dimanche 30 avril 2006

Le cent vingt-deuxième saut de crapaud

... la suite …

Il fallait moins de temps pour dire le prénom d’Élisabeth qu’elle en prenait pour exécuter ce qu’on lui demandait. C’est trop souvent ainsi que s’acquièrent les habitudes de faire faire par un autre ce que l’on pourrait aisément faire soi-même. Dans la famille Gendron, on se mit naturellement à fonctionner de cette façon. Pour la grande sœur malgré le fait qu’elle fut si petite, la fille aînée, le destin semblait tout tracé.

Elle se levait très tôt le matin et toute la journée ne cessait de courir ça et là afin d’exécuter ce que l’on attendait d’elle. Jamais une parole à dire contre sa situation de servante. Tout était parfait ou en voie de l’être. Rien pour en faire une histoire. La banalité à l’état pur.

L’intelligence d’Élisabeth résidait principalement dans un sens incroyable de l’organisation. De manière subtile, sans l’annoncer, elle réussissait à modifier des façons d’agir qui, en très peu de temps, devinrent les nouvelles manières d’aborder les choses. À chaque fois, cela permettait plus de rapidité ou une qualité devenant la loi. On n’aurait jamais imaginé laisser à la cuisine un plat mijoté alors qu’on s’afférait à la traite des vaches. On n’aurait jamais cru qu’une rangée de légumes puisse s’allonger d’est en ouest alors que depuis toujours on les plantait nord-sud. Ce genre de petites victoires sur les règles en vigueur la rendaient heureuse. Surtout qu’on puisse en jaser sur le perron de l’église, à la messe du dimanche, ajoutant que c’était là une autre de ses brillantes idées.

Cela plut énormément au père Lacasse, cet homme en vue à l’Anse-au-Griffon, un visionnaire à sa façon. Dans ses rêves les plus secrets, il voyait son fils Joseph s’amourachant de la petite Élisabeth et espérait que cela puisse tourner au mieux, c’est-à-dire par un mariage. Mais Joseph. on le sait, était un être secret, renfermé et surtout distant.

Monsieur Lacasse en glissa un mot au père Gendron. Ils verraient tous les deux à ce que quelque chose se passe. Et cela se passa.

Élisabeth reçut la visite du père de Joseph par un soir de juillet. Il prenait les devants. Par la suite, du bout du rang, cet espèce de grand galet dont le charme résidait sans doute dans son attitude de jeune homme déglingué, mal habile à parler de lui et de ce qu’il aimait, prenant son courage à deux mains et l’habitude de venir la courtiser trois soirs par semaine. Ça devint sérieux lorsque les visites tombèrent le samedi.

Élisabeth ne connaissait rien aux amourachements comme le disait sa mère mais elle laissait, souvent aidait le grand Joseph à faire sa cour. Péniblement au début, jusqu’à la grande demande faite à la fin de l’automne avec promesse de mariage pour l’hiver.

Se marier en hiver n’était pas coutume mais au rythme lent avec lequel les choses se déroulaient, c’est Élisabeth qui proposa de publier les bans. Son père y vit plus d’inconvénients que d’avantages, mais il fallait bien que la vie continue. De plus, le fils Lacasse lui apparaissait un bon parti, son père lui assurant certainement un avenir acceptable.

C’est Élisabeth qui confectionna les atours que chacun porterait pour la noce et mit une attention particulière à sa robe. En effet, et cela surprit un peu tout le monde, il y avait un peu de bleu dans les reflets chatoyants du tissu qu’elle avait choisi. Léger mais des yeux aguerris pouvaient très bien le déceler. À cette époque, les jeunes filles se mariaient en blanc, symbole de leur virginité. Lorsqu’on dérogeait un tant soit peu à la couleur traditionnelle, il fallait s’interroger.

La fille Gendron aurait-elle eu des rencontres intimes avec son galant avant le grand jour? Ou bien, puisque la cérémonie allait se dérouler en hiver, fallait-il marquer l’événement d’une petite teinte, en fait une touche colorée? On connaissait ses goûts pour la couture.

Le matin du grand jour, un soleil magnifique luisait dans une totale absence de nuages. Le Bon Dieu était de leur bord, se dirent les sceptiques.

Monsieur Lacasse insista pour que les cloches de l’église résonnent toute la journée. Élisabeth les entendit alors qu’elle achevait de s’habiller à l’étage, seule avec sa mère qui, c’était d’accoutumance à cette époque, lui donna les premiers et derniers conseils d’une mère à sa fille.

