dimanche 26 avril 2015

Les chroniques de Saïgon (13)




On doit bien y arriver un jour ou l'autre. Ça y est, et en plus la chronique porte le numéro 13, celui de la chance ou de la malchance selon que nous soyons  ou pas superstitieux. 

À quelques jours (en fait 4 dodos) du retour à la maison québécoise, je me lance dans cette dernière chronique, un dernier poème écrit en terre vietnamienne. Plus simple comme cela, ça évite les bilans, les blablablas de circonstance.

Toutefois, je tiens à répondre à une question qui m'est souvent posée: est-ce difficile de quitter après six mois?  Évidemment la question vaut pour le Vietnam et Saint-Pie. Non. J'ai décidé de vivre entièrement le moment présent afin de ne rien regretter, de profiter de tout ce qui se passe ici (Saïgon, encore) et là-bas au moment où cela arrive sinon je serais continuellement déphasé. Au Vietnam j'évite de songer au Québec et vice-versa. Parfois, je fais exception!

Alors voici donc le dernier poème écrit ici. Et je vous dis à bientôt, en terre québécoise.


le soleil tombe derrière eux


deux hommes
fument assis l’un contre l’autre devant l’étang
ils parlent de choses et d’autres sans doute
et le bronze du soleil s’écaille derrière eux

deux enfants
se lancent une noix de coco dans la cour ensablé
ils s’amusent l’un et l’autre du jeu banal mais le leur
et les ocres du soleil se désagrègent derrière eux

deux femmes
installées dans la rue passante, cuisent le riz
échangeant regards amusés, propos culinaires
et le soleil marron, derrière elles se délaie

deux jeunes chiens
courent l’un derrière l’autre devant la masure
ils roulent, se mordent puis s’arrêtent au passage d’un vélo
et le soleil fauve tempête derrière eux

deux motos
à l’entrée huileuse d’un garage, grondent, immobiles
des outils garnissent le sol, inutiles pour le moment
alors que le soleil flavescent rouille derrière elles

deux palmiers
enracinés au trottoir depuis longtemps
chuchotent des airs, des balades entre eux
le soleil marron, derrière le vent, les traverse

deux
cerfs-volants prisonniers des fils électriques
volées d’hirondelles affamées sous les nuages
couples de chauves-souris en course éperdue
et le soleil safran glisse sur eux


le soleil est tombé
eux, demain et après,
toujours là
quand se lèvera le soleil
sachant qu’à nouveau il s’affaissera sur eux
dans son éternel mouvement pérenne

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