- Voici la copie du bail, mademoiselle Abigaelle. Euh!... je n’ai pas commis d’erreur en écrivant votre prénom ?
- Non, c’est exact. On a surtout de la difficulté avec Thompson, mon nom de famille.
- Je suis certain que vous serez très bien ici. C’est situé en plein cœur du village, mais surtout face à votre lieu de travail.
-Ça répond parfaitement à mon besoin, merci.
- Est-ce que la personne que vous me donnez pour référence demeure dans la province ?
- À Montréal.
La nouvelle locataire et le propriétaire se saluèrent amicalement ; il apparaissait toutefois dans la physionomie de ce dernier, non pas de la méfiance mais plutôt quelque chose comme s’il restait sur son appétit. Sachant parfaitement qu’on allait l’interroger sur ce nouveau personnage s’installant dans le village et qui prendrait charge d’une classe à l’école primaire, il n’aurait que trop peu de choses à raconter sauf qu’elle lui a semblé gentille, peu bavarde et d’origine étrangère, probablement de descendance anglophone s’il en jugeait par son patronyme. À son tour, le président de la commission scolaire sera certainement lui aussi bombardé de questions.
Abigaelle fit une dernière fois le tour de cette petite maison toute de bois construite. Le bleu domine alors qu'autour des fenêtres un blanc aussi pur que la neige les encadre, tout cela lui donnant un joli cachet vieillot. Au rez-de-chaussée, un foyer attire l’attention du fait qu’on l’ait placé entre le salon et la salle à manger qui s’étire jusqu’à la cuisinette. Le plain-pied se déploie entre de grandes fenêtres dont une donne effectivement sur la façade de l’école primaire, une autre sur un magnifique jardin qui n’attend qu’à être réaménagé au goût de la nouvelle occupante. La minuscule salle de bain se trouve un peu en retrait. À l’étage, un loft qu'elle aménagera à son goût et répondant à ses besoins, sachant qu’elle y passerait la majorité de son temps. Un duo de fenêtres donnant sur l'est, l'autre sur l'ouest laissant ainsi entrer une belle lumière sur les murs en bois et un plafond anguleux. La chaleur confortable qui irradie l’endroit est sans doute due au fait que l’ensemble répond de la même essence de bois qu’on a utilisée pour construire la maisonnette et qu'un léger courant d'air se faufile au travers toute la pièce. La nouvelle locataire s’y sentit déjà confortable. Un sourire de satisfaction apparût pour disparaître aussitôt.
- Non, c’est exact. On a surtout de la difficulté avec Thompson, mon nom de famille.
- Je suis certain que vous serez très bien ici. C’est situé en plein cœur du village, mais surtout face à votre lieu de travail.
-Ça répond parfaitement à mon besoin, merci.
- Est-ce que la personne que vous me donnez pour référence demeure dans la province ?
- À Montréal.
La nouvelle locataire et le propriétaire se saluèrent amicalement ; il apparaissait toutefois dans la physionomie de ce dernier, non pas de la méfiance mais plutôt quelque chose comme s’il restait sur son appétit. Sachant parfaitement qu’on allait l’interroger sur ce nouveau personnage s’installant dans le village et qui prendrait charge d’une classe à l’école primaire, il n’aurait que trop peu de choses à raconter sauf qu’elle lui a semblé gentille, peu bavarde et d’origine étrangère, probablement de descendance anglophone s’il en jugeait par son patronyme. À son tour, le président de la commission scolaire sera certainement lui aussi bombardé de questions.
Abigaelle fit une dernière fois le tour de cette petite maison toute de bois construite. Le bleu domine alors qu'autour des fenêtres un blanc aussi pur que la neige les encadre, tout cela lui donnant un joli cachet vieillot. Au rez-de-chaussée, un foyer attire l’attention du fait qu’on l’ait placé entre le salon et la salle à manger qui s’étire jusqu’à la cuisinette. Le plain-pied se déploie entre de grandes fenêtres dont une donne effectivement sur la façade de l’école primaire, une autre sur un magnifique jardin qui n’attend qu’à être réaménagé au goût de la nouvelle occupante. La minuscule salle de bain se trouve un peu en retrait. À l’étage, un loft qu'elle aménagera à son goût et répondant à ses besoins, sachant qu’elle y passerait la majorité de son temps. Un duo de fenêtres donnant sur l'est, l'autre sur l'ouest laissant ainsi entrer une belle lumière sur les murs en bois et un plafond anguleux. La chaleur confortable qui irradie l’endroit est sans doute due au fait que l’ensemble répond de la même essence de bois qu’on a utilisée pour construire la maisonnette et qu'un léger courant d'air se faufile au travers toute la pièce. La nouvelle locataire s’y sentit déjà confortable. Un sourire de satisfaction apparût pour disparaître aussitôt.