- Élisabeth, les hommes ont des façons de faire auxquelles tu devras t’habituer. Le Bon Dieu leur a donné l’instrument qui fait naître les enfants. Tu n’as qu’à laisser faire sans te poser de questions et tout ira bien. Comme toutes les autres, tu es faite pour recevoir ton mari et ensuite porter les petits que le Ciel voudra bien te donner. La première fois, c’est un peu douloureux mais après ça ira tout seul. Ne le refuse pas car ça serait offenser la Sainte Famille. Si quelque chose ne fonctionne pas, tu pourras toujours en parler à Monsieur le Curé. Il va savoir comment te guider.

Élisabeth sortit de la maison au bras de son père. Une brise si légère lui chatouilla le visage qu’un instant elle fut heureuse.

… à suivre …

jeudi 27 avril 2006

Le cent vingt et unième saut de crapaud

... la suite …

Il y a de ces prénoms qui ne survivent que par leurs surnoms. Plusieurs ne sont que des raccourcis (Jean devient Ti-Jean, Arthur, Ti-Thur), d’autres, plus complexes, relèvent du détail (Aldège transformé en Gros-Nez, Clémence en Vieille-Fille, Constant, en L’Ivrogne).

Pour Élisabeth, on se serait attendu à un diminutif, alors qu’au contraire il lui resta accolé jusqu’au jour où grand-mère Lacasse l’identifia.

Elle n’aimait pas ce prénom, nous l’avons déjà signalé, du fait qu’il était plus grand qu’elle. Quatre syllabes pour une jeune fille d’à peine quatre pieds !

Sa naissance, son enfance et son adolescence, Élisabeth Gendron les vécut dans la maison familiale. Rapidement, pour des raisons utilitaires, on bouscula sa croissance afin de la voir devenir utile à ses parents. Sa mère surtout. L’aide indispensable qu’elle aurait à apporter aux tâches ménagères et de la ferme, fera de cette jeune fille un être qu’on ne vit pas changer. À dix ans tout comme à vingt ans, Élisabeth Gendron sera la même : petite, industrieuse et servante.

Élever ses frères et ses sœurs ; courir de l’étage à l’étable : nourrir les hommes et les animaux ; entretenir les souvenirs de la famille – elle était dotée d’une mémoire fascinante - ; et se faire discrète : voilà le résumé de sa vie jusqu’au jour où on lui annonça que son prénom pouvait changer. Le curé de l’époque jugea que la famille Gendron se devait absolument de faire un don à l’Église en laissant partir leur aînée vers le couvent de Rimouski. La plus âgée, à cette époque, représentait la dote que l’on devait offrir à l’Église en devenant religieuse.

Élisabeth fut épargnée principalement à cause de la santé fragile de sa mère et beaucoup du fait que la pauvreté sévissant dans la famille Gendron exigeait sa présence. Elle passa donc son tour et conserverait à jamais le prénom d’Élisabeth.

Fréquenter l’école ne lui fut pas permis. Cela ne servirait à rien pour une future servante. Ce qu’elle aurait besoin d’apprendre, c’est au contact de sa mère que ça allait se faire. Tenir maison n’était pas au programme scolaire.

D’Élisabeth, on disait combien elle était « de service », docile et surtout en très bonne santé. La maladie ne la rejoignait jamais, sans doute lui passait-elle par-dessus la tête. Elle emmagasinait le comment faire plus que le pourquoi le faire. Et tout devait s’effectuer rapidement, parfaitement. Pas le temps de s’attarder aux détails, autre chose urgeait.

Ce qu’elle entendait, elle le retint dans le but avoué de le rappeler si le besoin s’en faisait sentir. Ses parents se fiaient sur elle pour garder vivants les dates importantes, les événements du village, les changements annuels de la température. Elle devint une espèce d’almanach infaillible. Son cerveau accumulait des faits et Élisabeth les restituait sans ni les commenter ni les juger.

- C’est quand la visite du curé ?
- Dans la semaine de la Fête-Dieu, répondait aussitôt la fille aînée, ajoutant qu’il allait exiger le paiement de la dîme.

- Les semences approchent ?
- Au début de la lune de juin, allongeait une Élisabeth pour qui accumuler des renseignements n’était pas une tâche bien difficile.

- La famille Synnott a eu du nouveau ?
- Un garçon, ajoutait-elle en achevant de détremper les crêpes.

Que dire de ses qualités de cuisinière, sinon qu’en très peu de temps elle dépassa sa mère en rapidité et surtout en qualité. On en parla beaucoup dans le village et à un certain moment, la femme d’Aldège vint chercher auprès d’elle des conseils judicieux permettant d’améliorer, comme si cela fut possible, un talent hors-pair en cuisine.

Elle cousait aussi. Afin d’habiller la marmaille mais surtout pour se retrouver un peu seule. Installée sur la grande galerie qui ceinturait la maison, ou à l’étage lorsque le temps l’obligeait à entrer, Élisabeth vous confectionnait une robe, un pantalon et avec les retailles qu’elle déposait dans un panier en osier, de petites surprises afin de les offrir à Noël ou pour l’anniversaire de celui-ci ou celle-là.

