… la suite…
On en arrive, lisant des histoires de fantômes, à soupçonner tout ce qui bouge de travers. Se dire que ça devient un rajoutage de bizarreries et d’étrangetés afin de nous effrayer et que de toute façon quand on finira par connaître le fin fond des choses, on se dira : c’était juste cela. Alors, l’invraisemblable prend le dessus. Trop c’est trop. Dans ce qui nous intéresse, tenter une explication sur les cloches de l’église de l’Anse-au-Griffon exige plus qu’un acte de foi, alors… voilà qu’un corps disparaît, puis réapparaît… Un bedeau, qui a toutes les chances d’être l’instigateur de l’histoire… Des tombeaux saccagés. Des coyotes sur les perrons. Des ancres qui se laissent tomber à l’eau dans un banc d’anémones de mer… Trop extravagant pour être vrai. Pardon, milles pardons, il faut bien l'avouer, tout cela est rigoureusement exact, documenté, vérifiable… Notre grand-père ne saurait dire exactement quand toute l’affaire se classa, mais l’année du décès du chanoine est tout de même un fait vécu... ou son contraire.
Un journaliste, pas n’importe lequel, il provenait de Rimouski, s’est intéressé à la question. L’année du grand chambardement de la météo, un entrefilet à peine, écrit par le jeune Francis et cela dans le journal de Gaspé, mais là, ce fut la nouvelle, mieux, la manchette. L’évêque Granger fit des pressions afin que le silence, fidèle gardien de la momification de la vérité, souhaita que fut préservée la mémoire d’outre-tombe d’un curé, chanoine en plus, ayant consacré avec dévouement sa vie à la côte gaspésienne, exigea un respect inconditionnel et que cesse ce brouhaha, car de toute façon une enquête était en marche, menée rondement par le nouveau curé, l’abbé Joachin Archambeau.
Malgré tout cela, je suis convaincu que vous vous croyez encore et toujours en pleine fiction. L’année 1970, le mois de novembre, entre les 25 et 27 pour plus de précision, un automne sans neige, dans un cimetière mi-catholique, mi-anglican, à mi-chemin entre Cap-des-Rosiers et Anse-au-Griffon, des sépultures furent profanées et je dois l’indiquer parce que notre grand-père insista longuement sur ce fait, on reprocha au conseil de la fabrique de ne pas avoir avisé la sûreté du Québec. Vous voyez à quel point cette histoire est véridique. Mais je sens que vous souhaitez un peu plus de jus, du rationnel s’il-vous-plait.
Eh! bien, vous ne serez pas déçus mais probablement abasourdis. Notre grand-père l’est encore, trente-cinq ans après…
Je ne me trompe assurément pas en disant que vous avez tous cru, par les comportements insolites du bedeau Arthur que celui-ci dut tenir un rôle crucial dans cette énigme. Vous avez raison et tort à la fois. Je vous explique.
Le chanoine Boudreau, curé de la paroisse à l’Anse-au-Griffon était un homme curieux. En fait, la curiosité chez lui devenait avec l’âge de plus en plus malsaine. Il voulait tout savoir, tout connaître. Et son messager, c’était Arthur. Il le questionnait, le talonnait, le mandatait pour fouiner partout, sur tout ce qui se passait dans le village et ses alentours. En échange des informations obtenues, il couvrait les activités parfois illicites de son homme de main. Car, en plus du braconnage, Arthur excellait dans la fabrication de boissons frelatées dont le commerce florissant avec les années transitait par le presbytère. On sut même par la suite que le pasteur Montgommerey y aurait également été mêlé, mais cela n’est pas vérifiable.
Donc, Arthur devait en diverses occasions quitter le village, y revenant quelques semaines plus tard. Les rencontres, en lien avec son métier officiel de guide de pêche et de chasse, lui permirent d’entretenir une clientèle qui pouvait s’étendre, a-t-on dit par après, jusqu’à Québec. Il partageait les profits avec le chanoine qui amassa ainsi un pécule, disons-le franchement, intéressant. Pingre, non. Économe, juste ce qu’il faut. Mais ses exigences à ce que l’église fut proprement entretenue, et ne pouvant compter sur autres choses que la dîme des paroissiens et des quêtes trop souvent symboliques, comment expliquer les travaux effectués sur la sainte bâtisse, de saisons en saisons, sans que cela ne souleva une ou deux questions. Unique héritier d’une famille fortunée, on croyait que sa générosité jaillissait sur la paroisse puisque de toute façon, à sa mort, aucun successeur ne pourrait revendiquer son patrimoine.
Le chanoine ne quittait jamais la paroisse. Il avait refusé quelques nominations ecclésiastiques mais accepté qu’à l’occasion il pourrait relever un confrère désireux de partir en vacances. Ce qu’il fit jusqu’à l’âge vénérable de quatre-vingts ans. Par la suite, cloîtré au presbytère, bien entretenu par Angèle, il célébrait la messe quotidienne et la dominicale. Arthur devint la seule autre personne en contact avec lui.
