Parfois, en certains moments difficiles de notre vie ou celle de la collectivité, il est recommandé de prendre “ un pas de recul “. Une fois fait, se retourner vers les auteurs, les penseurs, les philosophes peut s’avérer extrêmement intéressant pour nous aider à rejoindre notre âme, chérir notre coeur et clarifier notre cerveau.
Je vous propose ces quelques citations, souhaitant qu’elles puissent servir de baume en ces temps morbides.
• LES DEUX MORTS DE MA GRAND-MÈRE
( Amos Oz )
J’ai toujours été convaincu que les optimistes devaient être très malheureux, alors que les pessimistes ont une chance d’être, sinon heureux, du moins satisfaits. L’optimiste se lève tôt le matin, persuadé de trouver ses pantoufles près du lit. Elles n’y sont pas, et il est déçu. Puis il se coupe en se rasant, et cela l’irrite. Il veut préparer du café mais il n’y en a plus, ou bien l’électricité est brusquement coupée. Le pessimiste, au contraire, ne s’attend jamais à découvrir ses pantoufles près de son lit, et s’il les voit il est très content. Il veut faire du café, s’aperçoit qu’il en reste, et l’harmonie règne dans le monde.
• L’ÉTUDIANT ÉTRANGER
( Philippe Labro )
Et je n’en étais pas conscient parce que j’étais encore trop inexpérimenté et je n’avais pas acquis la faculté de transformer un moment vécu, une observation subjective, en une généralité qui peut s’appliquer à une culture, une civilisation, des femmes et des hommes. Vous apprenez ces choses-là à mesure que vous avancez dans l’existence, quand vous avez suffisamment rencontré la mort ou la violence ou la beauté ou la crudité, ou tout cela à la fois et vous parvenez petit à petit à établir comme un éventail de comportements ou de valeurs, et à définir ce qui auparavant surgissait, spontanément, sans avertissement, et vous enregistriez sans comprendre. Le sphinx, alors, est en état de résoudre sa propre énigme et si l’histoire tout entière repose en un seul homme, tout doit pouvoir être expliqué à partir d’une expérience individuelle, une histoire comme un pays, comme les hommes de ce pays et qui ont fait cette histoire. J’avais lu ça dans Emerson et j’ai mis quelque temps à me pénétrer de ce phénomène de multiplication infinie des actions humaines, de cet unanimisme qui m’a toujours poursuivi, depuis, de façon parfois simpliste. Il se passe la même chose, en ce moment, à des milliers de kilomètres de distance, et cependant ce n’est pas du tout la même chose, et pourtant, c’est pareil.
• L’AMOUR AU TEMPS DU CHOLÉRA
( Gabriel Garcia Marquez )
…elle l’avait aidé à supporter l’agonie avec le même amour qu’elle avait déployé pour l’aider à découvrir le bonheur.
• LE TOMBEAU D’ÉTOILES
( Maxence Fermine )
On croit longtemps vivre entouré de gens, de proches, d’une famille aimante. À force d’habitude, on se croit préservé à jamais du malheur et de la solitude, pièce indispensable dans la grande mosaïque du monde. Et puis, un jour, la mosaïque se fendille et les joints éclatent, jusqu’à ce que chacune des pièces qui constituaient cette étrange fresque humaine s’isole un peu plus des autres. Alors on se retrouve seul face à son reflet dans le miroir, seul dans le cortège des jours qui défilent, et on comprend qu’il n’en était rien.
• LES LETTRES DE CAPRI
( Mario Soldati )
Les passions les plus viles obéissent à un stratagème : quand elles nous assaillent, elles s’efforcent de ne pas nous inquiéter. Pour mieux se glisser en nous, elles se dissimulent derrière une prétendue légèreté. Et comme notre raison résiste, elles s’attaquent à notre vanité. Nous sommes si vains, si sûrs de tenir bon, que nous nous moquons volontiers d’elles; nous feignons d’en être animés, pour les parodier justement et nous complaire dans notre vertu. Mais nous sommes obligés ainsi de nous en occuper, de les expérimenter sur nous, de goûter leur douceur; nous nous y habituons entièrement et insensiblement, et devenons bientôt leurs esclaves.
Ainsi, un beau jour, notre raison chavire brusquement, elle aussi. Et soudain, la passion, les passions, que nous taxions jadis de bassesse ou de mensonge, nous apparaissent bientôt revêtues de grandeur et de vérité. Voilà notre chemin! Voilà la lumière! nous disons-nous alors en nous berçant d’un réconfort extraordinaire, mais trompeur. Nous sommes comme les autres, les gens convenables. Normaux. Nous n’avons plus de doutes. Quel repos! C’était si simple. Il suffisait d’avoir un peu d’humilité. Nous nous croyons humbles. Et c’est le début de notre ruine.