Toutes les heures de sa journée, partagées en temps égal, Élisabeth Gendron savait où se trouver, ce qu’elle avait à faire et tout cela avec un sens aigu de l’organisation et de la perfection. Personne n’avait réussi à lui trouver un défaut. Une sainte.

Une sainte qui abhorrait son prénom…

… à suivre …

mardi 25 avril 2006

Le cent vingtième saut de crapaud

... la suite …

- Élisabeth, tu devrais …

- Élisabeth, n’oublie pas de …

- Élisabeth …

Chaque fois qu’elle entendait prononcer son prénom, beaucoup par sa mère, à l’occasion par son père, la petite Élisabeth se convainquait davantage que celui-ci ne lui convenait pas. Une vague impression de non appartenance. De sorte qu’elle s’en tenait aux consignes suivant l’écho de ces quatre syllabes.

- Élisabeth, tu devrais accélérer un peu, les hommes vont revenir des champs et ils auront faim. Alors, ne perds pas ton temps.

Des chambres qu’elle achevait de remettre en ordre, elle descendait à la cuisine pour s’affairer à préparer le dîner. Debout depuis très tôt le matin, après être allée à l’étable donner le coup de main nécessaire à la traite des vaches, avoir nourri les poules qui couraient partout autour de la maison, Élisabeth, la fille aînée de la famille Gendron, celle qui ne prenait jamais le temps de se recoiffer ou encore de jeter un coup d’œil dans la glace afin de vérifier l’état de sa beauté, revenait auprès de sa mère afin de vaquer à l’essentiel. L’essentiel étant continuellement de s’assurer que les hommes aient à manger avant de repartir travailler.

Toute jeune encore, Élisabeth sut que le travail du matin au soir serait son lot. Qu’elle n’aurait d’autre destinée que celle de « donner un coup de main » dans une famille pauvre qui peinait à joindre les deux bouts et dont les assises reposaient sur les garçons, ceux qui verront à la survie des Gendron.

Elle apprit à lire, sans jamais avoir su écrire, en revoyant d’un dimanche à l’autre les mêmes mots en latin inscrits dans un prie-avec-l’église dont les années froissèrent les pages. Ses seules sorties également. À cette époque, celle où la Gaspésie vivait sans électricité, celle des toilettes attenantes aux arrières des maisons, celle où les heures humaines suivaient les levers et les couchers du soleil, à cette époque où l’on vivait imperméabilisé aux changements. Les nouvelles parvenant dans la région avaient déjà un bon bout de chemin de fait et pouvaient être classées parmi les souvenirs.

Élisabeth sut rapidement que son monde était celui des hommes. Sans eux, point de salut ! Ils avaient droit de parole et celle-ci devenait la voie, la vérité et la vie. Ils avaient droit à l’exploitation et celle-ci s’étendait aux espaces, aux habitations puis aux personnes. Les hommes faisaient les chemins, les empruntaient vers des directions qu’eux seuls dessinaient. Ils étaient seuls à pouvoir revendiquer le droit à la propriété qu’ils étendirent du matériel aux animaux puis aux humains. On était le fils de celui-ci, la fille de celui-là. Tout se conjuguait au masculin.

Élisabeth sut rapidement qu’elle servirait, qu’elle serait au service de son père et sous la gouverne de sa mère. Elle l’intégra aussi vite que la routine dans laquelle son utilité se confondrait. En bas âge, à titre d’aînée, elle devint l’assistante de l’assistante de monsieur Gendron, l’agriculteur gaspésien typique. Et plus elle avançait en âge, plus ses journées s’allongeaient, plus sa besogne l’accaparait.

Parfois, dans les yeux de sa mère, elle décelait une fatigue que les nombreuses couches y déposaient. Sa destinée ressemblerait à cela, il n’était pas possible d’envisager autre chose. Autant se résigner tout de suite et calquer ses comportements à ceux-là.

Sa place à table était debout à remplir les assiettes que les hommes de la maison vidaient avant d’aller s’étendre quelques minutes, recroquevillés dans un coin de la maison, un oreiller sous leur tête. Ça allait au temps des saisons chaudes. En hiver, on ne dormait pas à même le sol, il fallait vite repartir vers la forêt, cette donneuse de bois et de gibier.

La femme tenait maison que l’homme avait construite. Dans la répartition des tâches qui s’ensuivait, une hiérarchie s’installa, maintenue par une organisation sociale serrée. C’était ainsi, un point c’est tout.

Voilà comment Élisabeth fut modelée. L’inévitable isolement qui à l’époque allait de soi avec le fait de vivre dans les terres reculées, marqua cette génération au fer rouge. Revenir sur l’importance des gens d’église risquerait de nous plonger dans des clichés souvent rabâchés. Insister sur l’absence d’informations parvenant au compte-goutte apparaît superflu. On vivait au bout de la terre, d’une terre trempée dans la mer et le fait de survivre relevait encore de l’exploit. Pour un enfant vivant deux mouraient. Pour une saison bonne, trois mauvaises.

