jeudi 28 janvier 2021

LA PESTE

 

Albert CAMUS (1913-1960)

 

Alors que nous vivons une période de l’histoire moderne qui sans doute marque et marquera longtemps les années 2019 et suivantes, il m’est apparu intéressant de retourner vers Albert Camus, principalement son roman LA PESTE.

Dire de cette oeuvre qu'elle est d’actualité relève du pléonasme ; chaque page, chacune des interventions des différents personnages tout comme le portrait quasi journalistique que le Nobel de littérature 1957 trace de la situation sévissant dans cette ville aux prises avec cette maladie qui accumule morts par-dessus morts, nous démontre comment l'humain, devant un fléau, se retrouve face à lui-même et son devenir. 

Ce roman se situe dans le " cycle de la révolte " qui, pour l’auteur, est la manière utilisée par l'homme pour vivre l’absurde. 

Je vous invite à y retourner et pour susciter intérêt et curiosité, voici quelques citations que j’en conserve.

 

-.-.-

 


. Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l’étaient nos concitoyens, et c’est ainsi qu'il faut comprendre ses hésitations. C’est ainsi qu'il faut comprendre aussi qu’il fut partagé entre l’inquiétude et la confiance. Quand une guerre éclate, les gens disent : “ Ça ne durera pas, c’est trop bête. “ Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.


. La seule chose qu’il ne veuille pas, c’est être séparé des autres. Il préfère être assiégé avec tous que prisonnier tout seul. 


. On se fatigue de la pitié quand la pitié est inutile.


. ... l’évidence a une force terrible qui finit toujours par tout emporter.


. ... l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. 


. La seule chose qu’il ne veuille pas, c’est être séparé des autres. Il préfère être assiégé avec tous que prisonnier tout seul.


. Oui, ils avaient tous l’air de la méfiance. Puisqu’on les avaient séparés des autres, ce n’était pas sans raison, et ils montraient le visage de ceux qui cherchent leurs raisons, et qui craignent. Chacun de ceux que Tarrou regardait avait l’oeil inoccupé, tous avaient l’air de souffrir d’une séparation très générale d’avec ce qui faisait leur vie. Et comme ils ne pouvaient pas toujours penser à la mort, ils ne pensaient à rien. Ils étaient en vacances. “ Mais le pire, écrivait Tarrou, est qu’il soit des oubliés et qu’ils le sachent. Ceux qui les connaissaient les ont oubliés parce qu’ils pensent à autre chose et c’est bien compréhensible. Quant à ceux qui les aiment, ils les ont oubliés aussi parce qu’ils doivent s’épuiser en démarches et en projets pour les faire sortir. À force de penser à cette sortie, ils ne pensent plus à ceux qu’il s’agit de faire sortir. Cela aussi est normal. Et à la fin de tout, on s’aperçoit que personne n’est capable réellement de penser à personne, fût-ce dans le pire des malheurs. Car penser réellement à quelqu’un, c’est y penser minute après minute, sans être distrait par rien, ni les soins du ménage, ni la mouche qui vole, ni les repas, ni une démangeaison. Mais il y a toujours des mouches et des démangeaisons. C’est pourquoi la vie est difficile à vivre. Et ceux-ci le savent bien.

Bonne relecture !

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