Alors, qu’est-ce que ce fameux bedeau, en fuite vers sa demeure, la nuit du 27 novembre, croisant les porteurs d’un cercueil vide découvert au cimetière, avait bien pu découvrir? Qui l’empêcha de dormir toute une nuit…
…à suivre…
On en arrive, lisant des histoires de fantômes, à soupçonner tout ce qui bouge de travers. Se dire que ça devient un rajoutage de bizarreries et d’étrangetés afin de nous effrayer et que de toute façon quand on finira par connaître le fin fond des choses, on se dira : c’était juste cela. Alors, l’invraisemblable prend le dessus. Trop c’est trop. Dans ce qui nous intéresse, tenter une explication sur les cloches de l’église de l’Anse-au-Griffon exige plus qu’un acte de foi, alors… voilà qu’un corps disparaît, puis réapparaît… Un bedeau, qui a toutes les chances d’être l’instigateur de l’histoire… Des tombeaux saccagés. Des coyotes sur les perrons. Des ancres qui se laissent tomber à l’eau dans un banc d’anémones de mer… Trop extravagant pour être vrai. Pardon, milles pardons, il faut bien l'avouer, tout cela est rigoureusement exact, documenté, vérifiable… Notre grand-père ne saurait dire exactement quand toute l’affaire se classa, mais l’année du décès du chanoine est tout de même un fait vécu... ou son contraire.
Un journaliste, pas n’importe lequel, il provenait de Rimouski, s’est intéressé à la question. L’année du grand chambardement de la météo, un entrefilet à peine, écrit par le jeune Francis et cela dans le journal de Gaspé, mais là, ce fut la nouvelle, mieux, la manchette. L’évêque Granger fit des pressions afin que le silence, fidèle gardien de la momification de la vérité, souhaita que fut préservée la mémoire d’outre-tombe d’un curé, chanoine en plus, ayant consacré avec dévouement sa vie à la côte gaspésienne, exigea un respect inconditionnel et que cesse ce brouhaha, car de toute façon une enquête était en marche, menée rondement par le nouveau curé, l’abbé Joachin Archambeau.
Malgré tout cela, je suis convaincu que vous vous croyez encore et toujours en pleine fiction. L’année 1970, le mois de novembre, entre les 25 et 27 pour plus de précision, un automne sans neige, dans un cimetière mi-catholique, mi-anglican, à mi-chemin entre Cap-des-Rosiers et Anse-au-Griffon, des sépultures furent profanées et je dois l’indiquer parce que notre grand-père insista longuement sur ce fait, on reprocha au conseil de la fabrique de ne pas avoir avisé la sûreté du Québec. Vous voyez à quel point cette histoire est véridique. Mais je sens que vous souhaitez un peu plus de jus, du rationnel s’il-vous-plait.
Eh! bien, vous ne serez pas déçus mais probablement abasourdis. Notre grand-père l’est encore, trente-cinq ans après…
Je ne me trompe assurément pas en disant que vous avez tous cru, par les comportements insolites du bedeau Arthur que celui-ci dut tenir un rôle crucial dans cette énigme. Vous avez raison et tort à la fois. Je vous explique.
Le chanoine Boudreau, curé de la paroisse à l’Anse-au-Griffon était un homme curieux. En fait, la curiosité chez lui devenait avec l’âge de plus en plus malsaine. Il voulait tout savoir, tout connaître. Et son messager, c’était Arthur. Il le questionnait, le talonnait, le mandatait pour fouiner partout, sur tout ce qui se passait dans le village et ses alentours. En échange des informations obtenues, il couvrait les activités parfois illicites de son homme de main. Car, en plus du braconnage, Arthur excellait dans la fabrication de boissons frelatées dont le commerce florissant avec les années transitait par le presbytère. On sut même par la suite que le pasteur Montgommerey y aurait également été mêlé, mais cela n’est pas vérifiable.
Donc, Arthur devait en diverses occasions quitter le village, y revenant quelques semaines plus tard. Les rencontres, en lien avec son métier officiel de guide de pêche et de chasse, lui permirent d’entretenir une clientèle qui pouvait s’étendre, a-t-on dit par après, jusqu’à Québec. Il partageait les profits avec le chanoine qui amassa ainsi un pécule, disons-le franchement, intéressant. Pingre, non. Économe, juste ce qu’il faut. Mais ses exigences à ce que l’église fut proprement entretenue, et ne pouvant compter sur autres choses que la dîme des paroissiens et des quêtes trop souvent symboliques, comment expliquer les travaux effectués sur la sainte bâtisse, de saisons en saisons, sans que cela ne souleva une ou deux questions. Unique héritier d’une famille fortunée, on croyait que sa générosité jaillissait sur la paroisse puisque de toute façon, à sa mort, aucun successeur ne pourrait revendiquer son patrimoine.
Le chanoine ne quittait jamais la paroisse. Il avait refusé quelques nominations ecclésiastiques mais accepté qu’à l’occasion il pourrait relever un confrère désireux de partir en vacances. Ce qu’il fit jusqu’à l’âge vénérable de quatre-vingts ans. Par la suite, cloîtré au presbytère, bien entretenu par Angèle, il célébrait la messe quotidienne et la dominicale. Arthur devint la seule autre personne en contact avec lui.
Alors, qu’est-ce que ce fameux bedeau, en fuite vers sa demeure, la nuit du 27 novembre, croisant les porteurs d’un cercueil vide découvert au cimetière, avait bien pu découvrir? Qui l’empêcha de dormir toute une nuit…
…à suivre…