Élisabeth Gendron, comme toutes les filles et les femmes du début de ce siècle numéro vingt, avançait dans la vie munie d’un plan tracé à l’avance, tatoué sur son corps et son âme comme un testament à exécuter. Telle sa mère et ses sœurs, Élisabeth qui n’aimait pas son prénom, ne connaissait d’elle que les rôles imposés par son sexe.

… à suivre …

vendredi 21 avril 2006

Le cent dix-neuvième saut de crapaud

Élisabeth demanda à Herménégilde de brûler la berceuse. Ce qu’il fit sans poser de questions.

Élisabeth demanda à Jeanne de laver à l’eau de javel tous les draps de la chambre froide. Ce qu’elle fit avec empressement.

Ce fut les deux seules choses que grand-mère Lacasse exigea de son fils et de sa bru. Puis elle se rendit au presbytère afin de discuter des funérailles avec le curé Boudreau. Celui-ci était bien mal pris avec cette mort tragique. À l’évêché de Gaspé, encore plus. Comme dans toute situation qui demande une réponse diplomatique, le principal décideur déposa le dossier sur le bureau de son secrétaire, l’abbé Joachin Archambeau avec pour seule recommandation celle que l’affaire ne fasse pas trop de vagues.

L’option retenue, qui ne plut à personne, alla dans le sens suivant. On soulignerait la mort de Joseph Lacasse un dimanche, à la basse messe, la tombe demeurerait sur le parvis de l’église et il n’y aurait aucune cérémonie particulière au cimetière. Les parents proches se tiendraient à l’arrière de l’église et quitteraient après la communion. La dépouille de Joseph Lacasse serait ensevelie du côté anglican, près du charnier. Elle y est encore malgré les représentations faites auprès de l’évêque par les petits-enfants Lacasse. À sa mort, survenue quelques après celle de son mari lors du fameux incendie qui dévasta une bonne partie de l'Anse-au-Griffon, Élisabeth sera inhumée dans le lot familial.

Pour une des rares fois dans sa vie, ce n’était pas parfait pour grand-mère Lacasse. Mais elle avait toujours été une bonne catholique pratiquante, de sorte qu’Élisabeth ne revint plus jamais sur cette question. C’était d’ailleurs un des traits de sa personnalité : elle faisait tout pour avoir raison, mais lorsqu’elle perdait, la résignation faisait son œuvre.

Aux questions de ses petits-enfants sur le décès du grand-père, Élisabeth feignait ne pas comprendre, simulant une surdité que son grand âge excusait. À force de ne pas recevoir de réponses, ceux-ci oublièrent l’événement qui pendant un certain temps leur fut ramené à la mémoire par les autres enfants du village. Encore une fois, l’institutrice Gaudreau calma les esprits, utilisant cette opportunité pour parler de la mort et son incompréhension, mais surtout de la vie et toute sa fragilité.

Au bout de quelques mois, Joseph Lacasse avait disparu de la mémoire collective, bien qu’on le ressuscita afin d’expliquer la présence d’un certain fantôme dans le clocher de l’église. L’histoire ne tint pas la route bien longtemps.

Herménégilde et Jeanne craignirent pendant un certain temps que grand-mère Lacasse puisse tomber dans une déprime que le deuil lui aurait occasionnée. Ils optèrent pour un silence calculé, évitant toute allusion à la discrète présence du grand-père et à sa fulgurante sortie. Une certaine omerta s’installa autour des couteaux, des chiens et du téléphone.

Dans le village, secoué par cet après-midi spécial, n’eut été d’Émile qui se fit un point d’honneur de faire dévier les conversations sur d’autres sujets moins macabres, on parla de la « chose » une saison ou deux puis on l’oublia. Ainsi va la vie dans les petites localités où très peu de coups d’éclat surgissent, où tout le monde se connait et a une opinion sur tout.

Joseph Lacasse ne passa pas à la légende. Il resta un éternel inconnu ayant peur des chiens…

Les semaines, les mois et les années qui suivirent, pour Élisabeth Gendron, grand-mère Lacasse, ressemblèrent à l’ensemble de sa vie : s’occuper, toujours s’occuper, pour ne pas penser à autre chose. Travailler, toujours travailler, pour rassurer son besoin d’être utile. Rendre tout propre, à sa place, parce que chaque chose a une place et doit y demeurer. La recherche de la perfection en tout. Il lui était impossible d’imaginer que l’on puisse lui faire quelque reproche que ce soit sur ce qu’elle avait à faire. Toute sa vie s’était calquée sur cette croyance que l’équilibre était parente avec l’immobilité.

