari et femme.
Một le laissa à ses paperasses, rejoignant ses collègues revenus de leurs occupations. Il ne faut pas s’imaginer qu’attendant leur heure de commandement, les deux autres colonels se tournaient les pouces. Hai devait voir à la discipline intérieure et aux relations extérieures ; Ba, au ravitaillement, ce qui l’amenait à régulièrement quitter le campement.
Chacun, scrupuleusement, s’attendait à ce que tout roule à la perfection. Il ne faut pas se surprendre que lors de la tentative de fuite des soldats, au départ de la colonie de mercenaires, le jugement fut sévère, implacable. Par la suite et pour le reste de la mission, aucun écart de conduite n’a été signalé.
Le lendemain, on allait se mettre en route vers une deuxième opération qui n’eut rien à envier à la première.
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Combien de temps faut-il à un homme pour s’habituer à faire couler le sang ? Combien de temps, s’ils s’en prenaient à eux, les remords pouvaient-ils les habiter ? La conscience du bien et du mal n’agit plus, une fois étouffée. La résipiscence ne vous trouble pas ; s’est vissé en vous la certitude que tout n’est que légitime défense. C’est vous ou c’est l’autre. La mort qui vous effraie, c’est la vôtre, celle de l’autre n’importe pas. La souffrance que l’autre endure en raison de vos coups, vous ne la ressentez pas. Aucun jugement n’affecte les actions à exécuter. Cet homme, cette femme ou cet enfant que vous martyrisez avec insouciance, ces êtres à deux instants de mourir, ne sont que de la chair, de la viande. Jamais ils ne vous reverront, vous non plus. Ils sont projetés dans le néant, vous n’aurez été que le tremplin nécessaire à leur envol. Vous ne les comptez plus. Tous semblables, de la pourriture en devenir.
À la suite de la première opération, Một ne distribua aucune récompense, quelques mots à peine.
- Vous avez rempli le travail dans les temps prévus. Vous avez nettoyé ce qui devait l’être. Préparez-vous pour la suivante. Dans deux jours.
Parmi les objectifs visés par la formation de l’île Côn Đảo : briser le caractère des soldats, leur induire l’idée d’une soumission entière et complète aux commandants, principalement aux ordres qu’ils auraient à recevoir d’eux, fouler des pieds toute forme de sensiblerie et faire leur cette maxime qui, on l’apprendra plus tard, guidait Douch : mieux vaut tuer un innocent que libérer un traître.
Personne ne connaissait ce personnage cambodgien que rencontra un des colonels en cours de route, mais il devint évident qu’après son entrée dans le portrait, tout le message du formateur de la CIA s’éclaircissait. Les missions en furent teintées. Il fallait des exécutants soumis, des supérieurs despotes ; la combinaison de ces deux éléments assuraient la réussite.
Một établit un crescendo dans ses tactiques. Bien sûr, il y avait l’exécution des anciens collaborateurs, les salauds, comme il se plaisait à les nommer, mais aussi l’extinction complète des scrupules chez ses hommes, renforçant leur zèle à semer la peur autour d’eux : voilà ce qui teinta son commandement.
La peur est une arme puissante qu’utilisent les tyrans, sachant la canaliser au bon endroit et au bon moment. Certaines de ses manifestations sont visibles, toutefois les pires, là où loge la peur pure, sont invisibles, intimement nichées, enroulées sur elles-mêmes, exigeant sa non-transparence, celle qui requiert des efforts inouïs.
Réussira-t-on, un jour, à bien comprendre les mécanismes qui poussèrent les Cambodgiens sous le régime de Pol Pot, à obtempérer aux ordres des Khmers Rouges qui, ravageant Phnom Penh, leur laissaient croire qu’ils n’avaient que quelques heures pour vider la ville, prendre la route vers les campagnes, sinon les bombardements américains les anéantiraient ?
La docilité, devenue collective, s’explique-t-elle ? Ce nouveau pouvoir, qui mettait fin à la guerre civile, a sans doute bénéficié de la clémence nécessaire afin de réaliser ses desseins. Il n’y a que le temps, qu’à la suite des événements qu’il est possible de porter un jugement. Pour le moment, la réponse était de suivre les consignes même si elles menaient vers d’inimaginables supplices ?
Ils se turent, ne songeant qu’à leur survie personnelle et celle de leur famille. Marchèrent et marchèrent encore, sous des soleils brûlants, déshydratés et affamés. Ne virent dans tout cela que le bien-être de la patrie enfin libérée du joug étranger ; la propagande ne cessait de le répéter. Cachant leur véritable identité, ils mentaient quotidiennement en échange d’un bol de soupe diluée dans du riz périmé. Broyant tous leurs espoirs, ils piétinaient les cailloux des routes. Rapidement, ils n’eurent plus le droit de penser au passé, qu’à un avenir incertain alors que le présent se vivait chez l’enfer.
