On doit bien y arriver un jour ou l'autre. Ça y est, et en plus la chronique porte le numéro 13, celui de la chance ou de la malchance selon que nous soyons ou pas superstitieux.
À quelques jours (en fait 4 dodos) du retour à la maison québécoise, je me lance dans cette dernière chronique, un dernier poème écrit en terre vietnamienne. Plus simple comme cela, ça évite les bilans, les blablablas de circonstance.
Toutefois, je tiens à répondre à une question qui m'est souvent posée: est-ce difficile de quitter après six mois? Évidemment la question vaut pour le Vietnam et Saint-Pie. Non. J'ai décidé de vivre entièrement le moment présent afin de ne rien regretter, de profiter de tout ce qui se passe ici (Saïgon, encore) et là-bas au moment où cela arrive sinon je serais continuellement déphasé. Au Vietnam j'évite de songer au Québec et vice-versa. Parfois, je fais exception!
Alors voici donc le dernier poème écrit ici. Et je vous dis à bientôt, en terre québécoise.
le soleil tombe derrière eux
deux
hommes
fument
assis l’un contre l’autre devant l’étang
ils
parlent de choses et d’autres sans doute
et le bronze
du soleil s’écaille derrière eux
deux
enfants
se
lancent une noix de coco dans la cour ensablé
ils
s’amusent l’un et l’autre du jeu banal mais le leur
et les ocres
du soleil se désagrègent derrière eux
deux
femmes
installées
dans la rue passante, cuisent le riz
échangeant regards amusés, propos culinaires
et le
soleil marron, derrière elles se délaie
deux
jeunes chiens
courent
l’un derrière l’autre devant la masure
ils
roulent, se mordent puis s’arrêtent au passage d’un vélo
et le
soleil fauve tempête derrière eux
deux
motos
à l’entrée
huileuse d’un garage, grondent, immobiles
des
outils garnissent le sol, inutiles pour le moment
alors
que le soleil flavescent rouille derrière elles
deux
palmiers
enracinés
au trottoir depuis longtemps
chuchotent
des airs, des balades entre eux
le
soleil marron, derrière le vent, les traverse
deux
cerfs-volants
prisonniers des fils électriques
volées
d’hirondelles affamées sous les nuages
couples
de chauves-souris en course éperdue
et le
soleil safran glisse sur eux
le
soleil est tombé
eux, demain
et après,
toujours
là
quand se
lèvera le soleil
sachant qu’à
nouveau il s’affaissera sur eux
dans son éternel mouvement pérenne