Dans la maison de Jeanne et d’Herménégilde, grand-mère Lacasse s’employa fébrilement à ne rien laisser paraître des émotions que la mort de son mari avait déposées en elle. La dépouille enterrée, plus rien ayant appartenu au seul homme de sa vie ne subsistait. Ce fut comme si jamais il avait existé, vécu dans cette demeure qui avait été la sienne, la leur. Même les odeurs disparurent graduellement. Elle nettoya la fenêtre avec du papier journal. Jeta l’almanach.

- Si vous avez besoin de quelque chose, vous le dites.

Jeanne aimait beaucoup Élisabeth. Ces paroles furent les seules qu’elle réussit à trouver afin de lui signifier sa compassion.

Élisabeth Gendron entreprenait le dernier droit de sa vie.

… à suivre …

mercredi 19 avril 2006

Le cent dix-huitième saut de crapaud

Dans le même veine… voici des poèmes qui, il me semble, sauront faire tourner la page sur ce Joseph Lacasse. Nous entreprendrons bientôt l’histoire d’Élisabeth Gendron, l’épouse de ce dernier. Elle permettra de mieux cerner une certaine époque où les femmes devaient être ce que l’on attendait d’elles et non pas ce qu’elles étaient vraiment. Longtemps, elles furent les filles de… les femmes de… les grands-mères de… Elles étaient des « appartenances » jusqu’au temps où, se levant, une après l’autre, les femmes devinrent qui elles sont maintenant. On a longtemps dit qu’au Québec nous vivions entre matriarcat et patriarcat, qu’il fallait absolument se situer sous une ou l’autre de ces bannières. C’est poser la situation comme un choix ou, pire encore, comme une prise de position face au pouvoir. Ne serait-il pas possible, plutôt, de regarder des vies de femmes et des vies d’hommes pour ce qu’elles sont véritablement, c’est-à-dire une occasion donnée à chacun et à chacune d’investir le temps et l’espace ?


Le premier poème est de Pierre Reverdy (1889-1960) chez qui nous avons déjà puisé le magnifique CHEMIN TOURNANT. Celui-ci s’intitule :

UN HOMME FINI

Le soir, il promène, à travers la pluie et le danger nocturne, son ombre informe et tout ce qui l’a fait amer.
À la première rencontre, il tremble – où se réfugier contre le désespoir?
Une foule rôde dans le vent qui torture les branches, et le Maître du ciel le suit d’un œil terrible.
Une enseigne grince – la peur. Une porte bouge et le volet d’en haut claque contre le mur; il court et les ailes qui emportaient l’ange noir l’abandonnent.
Et puis, dans les couloirs sans fin, dans les champs désolés de la nuit, dans les limites sombres où se heurte l’esprit, les voix imprévues traversent les cloisons, les idées mal bâties chancellent, les cloches de la mort équivoque résonnent.


Nous nous retournons maintenant vers Paul Éluard.

Au terme d’un long voyage, peut-être n’irai-je plus vers cette porte que nous connaissons tous deux si bien, je n’entrerai plus dans cette chambre où le désespoir et le désir d’en finir avec le désespoir m’ont tant de fois attiré. À force d’être un homme incapable de surmonter son ignorance de lui-même et du destin, je prendrai peut-être parti pour des êtres différents de celui que j’avais inventé. À quoi leur servirai-je?


Le poème FACTION de Hector Saint-Denys Garneau (1912-1943) est parmi les plus beaux de la poésie québécoise. Je vous l’offre.

On a décidé de faire la nuit
Pour une petite étoile problématique
A-t-on le droit de faire la nuit
Nuit sur le monde et sur notre cœur
Pour une étincelle
Luira-t-elle
Dans le ciel immense désert

On a décidé de faire la nuit
pour sa part
De lâcher la nuit sur la terre
Quand on sait ce que c’est
Quelle bête c’est
Quand on a connu quel désert
Elle fait à nos yeux sur son passage

On a décidé de lâcher la nuit sur la terre
Quand on sait ce que c’est
Et de prendre sa faction solitaire
Pour une étoile
encore qui n’est pas sûre
Qui sera peut-être une étoile filante
Ou bien le faux éclair d’une illusion
Dans la caverne que creusent en nous
Nos avides prunelles.


Je vous invite à écouter le merveilleux disque du groupe Villeray, consacré aux poèmes de Saint-Denys Garneau. À ne pas passer à côté. Cet ensemble musical a su découvrir chez ce grand poète une musicalité tout à fait particulière.

mardi 18 avril 2006

Le cent dix-septième saut de crapaud

Il est dans nos bonnes habitudes, suite à une histoire racontée par le crapaud, bien des fois inspirée par le grand-père, de nous offrir quelques poèmes en lien avec celle-ci. En voici donc trois qui tenteront de rejoindre celle de Joseph Lacasse.