Le propre de l’humilité est que celui qui la possède croit en être privé !
• AU PAYS
( Tahar Ben Jelloun )
… le temps c’est nous, ce n’est pas le cadran de la montre, non, c’est toi qui fais le temps, tu fermes les yeux et tu es dans le passé, tu les fermes encore et tu te projettes dans le futur, quand tu décides de les ouvrir, pas de mystère, tu es dans le présent, celui qui est aussi mince qu’une feuille de cigarette, tu vois ce que je veux dire ?
• UN GARÇON PARFAIT
( Alain Claude Sulzer )
Si l’amour meurt, c’est la mort qui vient, si l’amour vient, c’est la mort qui meurt.
• L’ORIGINE DE LA VIOLENCE
( Fabrice Humbert )
Le microscope a ceci de merveilleux qu’il nous enfonce dans un monde aux déclivités énormes, aux contours fabuleux, comme un conte visuel d’ordinaire inaccessible. La mince lamelle translucide, sur laquelle est déposée un minuscule fragment, révèle brutalement un univers, de sorte que l’infiniment petit recèle autant de richesses qu’une planète entière. Mais en même temps, l’œil collé à l’embout noir, absorbé par ce nouveau monde, ne voit plus rien de l’ancien.
• JADE
( Michel Tauriac )
L’illusion est une des grandes causes de la souffrance humaine.
• LA TRISTESSE DES ANGES
( Jon Kalman Stefanson )
Nombreux sont ceux qui choisissent de se taire quand la vie leur inflige les plus cuisantes brûlures, d’ailleurs, les mots ne sont souvent que des pierres inertes, des vêtements élimés et usés. Ils peuvent également être de mauvaises herbes, de dangereux vecteurs d’infection, des planches vermoulues qui ne supporteraient même pas le poids d’une fourmi et d’autant moins celui d’un homme. Pourtant, ils sont l’une des rares choses qui demeurent à portée de main lorsque tout semble se jouer de nous. Gardez bien cela à l’esprit. N’oubliez pas non plus ce que nul ne comprend : les mots les plus insignifiants et les plus improbables peuvent, sans qu’on s’y attende, se charger d’un lourd fardeau et conduire la vie pour la sauver par-delà les plus vertigineuses crevasses.
• À PROPOS DE COURAGE
( Tim O’Brien )
Une histoire existe pour l’éternité, même quand la mémoire est effacée, même quand il n’y a plus rien d’autre à se rappeler que l’histoire elle-même.
• NOUVELLES ORIENTALES
( Marguerite Yourcenar )
Il est sorti du monde des faits pour entrer dans celui des illusions, et il m’arrive de penser que l’illusion est peut-être la forme que prennent aux yeux du vulgaire les plus secrètes réalités.
. UN AMERICAIN BIEN TRANQUILLE
( Graham Greene)
Assez d’ismes et de craties. Je veux des faits.
. LE PORTAIL
( François Bizot)
Cette merveilleuse faculté qu’a l’être humain de s’attacher aux objets les plus dérisoires de son existence, aux instruments mêmes de son supplice, simplement parce qu’ils font partie du modeste décor de son quotidien, du simple fait qu’ils lui sont devenus familiers, occupa mon esprit pendant des heures. Sans doute en va-t-il de même de notre vie entière. Je méditai longuement sur ce que cette réalité révèle de la condition humaine, et je ne cesse encore aujourd’hui de m’en étonner.
. ENFANCE et ADOLESCENCE
( Léon Tolstoï )
Mais, à mon sens, la non-conformité de la position d’un homme avec son activité morale est le signe le plus sûr de la vérité.
. L’IMMORALISTE
( André Gide)
Et comment une antique réponse eût-elle satisfait à ma nouvelle question : Qu’est-ce que l’homme peut encore ? Voilà ce qu’il m’importait de savoir. Ce que l’homme a dit jusqu’ici, est-ce tout ce qu’il pouvait dire ? N’a-t-il rien ignoré de lui ? Ne lui reste-t-il qu’à redire ? Et chaque jour croissait en moi le confus sentiment de richesses intactes, que couvraient, cachaient, étouffaient les cultures, les décences, les morales.
Voici donc ces quelques citations que j’ai glanées au fil de mes lectures autant vietnamiennes que québécoises depuis quelques années. Y revenir, parfois, me rend confiant et perplexe tout à la fois.
J’ose espérer qu’elles puissent trouver un chemin en vous.