On ne réussira pas à bien comprendre, tout comme on n’arrivera pas à éliminer de l’esprit de certaines gens avides de pouvoir, mues par des idées aussi saugrenues qu’extravagantes, que le bonheur de l’homme passe par l’élimination de leurs opposants. Qu’il faut tuer pour défier la civilisation !
Trop d’exemples dans l’histoire humaine, aussi tristes les uns que les autres, affichant les mêmes convictions, reviennent à notre esprit. Pol Pot n’aura pas été le seul à respirer cet oxygène. D’autres, à sa suite, sont venus et viendront avec des principes fondés sur une philosophie semblable. Ils hanteront les peuples après les avoir galvanisés de slogans, essentiellement identiques, que la nation, la patrie doivent être libres, indépendantes, autonomes, qu’il en va de leur survie, du culte aux prédécesseurs, nos pères et mères, nos ancêtres à qui nous devons un respect inconditionnel, une éternelle loyauté. La réalité sera tout autre.
Ils sont venus, sont toujours là, reviendront prêts à rebondir. Inextinguible appel du sang comme revendication autant pour la paix que pour la guerre. Le discours change, le fond demeure. Les spectateurs, les auditeurs leur donnant sa crédibilité, demeureront pour une majorité d’entre eux, des spectateurs, des auditeurs ou des victimes.
Les Khmers Rouges avaient compris qu’il fallait recruter leurs partisans chez les paysans, les illettrés ; s’en prendre aux intellectuels accusés de collaboration avec les étrangers ; abolir les écoles ; armer des adolescents et des adolescentes qui prirent la route, la rage et la haine au coeur, avec pour mission de détruire tout ce qui faisait partie de “la nouvelle société”, celle existant avant leur venue. Ils avaient bien compris que la recette infaillible s’y trouvait, s’ils espéraient faire renaître le vrai Cambodge. L’authentique société calquée sur la tradition khmère s’appellerait désormais Kampuchéa.
Ils inventèrent une maladie... la mémoire ; une nouvelle morale... la vérité, celle de l’Angkar. Toute forme de religion devait disparaître avec leurs pagodes, leurs temples, leurs églises.
L’élimination systématique des ennemis du peuple khmer reposant entre des mains juvéniles qui remplirent d’innocents des fosses publiques, des charniers, sous les yeux approbateurs de ceux qui se trouvaient chanceux de ne point en être, ce qui amena près de deux millions de personnes sur une population de sept millions à périr.
La délation devint une qualité civique.
L’acceptation aveugle des commandements khmers rouges, une loi inviolable inscrite dans des slogans tels :
a) L’Angkar est tout ;
b) L’Angkar ne fait jamais d’erreur ;
c) L’Angkar est le maître du territoire ;
d) Soyez prêts à sacrifier vos vies par le travail afin de réaliser les objectifs de l’Angkar ;
e) Pour battre l’ennemi de l’extérieur il faut d’abord battre celui de l’intérieur ;
f) Il est absolument nécessaire de purger pour toujours le Kampuchéa des agents de la CIA qui s’y trouvent ;
g) Détruisez les réseaux de communication ;
h) Aimez l’Angkar sans limites ;
i) Vous garder en vie ne nous rapporte rien, vous supprimer ne nous coûte rien.
Ces mots d’un vocabulaire expurgé jusqu’à sa moelle, disparaissent :
Liberté. Mariage. Biens personnels. Musique et danse. Éducation. Religion. Droits humains. Tradition, science et technologie. Bonheur et rire. Romance et affection. Berceuse. Communication. Photographie. Téléphone et lettre. Radio et télévision.Miroir et rasoir. Shampoing, savon et produits de beauté. Cigarette et briquet. Couleur. Café. Thé.Vaccin. Plainte. Aide et faveur. Déjeuner. Journal. Pardon et regret. Bonbon et jouet. Animal domestique. Horloge. Montre. Cartes. Lunette. Électricité et lampe à huile. Papier et crayon. Poste. Argent, porte-monnaie et sacoche. Loi, juge et avocat. Hôpital et médecin. Transport public et voyage. Vacances. Espoir et Vie.
Que reste-t-il à dire ? Rien, puisque tout est pensé à l’avance.
Que reste-t-il à penser ? Rien, puisque l’Angkar s’en charge.
Les Cambodgiens, sous Pol Pot, devinrent, bien malgré eux, des machines au service d’une idéologie démoniaque. Pas un seul individu ne se lèvera pour crier haut et fort que le peuple vit sous l’hégémonie d’une doctrine inhumaine. Avant même qu’il eut pu le faire, on lui aurait arraché la langue et brisé les os.
La Phalange, tout comme l’armée vietnamienne entrée au Cambodge par trois points cardinaux, devait mettre fin à tout cela.
Les amertumes et les soucis
Sont-ils donc ces moments bien finis,
Où riant au soleil,
Chantonnant sous la pluie,
Je m’enivrais de la joie de la vie ?
Nguyen Chi Tiên
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