lundi 19 décembre 2005

Le soixantième saut de crapaud

… la suite…


Comment le tout s’acheva? En fait, rien ne prit véritablement fin…

La dépouille du chanoine Boudreau fut effectivement transportée dans la crypte de l’évêché de Gaspé. Elle y repose toujours. Le nouveau jeune curé Archambeau mit un terme à son enquête en annonçant aux paroissiens de l’Anse-au-Griffon qu’ils se devaient, tous, d’accepter la pénible réalité que représente un mystère qui parfois laisse traîner des fantômes derrière lui. On leur avait fait subir cette horrible situation afin de les souder davantage, leur permettre d’accepter les impénétrables dessins divins.

Les marguilliers se mirent, difficilement avouons-le, à réparer les dégâts qui défigurèrent le cimetière et au printemps suivant, plus rien ne paraissait s’être déroulé à la fin de ce novembre d'un automne qui, finalement, tourna à l’hiver. Sauf qu’Arthur, le seul à connaître toute l’histoire, après avoir laissé tomber quelques paroles qui semèrent le doute en ouvrant la porte aux fantômes, il remit sa démission comme bedeau pour se concentrer sur ses activités amputées, on doit bien le dire, de la distillation.

Mais qu’arriva-t-il à Angèle? À Nathaniel?

Le soir de la mort du chanoine, après avoir ajouté à son repas une quantité de verre broyée qui l’étouffa, Angèle avisa le médecin. Une fois sur les lieux, celui-ci ne put que constater son décès. Vu l’âge avancé de l’homme d’église, il diagnostiqua une crise cardiaque. Une ambulance le conduisit directement vers les services funèbres de Gaspé. L’embaumeur remarqua bien que le vieillard avait perdu du sang et que cela se localisait autour de ses parties intimes, mais il n’aurait jamais osé en parler, encore moins ébruiter une telle anomalie.

Nathaniel se chargea de vider le coffre-fort puis quitta immédiatement le village. Il n’ajouta rien d’autre sur son déplacement qui eut permis à Arthur d’en savoir davantage. Mais il revint quelques jours après. Les funérailles allaient se tenir le lendemain. C’est là qu’il se chargea de répandre le sang sur les pierres tombales renversées.

Angèle, dans toute cette période sombre, fut digne, autant que puisse l’être une ménagère de curé. C’est elle qui s’offrit pour recevoir les invités, dont l’évêque Granger. Elle installa dans la salle à manger du presbytère un buffet qui, selon les dires de ceux qui purent s’y présenter, fut digne d’un repas de noces. Mais en Gaspésie, on sait bien faire les choses.

Nathaniel fut aperçu par quelques paroissiens lors des événements. Sans doute un journaliste de Rimouski! Sauf que madame Aldège lui trouva une bien drôle de ressemblance.

Ainsi s’achève l’histoire de fantôme de l’Anse-au-Griffon. Notre grand-père, qui a vécu ces moments peu glorieux, en parle aujourd’hui avec une espèce de scepticisme. Il est vrai que les cloches se turent. Tellement que le nouveau jeune curé dut se résoudre à engager un sonneur de cloches car, et pour bien des années, cette paroisse n’eut pas de bedeau. On croyait qu’Arthur, très lié au chanoine Boudreau, dans un deuil inconsolable, avait décidé de s’éloigner de l’église. Le dernier ouvrage qu’il entreprit, ce fut de vider le charnier. Comme personne n’était encore capable de se rendre à mi-chemin entre Cap-des-Rosiers et Anse-au-Griffon, Arthur put s’acquitter de cette tâche sans personne pour l’embarrasser. Même chose pour le vide sanitaire, si ce n’est que des dames de Sainte-Anne qui astiquaient l’église pour le nouvel arrivant.

Parfois, vers la fin de novembre, les cloches grelottent et rapidement taisent un si court tintement que personne ne se souvient l’avoir entendu. C’est à ce moment qu’Angèle, la postière et la ménagère du curé Archambeau, quitte l’Anse-au-Griffon vers Québec. C’est du moins ce qu’elle dit. Des affaires l’enjoignent à y demeurer plusieurs jours. Lorsqu’elle revient, tous remarquent un doux changement dans son attitude. On ne saurait dire lequel, mais elle n’est plus tout à fait la même.

Quant à Nathaniel, eh! bien cela exige de vous un dernier effort supplémentaire de crédibilité, il vit confortablement installé au pays inimaginaire des fantômes…


FIN

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...