« Ce que j'ai appris de plus beau. »
Cet otium, à la suggestion de Claire, ne comporte ni photo ni image, mais repose sur un extrait du livre de Kim Thuy et Pascal Janovjak, intitulé À toi.
« Ce que j'ai appris de plus beau : jouer aux échecs, le nom des cinq classes d'insectes, faire parler les yeux, tailler une vigne, casser un oeuf, cuire un oeuf, inhaler la fumée, la recette d'un cocktail vénitien du nom de Spritz, nager en eau douce, prendre une vague, suivre un poisson, ramasser du bois, lire un tableau, lire un regard, lire un corps, et imiter le bruit de la goutte d'eau.
Ce qu'il me reste à apprendre : changer les couches, les subtilités du subjonctif, me couper les ongles régulièrement. »
Je pourrais, tout comme le fait Pascal Janovjak, y aller d’une énumération d’apprentissages issus de mes plus jeunes années jusqu’à celles qui me mènent vers « ce qu’il me reste à apprendre », mais cela risquerait d’être ennuyeux, possiblement redondant, confondu à l’occasion entre apprentissages et connaissances, distribués sur une échelle qui répartirait les utiles et les futiles en deux colonnes inégales, cataloguant les beaux / belles par rapport aux laids / laides. Enfin, vous voyez le piège que cet énoncé implique !
On ne peut pas, du moins je le crois, avancer que ceci ou que cela a été ou est ce que l’on a appris de plus beau... User d’une numérotation ou d’un classement exigerait qu’on situe les apprentissages dans l’espace et le temps, leur accordant un degré d’importance ou d’influence les uns par rapport aux autres.
c’est être avisé, informé de quelque chose ; chercher à acquérir un ensemble de connaissances par un travail intellectuel ou par l'expérience ; se rendre capable de...
C’est porter à sa connaissance ; donner la connaissance, le savoir, la pratique de quelque chose...
Également,
d’être appris, sachant qu’il y a des choses qui ne s’apprennent pas...
Le plus beau ne serait-il pas (conditionnel) d’apprendre à apprendre ? Ou encore ce gracieux subjonctif - il faut que j’apprenne - plus accueillant qu’un baroudeur impératif - apprends / apprenons / apprenez.
Selon le neuroscientifique Stanislas Dehaene, l’apprentissage repose sur quatre piliers : l’attention ; l’engagement actif ; le retour d’information ; la consolidation de l’acquis. Est-ce que l’extrait (la liste des apprentissages énumérés) sur lequel mes deux collègues d’otium et moi avons à réfléchir, peut vraiment être lu à travers ce modèle qui m’apparaît davantage qualificatif ?
Je me résous donc à élaborer sur ce que j’ai appris de plus beau : vivre après être né. Sans m’attarder à la pyramide de Maslow et sa hiérarchie des besoins (1. physiologiques ; 2. de sécurité ; 3. d’appartenance ; 4. d’estime ; 5. d’auto-accomplissement) il m’apparaît difficile de ne pas en tenir compte ainsi que les avancées de Jean Piaget en épistémologie génétique qui nous a appris que le langage est probablement le centre de tout apprentissage.
Partons de l’énoncé suivant qui tente d’amalgamer les idées de ces deux grands psychologues : plus les apprentissages sont nombreux, variés et complexes, plus le langage se développe, plus notre perception de l’environnement proche et éloigné permet d’avancer vers la beauté. Nos apprentissages et nos connaissances se plaisent au contact du “beau” perçu par l’entremise de nos sens et possiblement d’un sixième un peu plus ésotérique.
Je sais que j’ai vécu avant de naître dans un environnement à la fois complexe, transformateur et préparatoire à ce qui suivra l’achèvement de la gestation.
Je sais que j’étais choyé - aucun choix à faire - n’avais qu’à me laisser bercer par les ondulations du liquide amniotique dans lequel je baignais et qu’un jour... Bang ! ... tout fut bouleversé, les eaux transmuées en oxygène et, instantanément, je dus apprendre à respirer tout seul, devenant graduellement celui qui ne savait pas encore qui il était et, à posteriori, celui qui aura à apprendre pour survivre. Ce premier examen échoué, aucun autre apprentissage ne peut advenir : assouvir sa faim et sa soif, dormir avec la certitude de se réveiller dans un environnement stable, sans anxiété ni crise, progressivement être en mesure de comprendre ce qu’est l’amour et l’affection, apprendre à les partager, puis, tout doucement, arriver à ce que l’environnement reconnaisse et apprécie ce que nous faisons et encouragent nos efforts à rendre ceci réversible, partageable pour ensuite réaliser certains accomplissements.
Tout cela aura été possible par le langage qui, pour l’être humain du moins, est la seule voie opérante pour traverser la vie.
« ce que j'ai appris de plus beau »
doit continuellement demeurer au présent de l’indicatif
et me préparer pour « ce qu'il me reste à apprendre »... soit à mourir.
Oui, mais comment apprendre à mourir ? Serait-il le seul apprentissage qui ne s’apprend pas ?
Chacun peut l’appréhender... tout au plus. Certains arriveront à visualiser la mort ; j’ai eu l’occasion de le faire lorsqu’une bactérie vicieuse, s’associant à un virus tout aussi pernicieux, m’a conduit à la porte de ce que d’aucuns appellent le tunnel au bout duquel jaillit une diaphane lueur blanche.
Est-il possible d’avancer l’idée que cette expérience d’un compagnonnage plus ou moins rapproché de la “ grande inconnue “ puisse être un apprentissage ? Je me permets une réponse basée sur ce que mon pédagogue dont j’oublie le nom et qui alléguait l’idée qu’ “on ne peut apprendre que ce que l’on sait déjà“ : nous ne pouvons pas faire l’apprentissage de la mort, seulement la considérer d’un point de vue intellectuel.
Il faudrait en revenir (sans nécessairement renaître) afin de pouvoir en parler avec une certaine crédibilité ; mon expérience de mort rapprochée - si cela était véritablement ce que j’ai vécue - ne me permet pas d’aligner de façon crédible ce que j’aurais pu apprendre. En fait, une seule chose : sa présence au bout de ma nuit dans laquelle la bactérie m’avait projeté, aura évacué la peur morbide que j’en avais.
C’est tout ce que j’ai appris de ce qu’il me reste à apprendre...
P.S. 1) J’avoue bien humblement qu’arriver à mémoriser le nom des huit (8) grandes régions et des cinquante-huit (58) provinces qui composent le Vietnam, j’aimerais bien.
en tête
Sans doute parce que