Le premier de Hugues de Saint-Maardt vicomte de Blosseville, sans titre, fut écrit autour des années 1470.


C’est grand peine que de vivre,
Et si ne veut-on mourir.

Qui n’est de tous maux délivre,
C’est grand peine que de vivre.

Raison à la Mort nous livre,
Rien ne nous peut secourir :
C’est grand peine que de vivre,
Et si ne veut-on mourir.

*

J’en ai le deuil, et vous la joie,
J’en ai la guerre, et vous la paix,
J’en cours, et vous allez en paix,
J’en ai courroux qui vous resjoie.
Vous en riez, et j’en larmoie,
Vous en parlez, et je m’en tais;
J’en ai le deuil, et vous la joie,
J’en ai la guerre, et vous la paix.

Vous vous baignez, et je me noie,
Vous vous faites, je me défais,
Vous me blâmez, dont ne puis mais,
Vous ne voulez que j’y pourvoie;
J’en ai le deuil, et vous la joie,
J’en ai la guerre, et vous la paix,
J’en cours, et vous allez en paix,
J’en ai courroux, qui vous resjoie.



Celui-ci, de Jean de la Ceppède (1548-1623) est également sans titre.


Que peut une galère ayant perdu la rame,
Le poisson hors de l’eau, la terre sans humeur,
Un roi sans son conseil, un peuple sans seigneur,
La salamandre froide ayant perdu la flamme?

Que pourra faire un corps destitué de l’âme,
Et le faon orphelin par le coup d’un chasseur?
Beaucoup moins peut encor le triste serviteur
Égaré de son cœur, et des yeux de sa dame.

Hélas! que puis-je donc? je ne puis que souffrir
Et la force me nuit m’empêchant de mourir.
Je n’imagine rien qu’un désespoir d’absence.

Je puis chercher le fond de ma fière douleur,
L’essence de tout mal, je puis tout pour malheur
Mais c’est à me guérir qu’on voit mon impuissance.


Et ce dernier, de Oscar Venceslas de Lubiez-Milosz (1877-1939) :



TOUS LES MORTS SONT IVRES…


Tous les morts sont ivres de pluie vieille et sale
Au cimetière étrange de Lofoten.
L’horloge du dégel tictaque lointaine
Au cœur des cercueils pauvres de Lofoten.

Et grâce aux trous creusés par le noir printemps
Les corbeaux sont gras de froide chair humaine;
Et grâce au maigre vent à la voix d’enfant
Le sommeil est doux aux morts de Lofoten.

Je ne verrai très probablement jamais
Ni la mer ni les tombes de Lofoten
Et pourtant c’est en moi comme si j’aimais
Ce lointain coin de terre et toute sa peine.

Vous disparus, vous suicidés, vous lointaines
Au cimetière étranger de Lofoten
- Le nom sonne à mon oreille étrange et doux,
Vraiment, dites-moi, dormez-vous, dormez-vous?

- Tu pourrais me conter des choses plus drôles
Beau claret dont ma coupe d’argent est pleine,
Des histoires plus charmantes ou moins folles;
Laisse-moi tranquille avec ton Lofoten.

Il fait bon. Dans le foyer doucement traîne
La voix du plus mélancolique des mois.
- Ah! les morts, y compris ceux de Lofoten –
Les morts, les morts sont au fond moins morts que moi…

(Si j’ai bonne souvenance, Juliette a mis ce poème en musique.)


La mort, particulièrement celle de Joseph Lacasse, dans des circonstances tragiques, ne peut que nous interpeler, nous amener à une profonde réflexion sur la vie. Sans cela elle n’aurait pas de sens, serait absurde. Il y a dans ce moment entre chaud et froid où l’on se revêt de frissons, cette dernière hésitation du pas vers ailleurs, là où encore on ne sait trop comment c’est, toute la question du pardon. À soi et à l’autre. Y parvient-on lors de cette infinitésimale dernière seconde de lucidité ? Ou n’y parvenons-nous jamais?

lundi 17 avril 2006

Le cent seizième saut de crapaud



Du soleil imprimé sur le corps, le crapaud est de retour de Cuba suite à une semaine « outrageusement » belle. Le soleil y était, dans toute sa chaleur, sa beauté et sa clarté.

Et la mer cubaine, cette jeune fille aux couleurs changeantes, aux allures de princesse caraïbe ; cette mer à la fois bleue, turquoise et verte nous recevait le matin en s’ébrouant des mille moutons plus blancs que les nuages qui se collaient à elle ; cette mer qui ne nous a pas dit si elle connaissait celle de l’Anse-au-Griffon ou de Cap-des-Rosiers mais, narquoise, nous glissait à l’oreille d’espagnoles sérénades. Elle savait, entre chaud et tiède, se mêler au sable blanc s’étendant plus loin que les traces dorées des rayons du soleil au bout de la plage. On s’y avançait, pieds nus, empreintes aussitôt remplies et à jamais perdues, en route vers rien. Une plongée de la berge vers le soleil déjà chaud, en lutte contre cette humidité dont l’odeur est si personnelle.