Stationnée devant la porte de la résidence, une Westfalia orange et blanche attirait l’attention des passants. Les bruits courent aussi rapidement que le vent dans ce village et déjà quelques personnes, feignant se rendre ici ou là, s’étaient approchées de ce véhicule que certains qualifiaient déjà d’intrus. Immobile devant la maison de monsieur Champigny, vide depuis déjà un certain temps, ce genre de mini-bus que plusieurs associent à la mouvance hippie, ne pouvait qu’appartenir à un nouveau ou une nouvelle arrivée dans le patelin, surtout que cet endroit qui connût à l’époque plusieurs soubresauts était à louer depuis quelques années. Son propriétaire l’a toujours entretenue de façon remarquable, un peu comme s’il s’était donné pour mandat de voir à ce qu’elle reste impeccable.
Abigaelle avait rendez-vous avec la directrice de l’école primaire, madame Saint-Gelais. Dans la localité de Saints-Innocents, la paroisse porte le même nom ainsi que l’école qui fut longtemps présentée comme un joyau architectural, selon le président de la commission scolaire. À l’époque de la création du village, on ne s’est pas creuser les méninges et chercher l’originalité, le même nom serait attribué à l'église, à la municipalité et finalement à l'école. Cela convenait à tout le monde. Une tradition quasiment ancestrale veut que marguilliers, commissaires de l’école ainsi que les conseillers municipaux soient tous les mêmes. Ils représentaient plusieurs familles locales transmettant entre eux leurs rôles - les femmes n'ayant pas droit d'occuper des fonctions administratives officielles -comme s’il s’agissait d’une oligarchie. Les disputes s'engageaient seulement lors des élections provinciales et fédérales, à ce moment-là les couteaux volaient bas.
À quelques jours de l’ouverture des classes, la directrice avait exigé du président de la commission scolaire que tout son personnel fût nommé et en place pour le vendredi 29 août. Un changement important dans l’horaire survenu cette année puisque, depuis toujours, les élèves se présentent pour le début des classes le lendemain de la Fête du travail, le premier lundi du mois de septembre. Cela modifia son organisation qui, depuis des lustres, respecte le même horaire, mêmes activités d’entrée et exige que toutes ses enseignantes soient en place. En effet, à l’école primaire Saints-Innocents - le scénario devait sans doute être le même partout dans la province - seulement deux hommes font partie de l’équipe, soit le concierge et le curé de la paroisse.
- Mademoiselle Thompson ?
- Bonjour madame Saint-Gelais.
- Monsieur le président de la commission scolaire m’a annoncé votre venue dans notre école. Avez-vous rencontré monsieur Champigny pour une location ?
- C’est fait depuis une heure.
- Et vous emménagez bientôt ?
- Le temps de ramasser mes affaires à Montréal puis de m’installer. Ça sera fait d’ici deux ou trois jours.
L’entretien demeurait formel, ce qui ne ressemble aucunement au tempérament de la directrice pour qui tout connaître de son personnel fait partie intégrante de sa gestion, l'amenant parfois à se montrer intrusive. Elle épluchait du regard sa nouvelle enseignante alors que mille et une questions l’attaquaient de front autant sur la jeune fille, son passé et principalement les raisons l’ayant incitée à appliquer sur un poste aussi éloigné de la grande ville. Pour le moment, elle préférait établir une relation professionnelle basée sur la hiérarchie.
Abigaelle avait rendez-vous avec la directrice de l’école primaire, madame Saint-Gelais. Dans la localité de Saints-Innocents, la paroisse porte le même nom ainsi que l’école qui fut longtemps présentée comme un joyau architectural, selon le président de la commission scolaire. À l’époque de la création du village, on ne s’est pas creuser les méninges et chercher l’originalité, le même nom serait attribué à l'église, à la municipalité et finalement à l'école. Cela convenait à tout le monde. Une tradition quasiment ancestrale veut que marguilliers, commissaires de l’école ainsi que les conseillers municipaux soient tous les mêmes. Ils représentaient plusieurs familles locales transmettant entre eux leurs rôles - les femmes n'ayant pas droit d'occuper des fonctions administratives officielles -comme s’il s’agissait d’une oligarchie. Les disputes s'engageaient seulement lors des élections provinciales et fédérales, à ce moment-là les couteaux volaient bas.
