jeudi 26 mars 2009

Saut: 271

Le crapaud achève aujourd’hui le survol autour de Jan Trefulka.

Son HOMMAGE AUX FOUS raconte l’histoire de Cyril Dusa alors qu’il sort de l’hôpital où il a fait un assez long séjour. Comme le médecin l’a autorisé à vivre à sa guise, naturellement il se croit condamné. Que signifie, d’ailleurs, vivre à sa guise, pour un paysan thèque marié avec une femme acariâtre, et dont le seul plaisir consiste à cultiver son bout de vigne et à surveiller ses fûts?

Quelque chose a changé, cependant : Cyril Dusa ne se reconnaît pas. Son nom lui apparaît lié à un destin qui n’est pas vraiment le sien. Rentré chez lui, il s’enferme dans le grenier. Raconte sa vie dans un cahier, pour lui tout seul. Envoie promener son fils qui lui fait des remontrances. Va se saouler au village. C’est là qu’il rencontre Éva, une jeune fille qui se donne mais qu’aucun homme ne garde. À soixante ans, Cyril découvre l’amour.

Le reste de l’histoire montrera comment, peu à peu, les choses rentrent dans l’ordre.

La simplicité du ton et la vivacité des portraits ne sont pas le seul charme de ce roman. On y trouve aussi une foule de détails sur la vie dans un petit village des Sudètes (région naguère rattachée par Hitler à l’Allemagne), depuis l’avant-guerre jusqu’à nos jours.




Jan Trefulka


Voici quelques phrases tirées de ce roman.

. Car tout homme est évidemment libre, absolument libre comme Dieu tant qu’il ne commence pas à tenir compte des personnes qui l’entourent. C’est en elles que réside son esclavage et plus elles sont proches, plus elles l’enchaînent. Ainsi peut-on ressentir une haine cruelle envers ceux qui vous sont le plus chers, une haine douloureuse envers ceux avec qui on marche main dans la main, une haine désespérée à l’égard de celui dont on a besoin pour vivre.

. Dans ce grumeau réduit à quelques simples cellules sont stockées dès ses premières secondes toutes les connaissances nécessaires à la vie. À croire que l’apparition du cerveau sert à l’homme seulement à ignorer comment vivre, à pouvoir venir au monde sans expérience et presque sans instincts, à devoir, encore et encore, apprendre tout ce que nos ancêtres ont déjà appris à chaque génération, à être contraint de répéter toutes les erreurs, de passer par toutes les souffrances, de se préparer des pièges pour y tomber soi-même, d’entrer dans le malheur en connaissance de cause et de vaciller, désemparé, chaque fois que l’ombre d’une grande main étrangère obscurcit notre vie.

. Notre aptitude à penser nous vaut la perte de notre mémoire collective; notre capacité de réflexion, la rupture du fil des générations si bien que nous ne cessons pas de redécouvrir ce qui est déjà découvert, de résoudre à nouveau, dans les affres qui accompagnent toute décision, ce qui a déjà été résolu.

. Lorsqu’on boit, le temps passe trois fois plus vite car les mots coulent trois fois plus lentement, reviennent, se répètent, roulent, passent d’une bouche à l’autre.

. … il avait l’impression qu’un animal inconnu se mouvait au milieu de la clairière. Un animal maladroit, qui paraissait devoir à tout moment retomber à quatre pattes, tant sa station debout semblait précaire. Un être mi-oiseau, mi-quadrupède, inadapté à la vie au milieu des herbes et des arbres, une bête fauve prise d’un désir de voler et qui était restée à mi-chemin, dressée pour prendre son essor, mais incapable de s’arracher au sol. Ainsi survit en chacun de nous une insatisfaction permanente, l’aspiration à devenir différent, plus grand, plus léger, plus rapace, à se transformer, à se dégager, à être plus qu’homme. S’élever comme l’oiseau, plonger dans les profondeurs comme le poisson, s’enfoncer dans le sol comme le ver. Si rien de tout cela ne nous est accordé, nous essayons au moins tantôt d’emprunter une autre rue, tantôt de changer de vêtements ou de rêver à ce que nous serions si nous n’étions pas ce que nous sommes.

. Comme toujours, la chose commençait par une toile d’araignée ténue, imperceptible, dont les fils à peine visibles se transformeraient avec le temps en des cordes solides et celles-ci à leur tour en barreaux que même la meilleure volonté ne pourrait abattre.

. On n’a aucun devoir envers ce qu’on reçoit, mais seulement envers ce dont on est soi-même l’auteur.

. Mais qu’est-ce que le bonheur, si ce n’est le coup le plus raffiné d’un destin tragique?

. N’es-tu qu’une écuelle trop plate dont le grain s’envole au moindre souffle du vent?


«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»


B E N O Î T (E) (adjectif)
. bon et doux;
. qui prend un air doucereux.


C A L L I P Y G E (adjectif)
. aux belles fesses;
. la Vénus callipyge : nom d’une statue du musée de Naples;
. adjectif et nom féminin : qui a des fesses exagérément développées.

Au prochain saut

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