Une île au loin, dans son écrin brumeux ; un rocher plus noir que les couleurs de la nuit ; des coquillages vomis qui se bousculent à nos pieds ; un marcheur ; une promeneuse ; trois enfants qui pleurent le château de sable délavé ; et ce bruit à la fois léger et lointain mourant dans nos matins engourdis.

Puis, tout doucement, comme sortant d’un cocon diaphane, le jour se levait. Il allait, lui et les autres, être beau. Paresseux. Se cherchant des longueurs infinies. S’enrobant de chaleur, celle qui donne des frissons.

Une semaine en-dehors du temps... Ne penser qu’à ne pas penser... Se laisser aller au rythme des heures insulaires... Ne regarder que là où le regard courbe, au loin, si loin que la distance n’a plus d’espace pour s’imprégner d'instants que l’on souhaiterait éternels.

Goûter au sel marin que les vagues aspergent sur le corps. Laisser le sable dessiner sur nos pieds et nos mains, de naïves toiles éphémères. Arrêter les rythmes fous en les inondant de rhum sucré et froid. Sourire à ces visages inconnus hier, amis aujourd’hui. Ne dire rien d’autre que des hommages intimes au bien-être d’être là, où sans doute, un jour, une main magistrale dans un élan d’une pureté inachevée aura déposé la beauté d’une splendeur sans pareille.

On ne compte pas les heures et les jours de la même manière lorsque c’est les vacances. Ils deviennent des instants de bonheur, de plénitude... une recharge d’énergie !

Cuba est une île qui sait encore le demeurer, qui sait encore se protéger des invasions délétères d’attaques sauvages contre sa beauté. Elle respire bon et permet à son peuple fier et bon-enfant de vivre comme si ailleurs n’existait pas, ne pouvait l’atteindre dans son intrinsèque volonté à demeurer pure. Elle se protège. Elle conserve cette conscience de la mer, du soleil et de la plage. Du vent qui arrache aux palmiers les plus délicates volutes.


Le crapaud revient de Cuba l’âme et le cœur renouvelés, vous conviant à reprendre là où nous avions laissé le flot de ses petites histoires et de sa poésie. Il a su mieux comprendre ce Francis-poète, lorsque celui-ci disait à notre grand-père que l’extérieur est la porte d’entrée vers l’intérieur. Ne pouvant pas s’éloigner de la mer, il lui a ouvert encore davantage son esprit, lui laissant toute la place nécessaire afin que l'imagination continue sa route.
La mer c’est le lointain s’approchant, charriant avec elle, les retenant sur ses vagues complices, mille et une paroles d’un langage qui ne demande qu’à s’éclabousser. Le ressac que l’on retient entre nos doigts ouverts.

Bon retour au crapaud et surtout, bon retour à ses pages de plus en plus indispensables.


lundi 3 avril 2006

VARADERO




Le crapaud s'en va-t-en vacances pour quelques jours!


Du mardi 4 avril jusqu'à la journée d'anniversaire d'Odile (mon bijou d'avril) soit le 11, le crapaud part pour Varadero, sur l'île de Cuba.


Des vacances qui lui permettront de prendre un congé du "blogue" jusqu'au lundi 17 avril.

Je lui souhaite du beau temps et du soleil ainsi qu'à Mathilde.

Qui sait, trouvera-t-il là-bas, de quoi "étang"-dre son imagination.



À bientôt.

dimanche 2 avril 2006

Le cent quinzième saut de crapaud

… la suite …


… en temps décousu…

L’Anse-au-Griffon, sous l’impulsion donnée par le père de Joseph Lacasse devint graduellement ce qu’il est maintenant. Un petit village sur la côte gaspésienne où l’on s’installa progressivement, progressa. Agréable à vivre. La mer et la montagne, à la porte de cette étendue boisée qui deviendra plus tard le parc Forillon, belles et porteuses d’espérances.

Joseph, libéré de la présence tyrannique de cette cousine, la boiteuse Suzanne – dont on apprendra quelques années plus tard qu’elle quitta la Gaspésie pour la grande ville de Montréal où elle fut employée par une riche famille afin de s’occuper de l’éducation des enfants – se maria à Élisabeth Gendron. La femme parfaite pour lui. Peu sensible aux élans de l’âme, pratique en tout, soucieuse de l’organisation de la maison afin que toujours on puisse s’y trouver bien, d’une propreté maladive et, de manière presque compulsive donnait au temps une logique froide et indiscutée.