À quelques jours de l’ouverture des classes, la directrice avait exigé du président de la commission scolaire que tout son personnel fût nommé et en place pour le vendredi 29 août. Un changement important dans l’horaire survenu cette année puisque, depuis toujours, les élèves se présentent pour le début des classes le lendemain de la Fête du travail, le premier lundi du mois de septembre. Cela modifia son organisation qui, depuis des lustres, respecte le même horaire, mêmes activités d’entrée et exige que toutes ses enseignantes soient en place. En effet, à l’école primaire Saints-Innocents - le scénario devait sans doute être le même partout dans la province - seulement deux hommes font partie de l’équipe, soit le concierge et le curé de la paroisse.
- Mademoiselle Thompson ?
- Bonjour madame Saint-Gelais.
- Monsieur le président de la commission scolaire m’a annoncé votre venue dans notre école. Avez-vous rencontré monsieur Champigny pour une location ?
- C’est fait depuis une heure.
- Et vous emménagez bientôt ?
- Le temps de ramasser mes affaires à Montréal puis de m’installer. Ça sera fait d’ici deux ou trois jours.
L’entretien demeurait formel, ce qui ne ressemble aucunement au tempérament de la directrice pour qui tout connaître de son personnel fait partie intégrante de sa gestion, l'amenant parfois à se montrer intrusive. Elle épluchait du regard sa nouvelle enseignante alors que mille et une questions l’attaquaient de front autant sur la jeune fille, son passé et principalement les raisons l’ayant incitée à appliquer sur un poste aussi éloigné de la grande ville. Pour le moment, elle préférait établir une relation professionnelle basée sur la hiérarchie.
- J’ai lu votre curriculum vitae. Vous en êtes à votre première année d’enseignement et vous possédez, ce qui est assez rare chez nous, une maîtrise en éducation avec spécialisation auprès des élèves des classes de maternelle.
- Du pré-scolaire. En effet, d’ailleurs j’entreprends dès cet automne un doctorat.
- Permettez-moi de vous aviser que la majorité de nos enseignantes, très compétentes d'ailleurs, ne possèdent que le brevet «C», ce qui les rend légalement qualifiées à enseigner auprès de la clientèle du primaire.
- Je ne vois aucun problème puisque tout est conforme aux exigences.
- Sans doute ne retrouverez-vous pas dans nos discussions pédagogiques la même… comment dire ? … la même rigueur à laquelle vous êtes sans doute habituée.
- Il n’est pas dans mon habitude d'apprécier les gens à partir de leur feuille de route.
- Bien. Alors, je vous souhaite une bonne arrivée parmi nous, espérant que vous vous adaptiez à notre petit village de campagne.
- Aucun doute dans mon esprit.
Abigaelle se leva, tendit la main à madame Saint-Gelais qui demeura assise dans son fauteuil roulant. Elle s’arrêta au bureau de la secrétaire afin de récupérer les documents relatifs à sa tâche dont principalement la liste des élèves. Un bref coup d’oeil lui permit de constater que son groupe serait composé de huit (8) élèves parmi lesquels se trouvait une seule fille qui, cela la surprit, ne possédait qu’un prénom. Les garçons avaient tous six (6) ans, sauf un (1) dont elle retint le prénom, Benjamin, âgé de cinq (5) ans. Pour le nom de famille, il comportait, rare à l’époque, les deux noms de ses parents.
La directrice avait obtenu de la commission scolaire une dispense afin que, compte tenu du petit nombre d'élèves, ceux-ci passeraient la journée entière en classe alors que le règlement prévoit une demi-journée. Elle avait mentionné que ceci faciliterait la tâche des parents et surtout que l'enseignante travaillerait à temps plein pour un salaire à temps plein. Madame Saint-Gelais, ayant rencontré par le passé des problèmes avec le syndicat des enseignant(e)s, n'allait pas favoriser une personne au détriment des autres, surtout que celle qui aurait pu en bénéficier venait d'ailleurs et qu'elle ne la connaissait pas.
Une fois complété le document dans lequel on colligeait les informations personnelles exigées par la commission scolaire, la jeune institutrice s’enquit auprès de la secrétaire de l’endroit où se situait le bureau postal.
Une fois complété le document dans lequel on colligeait les informations personnelles exigées par la commission scolaire, la jeune institutrice s’enquit auprès de la secrétaire de l’endroit où se situait le bureau postal.
Revenue, elle monta dans sa Westfalia.