Ils eurent huit enfants : quatre garçons et quatre filles. Herménégilde, l’aîné de la famille, le seul à demeurer à l’Anse-au-Griffon, s’intéressera aux travaux de la ferme. Les autres quittèrent rapidement, n’y revenant qu’à Noël, à Pâques et parfois, un jour ou deux, au cours de l’été. Ce fut d’ailleurs le drame de la vie de celle qui deviendra grand-mère Lacasse, ne plus revoir ses enfants. Elle jettera son dévolu sur la douzaine d’ Herménégilde et Jeanne.

Dire qu’à la suite de la boiteuse, Joseph fut un être intéressant, quelqu’un dont on recherchait la compagnie, serait mentir. Certains avancèrent qu’il vivait dans sa tête. Lui parler c’était le déranger. Comme si on allait le chercher dans une dimension qui n’était pas celle de tout le monde.

Sa peur des chiens, légendaire. Au fond de lui-même, était-ce celle des chiens ou la hantise qu’une bête aux yeux jaunes et aux crocs noircis ayant un jour pris le chemin de la forêt, ne revienne ? En coyote peut-être ? De sa fenêtre à laquelle il s’assoyait si souvent, dans l’inconfortable insécurité que ses yeux gris acier laissaient transparaître, Joseph Lacasse fixait la forêt. Dans des silences entretenus qu’avec les années on interpréta comme de la sagesse. Ses paroles d’énigmatiques qu’elles étaient, devinrent mystérieuses, sibyllines.

On le savait tout le contraire de la méchanceté. Docile, grand-mère Lacasse le menait par le bout du nez, parlant pour lui, décidant pour lui, agençant la vie familiale comme s’il s’agissait de la vie tout court.

Il aura vécu une existence disloquée. La maison paternelle devint la sienne puis deviendrait celle d’Herménégilde. On transforma périodiquement l’étage selon les nécessaires commodités que l’arrivée d’un enfant supplémentaire nécessitait.

Jamais, plus jamais, Joseph Lacasse n’était retourné au grenier. La porte fut close. Personne ne remarqua les soubresauts qu’il eut lorsqu’on parla de le réaménager pour l’arrivée des douze enfants. Il n’allait pas donner un coup de main. La chambre dans laquelle, à la noirceur la plus complète, il avait passé ses nuits d’homme marié deviendrait celle de son fils. Il emménagerait dans la chambre froide, l’ancien petit salon, en bas.

Les amours avec Élisabeth Gendron furent des amours industrielles. Jamais il ne ressentit pour cette femme qui l’accompagnera toute sa vie durant, autre chose qu’une forme différente mais semblable à de l’attendrissement. Tranché de ses émotions, ne pouvant leur faire confiance, il accompagnait cette femme sans la connaître entièrement. Il ne l’avait jamais regardée, nue. Ne l’avait touchée intimement. Il ne lui avait jamais dit l’aimer. Elle était là près de lui, comme une odeur sortant du bois, comme la couleur des nuages, comme la suite de la suite des choses. Il ne lui parla jamais. Elle le savait secret. Il était obéissant et surtout, il n’était pas méchant. Le reste rejoignait le superflu.

Joseph Lacasse, une fois la famille de son fils installée, sut où était le couteau. Il refaisait le chemin de la berceuse à l’atelier, au couteau, mille fois par jour dans sa tête fêlée. Mesurait la longueur de chaîne retenant les chiens, au millième de pouce. Savait quand les restes de table leur étaient lancés. Et s’installait dans l’attente. Essayait de modifier la peur de la mort en la calquant sur ses références passées. Regardait, souvent, grand-mère Lacasse.

Joseph avait choisi le mois de mars. Certain que dans son imagination, l’île nouvelle, celle que depuis tant d’années il reconstruisait après l’avoir ensevelie puis remontée et encore défaite, saurait supporter son pas lourd. Le gris acier serait la couleur du drapeau qui y flotterait.

Il palpait sa jugulaire comme celui qui a mal et qu’aucun médicament ne peut soulager.

Il partit. On ne s’en rendit pas compte. Aucun ange ne sonna de cloches. Prit le couteau alors que les chiens grugeaient les os. En route, il ne jeta aucun œil derrière lui. La neige grisonnait. La lame du couteau à l’intérieur de son manteau. Froide et invitante.

Le village traversé, l’église devant lui, il regarda la mer. Se coupa la jugulaire. Mourut.

Au loin, encore plus loin que l’espace d’une vie, comme un cri gigantesque de coyote qu’une chaîne piégée aurait étouffé, sur une île invisible que le soleil timide mordillait, entre jaune et noir, puis gris, acier, quelqu’un, les yeux crevés de s’être trop agrafé au même paysage, à petits pas, dans la plus apeurante nudité… pleurait.

Une femme vêtue de tweed jaune assista aux funérailles.

…Fin…


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